Veille M3 / À la recherche d’un sommeil perdu
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Dormait-on forcément mieux avant ? À partir de l’ouvrage « La grande transformation du sommeil de R. Ekirchun », regard prospectif sur les enjeux de ce temps si utile.
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Interview de Diane Dupré La Tour
Comment développer des liens de proximité et promouvoir une alimentation durable ?
Pourquoi pas simplement en permettant aux habitants d’un quartier, comme à celles et ceux juste de passage, de préparer ensemble et de partager un repas savoureux et sain ?
C’est ce que proposent les Petites Cantines, dans un cadre accueillant, propice à la rencontre, aux échanges, et à bien d’autres choses.
Diane Dupré La Tour, co-fondatrice de cette petite utopie, revient sur la raison d’être de ce réseau de cantines de quartier, sur ses impacts et ses ambitions.
Pouvez-vous nous présenter le concept des Petites Cantines ?
Le principe est simple : nous proposons aux habitants de s’asseoir à la même table et de partager un repas. Ceux qui le souhaitent peuvent venir cuisiner ensemble avant, mettre le couvert et aider à faire un brin de vaisselle après le repas. Les Petites Cantines sont un réseau non lucratif de cantines de quartier où les convives s’accueillent et se rencontrent au travers de repas présentant trois caractéristiques :
Des repas participatifs, c’est-à-dire « comme à la maison », où l’intime et le commun coexistent. On est invité à faire ensemble, à être soi-même et à rencontrer les autres convives.
Des repas durables, cuisinés avec des produits bio et locaux, peu de produits carnés, pour prendre soin de sa santé et de l’environnement. Concrètement, nous collectons les invendus des magasins bio et naturels du quartier et achetons des produits à un maraîcher local, à Chasselay, et quelques produits en supermarché.
Des repas à prix libre. Chaque convive donne quelle chose mais chacun donne ce qu’il veut. Un responsable de cantine, salarié de l’association, gère le lieu : il est garant de l’hygiène et de l’approvisionnement et veille aussi à ce que chacun se sente bien, puisse agir et s’exprimer.
Quelle étaient vos principales motivations à l’origine du projet ?
Cette idée vient d’Étienne Thouvenot, qui était alors ingénieur dans un grand groupe et cherchait un projet porteur de sens. Nous nous sommes rapprochés l'un de l'autre pour allier nos talents, qui étaient complémentaires. L’idée d’un réseau de cantines de quartier s’est imposée. Elle faisait écho aussi à mon histoire personnelle. À la suite d’un accident de la vie, mes voisins ont cuisiné pour moi. Je me souvenais de l’impact de ces plats déposés chaque semaine sur mon palier. Il se jouait bien plus que le fait de manger.
Le repas est un formidable trait d’union entre les gens, entre l’expérience personnelle et l’expérience universelle. Il repose sur la confiance et la gratitude, en particulier quand on absorbe un repas préparé par une autre personne. Si la plupart des produits sont suremballés, portent des labels, des codes-barres, etc., c’est parce que nous avons besoin de sécurité. Quand on cuisine ensemble des produits bruts et qu’on partage un repas, on active d’autres leviers : le dialogue, la créativité, le respect, l’envie d’agir, la confiance, qui est le ciment de notre lien social. Les repas des Petites Cantines permettent d’insuffler de la confiance entre les habitants, de tisser des relations de qualité et de remuscler le lien social.
Comment ce projet a-t-il été accueilli à l’origine ?
Le projet a été très bien accueilli par les habitants. Nous avons commencé par monter une association en 2015 et tenir un stand sur la place Valmy (Lyon 9ème). Les habitants ont vite laissé leurs coordonnées et donné des idées, comme le prix libre. Certains restaurateurs étaient plus dubitatifs, avançant que la restauration n’est pas un métier qui s’improvise, mais la majorité nous ont beaucoup soutenus et nous soutiennent à chaque nouvelle création de cantine. Certains acteurs sociaux étaient plus interrogatifs, car ils avaient le sentiment que cela n’allait pas dans le sens de l’histoire : toujours plus de normes d’hygiène et de sécurité, de cuisine centrale couvrant de larges échelles territoriales… D’autres ont tout de suite perçu la complémentarité et envisagé les Petites Cantines comme un maillon entre les personnes qu’ils accompagnent et le reste de la société. Les bailleurs sociaux se sont montrés intéressés et prêts à accueillir les Petites Cantines au sein des rez-de chaussée commerciaux.
