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Participation électorale des QPV : que nous disent les résultats des scrutins nationaux ?

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© Benoît Prieur

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« Les milieux populaires sont populistes, ils sont passés du PC au RN ! »

Depuis le début des années 1980, ce lieu commun phagocyte le débat public, au point de disqualifier imperceptiblement auprès des classes moyennes la voix politique des citoyennes et citoyens confrontés aux plus difficiles situations économiques et sociales (Collovald, 2019).

Pourtant, le positionnement électoral des habitants des Quartiers Politique de la Ville (QPV) soulève des questions plus complexes.

En prenant du recul par rapport aux suffrages locaux, dont les résultats peuvent parfois plus tenir aux personnalités des candidats qu’à leur couleur partisane, nous avons choisi d’étudier les résultats d’élections nationales, présidentielles et législatives, de 2017 et de 2022, afin de cartographier le vote des QPV lors de scrutins interrogeant des projets de société.

D’une part, le discours égalitaire d’une certaine gauche continue d’y résonner. Si les instituts de sondage estiment que le Rassemblement national dispose aujourd’hui d’une forte assise populaire (autour de 40% du vote ouvrier), cette évolution semble rester aux portes des Quartiers dits prioritaires, qui continuent de lui préférer l’abstention ou la gauche.

D’autre part, et c’est sans doute là qu’un véritable danger existe, c’est la désaffection, le désintérêt, la résignation qui semblent s’exprimer à travers un taux d’abstention qui dépasse de loin celui des autres territoires.

Au terme de cette chute de participation, quel atterrissage ?

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Date : 18/10/2023

Les QPV sont ainsi devenus progressivement un élément majeur de visibilité des « quartiers populaires ». Ce statut particulier de périmètre de l’action publique constitue également les QPV en objets privilégiés de l’observation statistique publique, même si des projets récents ont montré l’ampleur de la marge de progression en matière de mise en données de ces territoires (RésoVilles, 2022). 

La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 crée ainsi l’Observatoire national de la politique de la Ville, qui renforce le dispositif plus ancien du SIG Ville (système d’information géographique de la politique de la Ville).

Les Quartiers de la Politique de la Ville (QPV) constituent le périmètre de mise en œuvre de mesures et dispositifs particuliers, visant spécifiquement à soutenir le développement de secteurs conjuguant des difficultés économiques et sociales. Si les QPV actuels résultent d’un découpage effectué en 2014, la politique de la Ville elle-même est issue d’une institutionnalisation progressive au cours des années 1970, 1980 puis 1990 (le ministère de la Ville étant créé en 1990). Elle renvoie à un ensemble de dispositifs de ciblage territorial de l’action publique.

La longue durée (les quatre décennies écoulées depuis la Marche pour l’égalité et contre le racisme) comme la courte durée (les récents événements survenus dans un grand nombre de quartiers populaire suite à la mort de Nahel Merzouk, jeune homme de 17 ans tué par un policier le 27 juin 2023) conduisent à s’interroger sur la manière dont ces QPV s’inscrivent aujourd’hui dans l’ordre politique et électoral. La sous-dotation économique et sociale, qui est au fondement même de l’institution de ces quartiers par la Politique de la ville, ne se double-t-elle pas d’une sous-représentation politique ?

Afin de poser les bases d’une réflexion sur les effets concrets de la participation électorale dans ces quartiers, cet article analyse les résultats des élections présidentielles de 2017 et 2022, et du premier tour des élections législatives des mêmes années, dans les quartiers de la politique de la Ville de la Métropole de Lyon, à l’échelle des bureaux de vote. Cette échelle géographique très fine (un bureau de vote compte en moyenne un millier d’inscrits) permet de faire apparaître des variations spatiales qui sont gommées lorsqu’on considère le niveau des communes. De nombreux QPV se situant à l’échelle infra-communale, le recours à cette échelle du bureau de vote permet de bien prendre en compte la différence entre ces quartiers et le reste de leur commune.   

Malheureusement, il n’a pas été possible d’adopter une perspective de plus long terme, du fait d’un double problème de données : d’une part, le périmètre géographique de la politique de la Ville a été redéfini en 2014 avec la création des QPV qui remplacent les anciennes zones urbaines sensibles (ZUS) et contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). D’autre part, il n’a pas été possible de reconstituer le découpage des bureaux de vote pour des millésimes antérieurs à 2017.

