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Défilé de la Biennale de la danse et cultures populaires : quand les institutions s’allient aux marges

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Dossier

À la charnière des années 80 et 90 émerge le hip-hop, un mouvement culturel et artistique attaché à la culture des quartiers dits « sensibles ». Alors que la danse contemporaine semble se couper des publics populaires, le break se présente comme une possibilité de redonner aux chorégraphes l’élan nécessaire à la rencontre de publics divers tout en exprimant les tensions sociales de l’époque.

Lorsqu’il crée le Défilé en 1996, Guy Darmet, le directeur de la maison de la danse et de la Biennale sait capter cette énergie des quartiers pour en faire un événement populaire singulier. Bien vite cette « parade citoyenne » sera comparée aux grandes fêtes urbaines et carnavals du monde, loués pour leur puissant pouvoir agrégateur.

Cet objet dansant non identifié fascine et alimente les discussions : comment le situer dans le couple d’opposition entre démocratisation de la culture et démocratie culturelle ? En contribuant à la reconnaissance des danses urbaines et à leur institutionnalisation, le Défilé et la scène chorégraphique lyonnaise ne contribuent-ils pas à les dénaturer, à les dépouiller de leur pureté originelle, à les couper de leurs énergies militantes ?

Alors que les raisonnements privilégient souvent les logiques d’opposition mobilisant le « ou », le Défilé semble s’ingénier à privilégier le « et » ; la conjonction. Le Défilé associe des professionnels et des amateurs, les danses urbaines et la danse contemporaine, le challenge artistique et l’animation des quartiers ; il capte les tendances artistiques du moment et revendique les traditions ; il se donne comme un spectacle de danse et comment un moment où tout le monde danse ; il rêve aussi d’organiser les passerelles entre danser dans la rue et regarder danser sur une scène.

Les responsables du Défilé évoquent une « esthétique ouverte » pour désigner l’hybridation des styles et des cultures qui apparaissent comme fondatrices du Défilé. Et nous sommes alors au-delà du « et » : la rencontre transforme chacun, produit du neuf et un véritable enrichissement collectif.
Cette capacité du Défilé à fabriquer du collectif et de l’utopie positive en digérant les oppositions et les différences mérite l’attention de toutes celles et ceux qui réfléchissent à la cohésion de notre société et à son devenir.

En attendant, pour le Défilé, le voyage continue. Comment digèrera-t-il demain les revendications autour de l’appropriation culturelle et de la décolonisation ? Comment abordera-t-il la problématique de la sexualisation des tenues et des corps, perçue comme aliénante pour certains mouvements mais émancipatrice pour d’autres ? Et à quelles pratiques artistiques nouvelles, porteuses de quelles revendications politiques doit-il s’ouvrir pour continuer à fabriquer du commun dans l’agglomération lyonnaise ?

Dans ce dossier, qui panache des ressources historiques et actuelles sur le Défilé, nous vous proposons une navigation entre vie artistique et sens politique du Défilé.

Bonne lecture.
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Date : 07/09/2023