La première Petite Cantine a ouvert à Vaise (Lyon 9e) en septembre 2016. Aujourd’hui, neuf cantines (trois à Lyon, Oullins, Lille, Annecy, Strasbourg, Paris et Grenoble) sont en activité et participent à la construction d’une société fondée sur le partage et la confiance. La prochaine devrait ouvrir à Metz à l’automne prochain, les travaux sont en cours. Le réseau compte une dizaine de Petites Cantines en projet et accompagne les personnes souhaitant en monter une près de chez eux.
Toute personne peut adhérer au réseau des Petites Cantines et venir ensuite partager un repas dans une cantine du réseau. Qui sont vos adhérents ?
Actuellement, environ un tiers des adhérents a moins de 30 ans. Les jeunes ont été particulièrement nombreux cette année. Un tiers a entre 30 et 50 ans, des actifs en recherche ou non d’emploi, avec des fragilités ou non, des parcours de vie très différents. Et un tiers a plus de 50 ans. Parmi les plus de 60 ans, on accueille aussi bien des retraités actifs que des personnes âgées isolées. Environ deux tiers de nos adhérents sont des femmes.
Avant la pandémie, à Vaise, il y avait 3 000 adhérents actifs par an. Aujourd’hui, il y en a 2 000. Les gens ont mis du temps à sortir de chez eux et à retrouver leurs activités. Chaque jour, un convive nous dit ressortir pour la première fois.
De la convivialité, le besoin de se sentir utile, le désir de manger en-dehors de chez soi… Que recherchent vos adhérents ?
Tous viennent nourrir le besoin d’appartenance à un projet, un collectif, mais leurs motivations sont assez variées. Beaucoup de gens viennent pour le rituel, la convivialité et le partage et découvrent leur pouvoir d’agir, hors du travail et de leur quotidien. Certains viennent pour aider, se sentir utile, nous les amenons à sortir surtout de ce sentiment de solitude. Ici, par le biais du faire ensemble, ils se sentent utiles et reliés aux autres. D’autres viennent avec beaucoup d’idées préconçues et se laissent surprendre par les rencontres. Certains sont fragiles et le savent. Nous nous efforçons alors de décoller cette étiquette et de les aider à devenir acteurs et à accueillir à leur tour.
Pourquoi proposer un prix libre ?
La question que l’on nous pose le plus souvent est « combien donnent les autres ? ». Cette liberté intrigue, voire déstabilise. Nous avons créé quelques vignettes de BD, prochainement affichées dans les Petites Cantines, qui aborderont les réactions suscitées par le prix libre : la peur ou la honte de ne pas donner assez, la difficulté d’évaluer les coûts du repas, d’arbitrer avec la valeur perçue, etc. L’objectif est de réenclencher ce raisonnement, de ré-autonomiser les gens dans leur capacité à donner de la valeur aux biens et services… Laisser le prix libre peut être inconfortable mais incite chacun à se situer, à s’interroger sur ce qu’il a vécu, sur ce qu’il a reçu et sur ce qu’il est prêt à donner, et non à payer.
Dans toutes les cantines, nous utilisons des panneaux pour communiquer sur le coût d’un repas et sur notre modèle économique. Cela permet d'ancrer les informations de manière visuelle en utilisant moins d'éléments de langage qui peuvent être teintés par notre propre rapport personnel à l'argent, et influencer inconsciemment les convives. Les cantines du réseau ont testé différentes manières de communiquer sur le prix libre, comme autant de terrains de recherche. À l’instar de la vente en vrac, nous pensons que le prix libre est destiné à se développer dans une économie au service de la création de richesse relationnelle.
Et comment gérez-vous les alimentations particulières ? Les demandes de plats végétariens ou sans lactose, par exemple.