Le choix des scrutins étudiés se justifie par le fait que l’offre électorale est homogène sur l’ensemble du territoire lors des élections présidentielles, et qu’elle est assez peu hétérogène lors du premier tour des élections législatives. Prendre en compte ces deux types de scrutin permet de surcroît de contraster l’élection la plus mobilisatrice du système électoral français, et une élection désormais très peu mobilisatrice.

 

La production des données

 

Le découpage en bureaux de vote d’une partie de la Métropole de Lyon est diffusé sur la plateforme open data de la Métropole ; néanmoins, les données proposées ne couvrent pas l’ensemble des communes de la Métropole. Nous avons donc décidé de reconstituer les contours des bureaux de vote à partir des listes électorales de 2017 et 2022, pour l’ensemble des communes afin que les découpages soient homogènes du point de vue de leur méthodologie de fabrication. 

Les adresses figurant sur les listes électorales ont été géolocalisées à l’aide de la Base adresse nationale (BAN). La méthode dite des “polygones de Voronoï” (voir Gombin 2015) a ensuite été utilisée pour reconstituer les contours des bureaux de vote.

Les résultats électoraux, communiqués par le ministère de l’Intérieur, ont été reventilés des bureaux de vote aux QPV en utilisant une méthode d’interpolation spatiale reposant sur une pondération par la localisation des électeurs (grâce à la liste électorale).

Le code source est librement accessible et réutilisable

 

Les quartiers de la politique de la ville de la Métropole de Lyon. Source : SIG Ville, Openstreetmap et ses contributeurs.

 

Sous-représentation politique des habitants de QPV : le sens d’un “cens caché”

 

La Métropole de Lyon compte, depuis la refonte du zonage, 37 quartiers « politique de la Ville » en 2014. Ces quartiers comptent, en 2019, 158 830 habitants, soit 11,2 % de la population métropolitaine. 

Pourtant, électoralement et donc sans doute politiquement, ces quartiers sont loin de peser à la mesure de leur poids démographique. Cela résulte d’un double phénomène : d’une part, il y a dans les QPV proportionnellement moins d’inscrits sur les listes électorales, rapportés à la population totale. D’autre part, les électeurs inscrits s’abstiennent plus souvent dans les QPV.

Les graphiques ci-dessous illustrent ces dynamiques. Ainsi, au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, à population équivalente, il y a eu presque deux fois moins de votants dans les QPV qu’à l’échelle de l’ensemble de la métropole.

Cet écart est encore plus marqué dans les conjonctures électorales de basse intensité (Braconnier et Dormagen, 2007) : au premier tour des élections législatives de 2022, marquées par un niveau de participation particulièrement faible (47,5 % au niveau national), les votants représentent 29 % de la population à l’échelle de la Métropole de Lyon, contre seulement 13 % dans les QPV. À population égale, un QPV pèse ainsi 2,2 fois moins sur la désignation des député⋅e⋅s qu’un autre quartier.

 

Le poids des votants dans la population est systématiquement plus faible dans les QPV : Législatives 2017 tour 1 : 60% inscrits tous les bureaux de vote et 45% QPV. 27% des votants dans tous les bureaux de votes et 10% dans les  QPV. Pour le tour 1 des présidentielles de 2017, 60% des inscrits dans tous les bureaux et 45% des inscrits dans les QPV puis 48% des votants dans tous les bureaux pour 25% dans les QPV. Pour le tour 2 de 2017 : 53% inscrits dans tous les bureaux de vote, 40% des inscrits dans les QPV. Pour les votants : 40% tous les bureaux de vote, 25% des votants dans les QPV. Dans les présidentielles de 2022, lors du tour 1 pour les inscrits : 55% dans tous les bureaux de vote et 45% dans les QPV. 49% des votants dans tous les bureaux de vote et 25% des votants dans les QPV. Pour le deuxième tour des présidentielles 2022, 53% des inscrits dans tous les bureaux et 46% des inscrits dans les QPV. pour les votants, 76% des votants dans tous les bureaux et 24% des votants dans les QPV. Enfin, dans les législatives de 2022 tour 1 : 53% des inscrits dans tous les bureaux et 46% des inscrits dans les QPV, parmi les votants nous avons 26% de votants dans tous les bureaux et 15% des votants dans les QPV. Source : INSEE recensemen tde la population 2018, ministère de l'intérieur

 

Il ne faut bien sûr pas voir là de fatalisme des QPV. La raison est à rechercher du côté du cens caché (Gaxie, 1978), soit la tendance structurelle de la participation politique à décroître à mesure que la place dans l’espace social, et la quantité de capitaux (économique ou, particulièrement, culturel), décroissent.

