Mes Défilés ont toujours eu une dimension sociale très forte, et je suis toujours allée chercher des publics « éloignés » des projets participatifs, et de l’univers de la danse contemporaine. Je me souviens d’avoir compris que réussir à réunir les publics les plus défavorisés demande d’aller les chercher un par un, de rencontrer chacun et chacune, et surtout les rencontrer là où ils sont, dans les centres sociaux, les comités de quartiers, des petits groupes.
Les années passant, de plus en plus de gens s’inscrivaient spontanément au Défilé, et de plus en plus de personnes l’ayant déjà vécu, ou déjà familières de l’univers de la danse. Une culture du Défilé commençait çà se créer. On a donc intégré dans les groupes des gens d’horizons plus privilégiés. Et, dans un même groupe, on pouvait retrouver un réfugié côtoyant un élève du Conservatoire de Lyon.
Cela a généré une mixité des publics, fondamentale, car elle provoque des perméabilités entre les milieux sociaux et vient ouvrir des horizons pour tout le monde. Il ne s’agit pas seulement d’offrir la culture aux publics qui en sont éloignés, mais aussi, pour les autres, de se rendre compte de leurs privilèges, et de ne plus regarder ou percevoir une personne réfugiée comme « étrangère », différente, incompétente, inquiétante… ou je ne sais quoi. Le projet artistique permet de découvrir des personnes et des mondes, que l’on n’aurait jamais rencontrés autrement. De faire tomber nos idées reçues, les stéréotypes, sur des êtres, des milieux, des lieux. Et cela participe à la transformation du monde, c’est sûr et certain.
C’est cela, pour moi, la culture : ce qui fait qu’à un moment donné, mon esprit s’est ouvert, et que des cloisonnements d’ordre culturel ont été repoussés, déconstruits, bousculés. Et que ce soit pour les publics défavorisés ou privilégiés, c’est le même enjeu : dans ma tête, viennent de s’ouvrir des possibles qui seraient restés fermés ou inatteignables sans cela.