Avec simplicité, dans le dialogue et le respect. Quand une personne nous indique qu’elle ne mange pas un aliment, on adapte simplement le menu comme on le ferait pour un ami chez soi. Certains respectent des restrictions alimentaires pour des raisons de santé ou religieuses. D’autres les choisissent par conviction. Il nous est arrivé d’accueillir des convives qui annoncent un beau jour ne plus manger tel ou tel produit. Dans tous les cas, nous nous adaptons. Ce qui compte, c'est que le convive se sente accueilli. Il s'agit de faire attention à ne pas trier les convives, sous prétexte de trier les aliments.
Les Petites Cantines accueillent « les petits et grands enfants de tous les âges ». Est-ce qu’il y a des publics totalement absents ou plus rares ?
Nous ne pouvons pas accueillir les personnes en grande fragilité psychiatrique, qui auraient de grosses difficultés en groupe par exemple, car nous ne savons pas le faire. Si elle le souhaite, la personne peut venir accompagnée. Pour cela, nous avons noué des partenariats avec des acteurs médico-sociaux tels que l’Institut médico-éducatif du quartier, la Protection de l’enfance, une structure accueillant des jeunes en mission d’intérêt général, etc.
Nos repas ne sont pas gratuits et notre objectif n'est pas de lutter contre la précarité économique, comme le font très bien d'autres acteurs comme le Secours Populaire ou les Restos du cœur. Dans les faits, certains de nos convives sont en précarité économique, mais ils sont d'abord là pour le lien social. S'ils respectent les règles de la cantine (convivialité, non-violence, hygiène…), ils sont les bienvenus. Ils peuvent être invités par d’autres convives, comme cela a été le cas aujourd’hui.
Co-fondatrice du réseau et co-responsable de l’équipe support, vous êtes retournée sur le terrain cette année en tenant le rôle de responsable de la Petite Cantine de Vaise. Que retenez-vous de cette immersion ?
Les gens sont heureux de changer de regard sur le lien social. En France, on a souvent tendance à l’aborder sous un angle caritatif : « Je vais aider des personnes fragiles ». Cette situation aidant-aidé est indispensable dans les situations d’urgence, mais elle peut être insatisfaisante quand elle reste unidirectionnelle. Le lien social peut aussi être synonyme d’entre-soi quand les relations se tissent qu’entre personnes qui se ressemblent en raison des habitudes, des parcours de vie, des algorithmes des réseaux sociaux qui renforcent cette tendance, ou de la peur de l’autre.
En parallèle, le discours sur la solitude est extrêmement stigmatisant, comme s’il s’agissait d’une expérience honteuse à ne pas vivre. Or, beaucoup de gens ont besoin de solitude, comme une étape dans leur vie pour dépasser des moments difficiles, pour mieux se connaître, apprendre à dialoguer avec soi-même… Suivant la manière dont elle est vécue, la solitude peut être un moyen de s'arracher à soi, pour pouvoir ensuite plus facilement faire ce mouvement d'aller vers l'autre. Aller vers l'autre est difficile. Mais si l'on trouve un endroit accueillant, sécurisé, pour vivre une expérience positive de l'altérité, comme la proposent les Petites Cantines, alors cette rencontre s'avère plus nourrissante. Au contact de l'autre, je grandis dans la conscience de mon identité propre. Le retour à la solitude devient alors moins douloureux, car je doute moins de mon existence. En changeant de regard sur le lien social, on change de regard sur la solitude, et vice-versa.
Comment lever les freins qui nous maintiennent dans l’entre-soi ?
En renouant avec la confiance. La raison d’être des repas durables, participatifs et à prix libre est de permettre de tisser des relations de qualité et de construire une société fondée sur la confiance. Aujourd’hui notre lien social est devenu fonctionnel : quand on est en relation avec les autres, c’est pour répondre à un besoin, pour satisfaire une attente. Or la rencontre est d'abord une surprise. Il ne s'agit pas de prédire ce qui va se passer, mais de se rendre disponible. La confiance est comme un muscle qui s'atrophie, car nous l'oublions. À la question du lien social, nous avons tendance aujourd'hui à apporter une réponse qui fait écho à notre besoin de sécurité. Il s'agit d'apporter une réponse qui fait écho à notre besoin de relation. La confiance est un pari en acte, qui permet cela.