En outre, la population des QPV (dans la Métropole de Lyon, mais ces tendances sont également avérées à l’échelle nationale) est plus jeune (en particulier, elle compte davantage de mineurs) et plus souvent étrangère que la moyenne de la métropole.

La proportion d’étrangers est par ailleurs deux fois et demi plus élevée au sein des QPV que dans l’ensemble de cette agglomération. Par effet de composition, les QPV sont ainsi amenés à structurellement peser moins dans la balance électorale - et ce serait le cas même si les électeurs des QPV votaient autant que les autres.  

 

La population des QPV compte plus de jeunes et plus d'étrangers. de 0 à 14 ans : 18% Métropole et 28% QPV. de 15 à 24 ans : 15% Métropole et 14% QPV. De 25 à 59 ans : 45% Métropole et 41% QPV. De 60 à 74 ans : 8% Métropole et 7% QPV. Pour les 75 ans et + : 8% Métropole et 7% QPV. Pour les étrangers : 11% Métropole et 26% QPV. Source : INSEE (recensement de la population 2019)

 

Une réalité politique homogène : faible participation et prédominance de la gauche

 

Les électeurs des QPV votent nettement moins que les autres. C’est même la principale caractéristique du comportement électoral dans ces quartiers. Ainsi, lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, l’abstention s’y est élevée à 38,4 % des inscrits, contre 22,9 % pour l’ensemble de la Métropole. Les écarts restent sensiblement les mêmes lors des autres tours de scrutins considérés.

 

L'abstention est beaucoup plus élevée dans les QPV, et le vote y est plus orienté à gauche. Comparaison des votes en % des inscrits entre l'ensemble de la métropole et les QPV au premier tour des présidentielles de 2017. Poutou, Dupont Aignant, Arthaud, Lassalle, Cheminade, Asselineau, Votes nuls et blancs se situe entre 0% et 5%. Les % des inscrits entre ensemble métropole et QPV sont à peu près équitables. Le Pen atteint 10% des inscrits coté ensemble métropole et QPV. Mélenchon obtient 22% des inscrits QPV et 15% des inscrits ensemble métropole.  Fillon atteint 5% des inscrits QPV et 18% des inscrits ensemble métropole. Macron atteint 14% des inscrits coté QPV et 21% des inscrits coté ensemble métropole. Les abstentions atteignent 39% des inscrits coté QPV et 23% des inscrits coté ensemble métropole. Source : Données extraites des listes électorales et Cartelec

 

On pourrait objecter que les moyennes peuvent recouvrir des réalités diverses. En pratique, les QPV, bien qu’hétérogènes à certains égards, et notamment au niveau de leur taille ou de leur situation (en centre-ville, comme Moncey, dans le 3e arrondissement de Lyon, ou d’autres situés en périphérie), sont assez homogènes quant à leurs comportements électoraux.

On peut ainsi observer sur le graphique ci-dessous que, si le niveau d’abstention varie entre les QPV lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, il se situe dans tous les QPV au-dessus du niveau médian de la distribution.

Autrement dit, l’abstention dans les QPV se situe systématiquement dans la moitié la plus élevée des bureaux de vote, triés en fonction de l’abstention. On notera également que les valeurs prises par l’abstention sont plus concentrées au sein des QPV que dans l’ensemble des bureaux de vote, illustrant l’homogénéité électorale des QPV de ce point de vue.

Une représentation synthétique des QPV dans l’espace politique formé par l’ensemble des bureaux de vote, au moyen d’une analyse en composantes principales (voir encadré), permet de visualiser le fait que ces quartiers se situent de manière proche dans cet espace, à bonne distance des votes macronistes, de droite et d’extrême droite, proches de l’abstention et, dans une moindre mesure, de la gauche.

 

L’analyse en composantes principales
 

L’analyse en composantes principales est une méthode statistique permettant, à partir de résultats portant sur différents scrutins dans différents périmètres (bureaux de vote ou QPV), de construire une représentation dans un nombre limité de dimensions (généralement 2 ou 3) qui synthétisent le maximum d’information possible. Les résultats peuvent en être représentés graphiquement dans un diagramme.

Ainsi, dans le cas de la figure intitulée “projection des BV et des QPV sur les deux premières dimensions”, l’axe horizontal oppose les périmètres caractérisés par un vote de gauche important à ceux dans lesquels le vote d’extrême droite est important, et synthétise ainsi 19% de l’ensemble de l’information disponible.

