Oui, au milieu des années 1990, petit à petit, c’est au fond devenu un élément identitaire d’une ville qui longtemps a eu la réputation de ne pas être particulièrement festive. Et d’une ville en plus qui au fond a une sociologie très particulière, appelons-la, pour simplifier, une sociologie bourgeoise. Brusquement, elle a accueilli, en son cœur de ville, une manifestation qui venait de tous les territoires qui l’environnaient, qui manifestait la diversité, la vitalité de ces territoires. C’est là quelque chose, je crois, d’extrêmement important, qui me semble avoir contribué à modifier l’image de Lyon.
Ça a donné l’image aussi, comment dirais-je, d’une ville qui n’était plus la métropole à elle toute seule, mais qui était en capacité de s’ouvrir, dans une espèce d’égalité des territoires. Le transfert des Journées européennes du patrimoine procédait de la même logique, dans mon esprit en tout cas. Pourquoi ? Parce qu’il y avait évidemment les grands monuments lyonnais, les églises, les couvents, les palais, mais il y avait aussi un autre type de patrimoine, le patrimoine industriel, le patrimoine urbanistique, et ces Journées étaient l’occasion aussi de valoriser cela, d’élargir la notion et le concept de patrimoine. Tout cela au fond procédait de la même logique politique, qui n’était pas seulement une logique d’élargissement territorial, mais aussi une logique d’élargissement identitaire.
L’identité de Lyon, à travers les Journées européennes du patrimoine, ce n’était pas seulement la cathédrale Saint-Jean ou l’Hôtel de Ville, c’était aussi, telle ancienne usine présente à Vénissieux ou Vaulx-en-Velin, dont le projet de réutilisation était porté souvent par d’anciens salariés, ou telle création architecturale du 20ème siècle à Givors par exemple. Ces démarches culturelles ont, à mes yeux, une dimension politique au sens plein et fort. Le terme politique est important. De ce point de vue-là, un transfert n’est pas seulement une décision budgétaire, c’est un acte politique.