Le premier pas a été d’ouvrir la première Petite Cantine à Vaise il y a six ans. Le deuxième d’avoir expliqué le principe à un maximum d’habitants, d’accueillir et d’accompagner ceux qui souhaitent monter une cantine près de chez eux. Le troisième petit pas sera d’accompagner ce changement d’échelle : il ne s’agit pas seulement d’ouvrir d’autres Petites Cantines, mais d’avoir de plus en plus de personnes conscientes des transformations possibles et soucieuses de les faire rayonner autour d’elles au sein de leur quartier. Nous sommes dans une période de transition qui nous mène à revoir les fondements du lien social. D’autres projets, par le jardinage, le chant, etc., vont dans le même sens et participent activement à cette transition.
Dans votre Charte, vous énoncez réaliser régulièrement une mesure d’impact social. Est-elle satisfaisante ?
Chaque Petite Cantine réalise tous les deux à trois ans une mesure d’impact social afin d’évaluer si elle atteint ses objectifs, en particulier en termes de lien social et d’alimentation durable. Elle repose sur une enquête quantitative (questionnaire) auprès des adhérents ; une enquête qualitative (entretiens) pour laquelle on forme des convives volontaires qui vont interviewer d’autres convives, et sur une analyse des données anonymisées des logiciels de la cantine (fichier adhérents, logiciel de caisse).
La dernière mesure d’impact social réalisée par la Petite Cantine de Vaise indique le renforcement du lien social : 95% des répondants se sentent accueillis comme ils sont et estiment pouvoir venir sans jouer un rôle. 84% d’entre eux font davantage de rencontres de nouvelles personnes différentes de celles qu’ils côtoient habituellement (âge, profession, religion, culture…). La prise de conscience du pouvoir d’agir est aussi importante : 78% ont davantage conscience d’avoir le pouvoir d’agir et de contribuer à leur niveau à faire changer les choses. Et la confiance grandit également : 66% estiment faire davantage confiance aux autres et perçoivent plus de confiance de la part des autres.
Les résultats concernant l’alimentation durable sont-ils aussi positifs ?
Oui, à Vaise, 90% des répondants estiment que le prix libre permet de démocratiser l’accès à une alimentation saine et durable. 82% découvrent de nouveaux produits et des idées de recettes simples, saines et peu coûteuses qu’ils peuvent refaire à la maison. La majorité déclare avoir fait évoluer leurs comportements : achat de produits locaux et de saison, choix de produits avec moins d’emballages, achats en circuit court…
Parmi les obstacles persistants à une alimentation durable, on retrouve majoritairement le manque de temps pour cuisiner et faire les courses. C’est pour cela que nous proposons aussi des repas à emporter : favoriser l’accès à des repas sains, simples et savoureux, y compris à ceux qui ne parviennent pas à y consacrer du temps. Viennent ensuite le manque d’argent et les problèmes de santé rendant l’alimentation et la cuisine difficiles.
Depuis quelques années, plusieurs évolutions accentuent l’individualisation de l’alimentation : la volonté de reprendre la main sur son alimentation, l’expression croissante des alimentations particulières, le nombre de personnes vivant seules, la recherche de gain de temps et de praticité… Les Petites Cantines semblent au contraire s’opposer à cette tendance en renouvelant l’expérience du faire ensemble, en permettant de tisser des liens et de partager la table. Partagez-vous ce constat ?
Ce ne sont pas ces évolutions qui ont motivé le projet à l’origine. Il s’agissait davantage d’une écoute de ressentis personnels mais comme souvent, l’intime rejoint l’universel. Nous nous rendons bien compte que les Petites Cantines proposent une mélodie différente qui rappelle que la relation est un besoin humain fondamental au même titre que l'alimentation. Le perfectionnisme alimentaire - qui n'est que le miroir d'une société fondée sur la performance - appauvrit l'un au profit de l'autre.
Le numérique en particulier nous pousse à être connectés les uns aux autres mais pas reliés. Il peut répondre à nos besoins de manière hyper efficace, nous éviter toute frustration, mais la vie ne consiste pas à satisfaire dans l’instant le moindre de ses besoins. La vie, c’est beaucoup de surprises. Les Petites Cantines sont un lieu où il y a des imprévus, des rencontres physiques, du partage, de la confiance à l’égard des autres… D’autres projets s’inscrivent dans la même logique. Ces « bâtisseurs du nous » ne font pas beaucoup de bruit mais agissent en faveur d’un nouveau projet de société.
