Au démarrage, le principal mode d’action devait être l’achat, via la création en 2010 d’une foncière solidaire et citoyenne qui s’appelle Crêt de Liens. Elle devait acheter les locaux et les louer à l’association. Elle est régie par des statuts privés, non coopératifs, mais en revanche elle est fondée sur une gouvernance assez travaillée. C’est un système de parts sociales, qui se vendent à l’unité. Chaque part vaut 50 euros, pour pouvoir permettre à tout le monde d’en avoir une, et aussi pour permettre à des gens d’en avoir autant qu’ils veulent. En termes de gouvernance, on suit le principe « une personne = une voix », donc le poids de chacun dans les décisions est identique, il n’est pas proportionnel au nombre de parts sociales qu’il possède. Cette foncière a pour objectif de mobiliser le voisinage. On repère collectivement un local qui dysfonctionne et lorsqu’on voit qu’il est à vendre, on mobilise les habitants des alentours en les invitant à acheter une ou plusieurs parts sociales pour pouvoir, ensemble, débloquer la situation. Ça permet aux acteurs locaux d’avoir prise sur le type d’activités qui va pouvoir s’installer dans ce local.
La complémentarité entre la foncière et RDD est très cohérente, parce qu’on a d’un côté cette structure qui récolte de l’argent et qui achète des espaces et, de l’autre l’association qui sait faire de la programmation, de l’animation et du montage de projets à installer dans ces espaces. Entre les deux structures, il y a les habitants qui contribuent.
Cette foncière devait être le mode d’intervention principal au départ, mais il a fallu se renforcer sur le travail préalable de sourcing pour répondre aux difficultés à identifier les propriétaires et à les inciter à mettre leurs locaux à disposition. On a pour ça développé un autre outil : le portage locatif. Il vise à faciliter la rencontre entre l’offre et la demande, en faisant de l’intermédiation. D’un côté, il y a le propriétaire à qui on va trouver une solution pour son rez-de-chaussée : trouver un locataire et établir une convention, mener des travaux de rénovation permettant au porteur de projet de pouvoir effectivement s’installer dans le local. On prend en charge plein de choses qui incombent normalement au propriétaire. De l’autre côté, avec le porteur de projet, on travaille sur la programmation, l’aménagement des espaces, voire la mutualisation de moyens et de matériel avec d’autres porteurs de projets. On discute d’ailleurs généralement avec plusieurs porteurs de projets car on croit à l’intérêt de faire s’installer plusieurs acteurs dans un même local.
Cela permet à des porteurs de projets qui ne roulent pas sur l’or de payer un loyer beaucoup plus modeste, mais aussi de se concentrer sur leurs activités tandis que nous prenons en charge certaines tâches pour leur faciliter le quotidien. L’association assume les charges du propriétaire, gère les contrats d’eau, d’électricité et d’Internet, et notre assurance couvre tous les locaux qu’on gère en même temps. Grâce aux différents dispositifs de mutualisation et de coopération, le portage locatif permet d’accéder à un loyer entre 300 et 400 euros tout compris (quand il pourrait plutôt lui coûter 600 euros hors charges), tout en étant au milieu d’un écosystème de quartier très riche. C’est gagnant pour tout le monde. RDD joue ici le rôle de trait d’union entre les parties prenantes, apportant la solidité au propriétaire et la souplesse au(x) porteur(s) de projet.
Enfin, on déploie aussi des projets par nous-même. On se substitue alors aux porteurs de projets lorsqu’on a une bonne idée en laquelle on croit. On a par exemple créé une cantine de quartier, participé à lancer l’Accorderie, qui est un système d’échange en monnaie-temps, ou encore au lancement de la première boutique sans emballages à Saint-Étienne qui s’appelle Vrac-en-Vert.