J’ai toujours été passionné par les formes traditionnelles de défilés et de carnavals. Dès le début des Biennales, après avoir beaucoup fréquenté le Sud de la France, et en particulier la ville d’Arles où se tenait un beau festival de danse contemporaine, ainsi que des fêtes traditionnelles, j’ai fait venir à Lyon, pour la Biennale « Quatre siècles de danse en France » de 1988, ce que, dans le sud, on appelle une « pégoulade ». Rue de la République ont défilé des bergers avec leurs moutons, des arlésiennes et des gardians… C’était une folie complète, qui montrait l’existence d’une tradition de danse provençale très intéressante. Je dirai que c’est la première tentative.
Le second moment important vient en 1992, lors de la Biennale consacrée à l’Espagne. Après avoir beaucoup voyagé et être allé voir des défilés comme les Moros y Cristianos de Elche ou les Fallas de Valencia, dont les processions populaires durent 24 heures, avec les groupes de quartiers qui défilent et réalisent avec des milliers de gerbes de fleurs le manteau parfumé de la Vierge devant la cathédrale. Il y aura en 1992 la Féria du Vieux Lyon. Un très grand succès, plus de 100 000 personnes, des Valenciens et des Valenciennes en costumes, des chevaux, du flamenco, des Sévillanes, de la sangria et des churros, la fête !
En 1993, je voyage au Brésil, je découvre les danses du Nordeste, « forro », « maracatu », « bumba meu boi » et le carnaval de Rio. Mais plus que le carnaval, je découvre les écoles de samba. Dans les quartiers de la périphérie de Rio, parce que les écoles sont dans les communautés situées autour de la ville, à l’intérieur de grands hangars bien organisés, une population hétéroclite se réunit toutes les fins de semaine à partir du mois d’octobre pour répéter la samba, chanson et danse qui accompagne le défilé du carnaval. Ce sont 3 000 à 4 000 personnes, extrêmement mélangées, une majorité d’habitants de la communauté mais aussi tous ceux qui supportent leur école de samba comme un club de foot et ont envie de participer au défilé, toutes classes sociales confondues.
Je me dis qu’il est assez incroyable d’arriver à mêler des gens aussi différents avec le but commun d’être les plus scintillants, les plus en harmonie et de remporter la victoire le jour du carnaval. Et ne peux m’empêcher de penser qu’en France, c’est un peu compliqué, il faut inventer la Fête des voisins pour que les habitants du même immeuble se rencontrent ! N’y a-t-il pas un moyen de reprendre cette idée, non pour copier le carnaval de Rio, mais pour avoir une forme festive où l’on mélangerait à la fois des groupes d’amateurs constitués autour d’une musique et d’une chorégraphie, et des danses et des musiques traditionnelles du Brésil ? La formule du Défilé de la Biennale de la danse est née ainsi, en 1996, lors de la Biennale Aquarela do Brasil.