Le réseau a vocation à grandir, vous accompagnez les porteurs de projet souhaitant ouvrir une Petite Cantine dans leur quartier. Comment s’organise cet accompagnement ?
Nous proposons régulièrement des sessions « ça mijote », des sessions d’informations et d’échanges à destination des gens qui sont attirés par la démarche. Elles leur permettent d’avoir une vision globale du projet et d’envisager le rôle qu’ils pourraient jouer. À l’issue d’une session, s’ils se sentent prêts, ils peuvent remplir une fiche-projet pour partager leur souhait d’ouvrir une Petite Cantine. Mais on ne peut ouvrir une Petite Cantine seul, il faut impérativement être au moins deux, car c’est un projet fondé sur la relation et qui exige pas mal d’huile de coude. Plus on est de fourchettes plus on rit !
Au sein du réseau, le coordinateur général et les développeurs de talents vont challenger les « Mijoteurs », voir si leurs envies sont en adéquation avec l’ADN des Petites Cantines, s’ils sont prêts à vivre entre eux ce qu’ils développeront par la suite au sein d’une cantine, etc. Il y a deux promotions de porteurs de projet par an : une en octobre et une en mars. Il y a ensuite tout un parcours d'accompagnement, pour aider les porteurs de projet à monter une Petite Cantine près de chez eux, ancrée sur leur territoire, en bénéficiant du retour d'expérience des autres cantines déjà ouvertes.
Suivant les talents de l'équipe, les spécificités culturelles, les opportunités partenariales ou encore la taille du local, il n'y a pas un seul modèle unique mais plusieurs modèles économiques et organisationnels au sein des Petites Cantines. L'unité au sein du réseau ne se fait pas dans l'application d'un modèle unique en mode copier-coller, mais plutôt dans une compréhension fine de l'ADN et de la raison d'être du projet, dans la capacité à la transmettre et à la diffuser, en respectant trois ambitions : le bien-être de l'équipe, l'équilibre économique et l'impact social.
C’est la combinaison de ces différents éléments qui a un impact social. Dans le réseau, chaque Petite Cantine est constituée en association, à la fois 100% autonome, ce qui lui permet de prendre les décisions les meilleures sur son territoire, et 100% interdépendante, ce qui la place dans une dynamique d'écoute et de rencontre avec les autres Petites Cantines du réseau. Nous avons vu avec la crise sanitaire que la créativité, l'autonomie et la réactivité apportaient une capacité de résilience indispensable pour assurer la pérennité de l'impact social localement.
Comment voyez-vous les Petites Cantines dans 10 ans ?
Les Petites Cantines se donnent l'ambition d'accompagner et d'animer un réseau d'une quarantaine de structures en France, autofinancées grâce à un modèle économique global fondé sur le prix libre, et créant de la richesse relationnelle. Nous n'avançons pas seuls : tout un réseau de partenaires construit cette dynamique avec nous, et soutient les habitants dans leur capacité d'agir. L'énergie des convives, des porteurs de projet et des salariés investis en cantine fait boule de neige.
Par ailleurs, je suis personnellement attentive à ce que ce changement d'échelle s'accompagne d'un changement systémique : il ne s'agit pas uniquement de grandir, il s'agit aussi de changer de regard, pour modifier massivement les comportements. Les gens ne changent pas foncièrement quand ils poussent la porte des Petites Cantines : ils restent eux-mêmes, avec leurs qualités et leurs défauts. Mais ils modifient leur comportement, et mettent en valeur leur capacité de bienveillance, d'entraide et de non-jugement. Je suis très touchée de lire dans les yeux des convives les prises de conscience, qui entraînent parfois une modification durable de leur comportement.
Enfin, si les pays limitrophes trouvent le principe pertinent, ils pourraient l’adapter chez eux. C’est déjà le cas en Belgique. D’autres pays s’intéressent au projet. On pourrait imaginer travailler à la fois sur le sentiment d’appartenance des habitants à leur territoire de proximité et la construction d’une identité européenne. C’est ce que nous essayons de vivre au sein du réseau : construire l’unité du projet non pas sur l’uniformité, mais sur la pluralité.
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