L’axe vertical (qui synthétise 29% de l’information totale) oppose lui les périmètres dans lesquels l’abstention est élevée et où les votes Macron et de droite sont faibles, à ceux dans lesquels c’est l’inverse.

Si les bureaux de vote de l’ensemble de la métropole (en beige) sont répartis de manière assez homogène dans l’ensemble du diagramme, les QPV (en rouge) sont concentrés en bas à gauche : l’abstention et le vote de gauche y sont ainsi surreprésentés.

 

 

Projection des bureaux de vote et QPV sur les deux premières dimensions

 

Ce sur-abstentionnisme des QPV se double d’une sur-représentation de la gauche (principalement représentée par Jean-Luc Mélenchon au cours des deux scrutins présidentiels considérés) et, de manière symétrique, une sous-représentation du vote en faveur d’Emmanuel Macron et, surtout, de François Fillon (en 2017 ; en 2022, la candidate des Républicains, Valérie Pécresse, a atteint un niveau très bas partout). Là encore, l’analyse de la dispersion des votes fait apparaître une assez forte homogénéité des QPV au regard des résultats électoraux.

 

Comparaison de la distribution des votes entre BC et QPV au premier tour des présidentielles de 2017. Les QPV présentent un profil électoral assez homogène et marqué par le poids de l'abstention. Source : données extraites des listes électorales et Cartelec

 

 

Ces graphiques sont des « violin plots », ou diagrammes en violon. Ils visent à représenter la dispersion d’une ou plusieurs variables. Ils s’interprètent comme des histogrammes : ils représentent la densité d’observations pour une certaine valeur de la variable considérée.

Ainsi, dans le panel en haut à gauche du graphique ci-dessus, on peut lire que le plus grand nombre de bureaux de vote, hors QPV, connaît une abstention située entre 15 et 20%.

Néanmoins, parmi les QPV, le niveau d’abstention s’établit entre 20 et 50%, avec la majeure partie des QPV entre 30 et 40%.

 

 

La différence entre les QPV et la métropole dans son ensemble apparaît moins nette s’agissant du vote en faveur de Marine Le Pen et du Rassemblement national. En effet, la moyenne du vote pour la candidate RN (rapporté au nombre d’inscrits) est proche dans les QPV et dans le reste de la métropole : au premier tour de la présidentielle de 2017, le niveau est équivalent. Le vote Le Pen est un peu moins élevé dans les QPV aux autres tours de scrutin, mais c’est surtout le résultat d’un accroissement du différentiel d’abstention dans ces quartiers populaires. De sorte que, si on ne considère que les votes exprimés, on peut avoir le sentiment que le vote RN est plus élevé dans les QPV que dans les autres quartiers de la métropole.

La prise en compte de la distribution du vote Le Pen entre les bureaux de vote permet de mettre en évidence que ce comportement électoral est peu dispersé dans les QPV : dans l’ensemble de ces quartiers, le vote pour la candidate d’extrême droite y est proche de sa moyenne métropolitaine. Dit autrement, il n’y a pas de QPV dans lequel le vote RN est très faible - ce qui ne va pas de soi : dans d’autres périodes électorales (élections régionales de 2015) et d’autres territoires (à Marseille), j’avais pu observer que des bureaux de grands ensembles, classés en politique de la Ville, étaient ceux qui votaient le moins pour le Front national - ni de QPV dans lequel le vote RN est très élevé. 

Associer le vote de ces quartiers populaires au frontisme relèverait ainsi, comme le soulignait Annie Collovald (2004), d’un « dangereux contresens ». Réciproquement, nier l’existence à un niveau aujourd’hui « normal » (au sens proche de la moyenne) serait faire preuve d’aveuglement. 
 

Entendre, comprendre, et prendre en compte : les conditions d’une revalorisation de la participation des milieux populaires

 

Comment expliquer alors cet effet ciseau, qui depuis une trentaine d’années a vu le vote en faveur de la gauche ouvrière s’amenuiser au sein des classes populaires, tandis que le Front national (FN), puis son avatar le Rassemblement national (RN), a augmenté de manière quasiment continue ? L’abondante littérature sur le sujet renvoie à plusieurs effets : de renouvellement des générations (Tiberj, 2013), de radicalisation d’un électorat ouvrier de droite préexistant (Gougou, 2012), de transformation des classes populaires et en particulier de la classe ouvrière (Siblot et al., 2015), d’affaiblissement des micro-incitations au vote et de l’encadrement sociopolitique en milieu populaire (Braconnier et Dormagen, 2007), d’augmentation de la précarité et de ses effets politiques (Braconnier et Mayer, 2015)...

