Il y a une première faiblesse d’ordre stratégique, qui est qu’on agit sur des objets mais pas sur une stratégie économique et commerciale formalisée à l’échelle du quartier et au-delà. On intervient sur des projets qui ne sont pas forcément, voire pas souvent, raccrochés à la stratégie commerciale de l’intercommunalité. Derrière cette limite, il y a plusieurs enjeux sous-jacents. Le premier, c’est la disponibilité ou non d’une ingénierie et de compétences locales en matière de développement économique et commercial pour porter le sujet à l’échelle du quartier. Or, les compétences sont segmentées. Quand on est sur un quartier prioritaire, on considère que les commerces sont gérés par la Politique de la ville, alors que partout autour, on a une stratégie de développement économique avec des professionnels en charge de son déploiement. Sur les projets de revitalisation commerciale qu’on accompagne, nos interlocuteurs sont les agents locaux en charge de la Politique de la ville, mais rarement, ou trop tardivement, les services développement économique et commercial. Or, quand il n’y a pas de travail préalable d’analyse de la zone potentielle de chalandise, de l’attractivité et de la visibilité du commerce, etc., ça fonctionne moins bien. Il est essentiel que la mobilisation d’outils de financement et de co-financement en faveur de la revitalisation commerciale des territoires s’accompagne d’une stratégie économique et commerciale locale. On ne mesure pas assez la difficulté qu’on rajoute aux QPV en ne les considérant que comme des QPV. Puisque qu’il y a la Politique de la ville, le droit commun est tenté de se retirer alors qu’il faudrait qu’il s’ajoute.
Par ailleurs, on a de grandes villes et métropoles qui sont davantage tournées (ou qui l’ont été) sur des stratégies économiques d’attractivité et assez peu vers du développement économique endogène. Dans l’ANRU 1, il y avait aussi cette logique qui dominait, d’aller chercher des acteurs extérieurs pour venir s’installer et se développer dans le quartier. Les Zones Franches Urbaines (ZFU), qui permettent de réduire les charges pour les entreprises qui s’installent dans certains territoires, vont dans ce sens, avec un risque que les entrepreneurs quittent le quartier une fois la ZFU levée. Par ailleurs, on constate toujours que certains acteurs majeurs comme les Chambres de commerce sont absentes de ce type de projets. Ce sont pourtant des acteurs incontournables du développement économique, très bien repérés par les entrepreneurs. Il y a des fractures dans l’écosystème de développement économique qui limitent les dynamiques de revitalisation commerciale.
Un autre enjeu auquel on fait face régulièrement est celui de la répartition des compétences. L’interlocuteur privilégié de l’ANRU, c’est l’intercommunalité, or le commerce est souvent davantage aux mains des villes. Il y a un hiatus entre l’ANRU et les communes qui sont, selon les contextes, plus ou moins associées au projet de rénovation urbaine. Quand elles le sont peu, on perd en capacités d’actions collectives.
Enfin, bien sûr que la question du pouvoir d’achat et des habitudes de consommation des habitants comptent aussi. Alors même que tout le monde a envie de manger bio, je ne suis pas sûr que si on implante un Naturalia à Sarcelles il tienne très longtemps… La diversité dans le commerce, c’est un peu comme à l’école, ça ne se décrète pas, ça s’accompagne.