Au final, les QPV (et l’analyse peut sans doute être ici élargie à l’ensemble des quartiers populaires) sont bien marqués par une distance à la politique instituée, qui se reflète dans des taux d’abstention très importants.

Nulle surprise sans doute ici, mais la confirmation d’un éloignement durable dont il n’est pas évident de savoir s’il est possible d’y remédier simplement par des effets d’offres (candidatures “parlant” davantage aux électeurs de ces quartiers) ou bien si ce sont les causes sous-jacentes (difficultés économiques, faiblesses des capitaux culturel et scolaire, faiblesse de l’encadrement par des organisations politiques ou syndicales de masse, etc.), qui devront être ciblées si on entend permettre à ces quartiers de retrouver pleinement voix au chapitre.

Soulignons ici l’intérêt d’une approche très localisée du vote, qui permet de concilier l’attention aux spécificités territoriales et l’inscription dans une forme de proximité de territoires connus, ainsi que la vérification de régularités sociologiques qui peuvent être observées à d’autres échelles et par d’autres méthodes.

La possibilité, depuis juin 2023, de reconstituer les contours de l’ensemble des bureaux de vote permettra sans doute, dans un avenir proche, de rendre plus facilement réalisables de telles analyses qui nécessitaient jusqu’à présent un travail de préparation des données très significatif.

Il s’agirait alors notamment d’objectiver les interprétations politiquement orientées diffusées après chaque élection. Alors que la défiance à l’égard des responsables politiques se généralise, les signaux envoyés par une portion toujours plus congrue de l’électorat ne peuvent être sous-estimés.

Dans un contexte où la notion de « séparatisme » jette le trouble sur l’adhésion de certaines populations au Pacte républicain, l’analyse rigoureuse des résultats de chaque scrutin, quels qu’ils soient, constitue sans doute l’un des premiers matériaux pour travailler à un retour de l’adéquation entre l’offre et la demande démocratique, étape indispensable à une revitalisation de la participation électorale.

Pour aller plus loin :

 

  • Braconnier Céline et Dormagen Jean-Yves, 2007, La démocratie de l’abstention : Aux origines de la démobilisation en milieu populaire, Paris, Gallimard.
     
  • Braconnier Céline et Mayer Nonna (éd.), 2015, Les inaudibles: sociologie politique des précaires, Paris, Presses de Sciences Po.
     
  • Collovald Annie, 2004, Le populisme du FN : un dangereux contresens, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant.
     
  • Collovald Annie, 2019, « Le populisme : de la valorisation à la stigmatisation du populaire », dans M. Lits (éd.), Populaire et populisme, Paris, CNRS Éditions, p. 123‑138, http://books.openedition.org/editionscnrs/14329 (consulté le 27 septembre 2023).
     
  • Epstein Renaud et Kirszbaum Thomas, 2019, « Ces quartiers dont on préfère ne plus parler: les métamorphoses de la politique de la ville (1977-2018) », Parlement [s], Revue d’histoire politique, p. 23‑46.
     
  • Gaxie Daniel, 1978, Le cens caché : inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris, Éditions du Seuil.
     
  • Gombin Joël, 2016, « A Marseille dans les « quartiers nord » : dis-moi où tu habites, je te dirai pour qui tu votes », Le Monde.fr, https://www.lemonde.fr/politique/article/2016/09/04/a-marseille-dans-les-quartiers-nord-dis-moi-ou-tu-habites-je-te-dirai-pour-qui-tu-votes_4992286_823448.html.
     
  • Gougou Florent, 2012, Comprendre les mutations du vote ouvrier. Vote de classe, transformation des clivages et changement électoral en France et en Allemagne depuis 1945, Thèse de doctorat, Sciences Po Paris, 2012.
     
  • RésoVilles, 2022, Data & Quartiers : le livre blanc. Retour sur trois ans d’expérimentation, https://www.resovilles.com/data-quartiers-le-livre-blanc/.
     
  • Siblot Yasmine, Cartier Marie, Coutant Isabelle, Masclet Olivier et Renahy Nicolas, 2015, Sociologie des classes populaires contemporaines, Paris, Armand Colin.
     
  • Tiberj Vincent (éd.), 2013, Des votes et des voix. De Mitterrand à Hollande, Nîmes, Champ social.