En travaillant sur la jurisprudence, on a identifié quelles étaient les limites opposables à la manifestation de la liberté de conscience, limites inscrites dans le droit privé ou public. Ces limites, les jurisprudences ne les conceptualisaient pas toujours. C’est donc ce travail que l’on a fait, en lien avec la HALDE, pour définir un ensemble de critères. Ils s’appliquent presque de façon automatique. Même dans l’affaire de la crèche Baby Loup, nébuleuse où tout le monde s’est perdu, in fine, se sont des critères d’aptitude au travail qui se sont imposés. Ce qui est important, c’est de ne pas entrer pas le domaine théologique. Je suis anthropologue du fait religieux, pas théologienne. Je fais toujours très attention à ne jamais devenir juge de conscience. Je ne suis pas là pour dire aux citoyens ou aux salariés ce qu’ils doivent croire ou ne pas croire. C’est pour cela que l’on passe par la loi. Ces critères identifiés d’après les jurisprudences sont des butoirs légaux : entrave au bon fonctionnement, entrave à la sécurité, entrave à l’hygiène, etc. Ça permet de rester laïc, c’est-à-dire de ne pas imposer une vision du monde, et de poser les mêmes limites pour tous, qu’on soit athée, juif orthodoxe, chrétien ou musulman. Or il est particulièrement important que l’égalité de traitement soit manifeste et que les limites soient les mêmes pour tous, notamment dans un contexte rigidifié par rapport à il y a 4 ou 5 ans, avec Daech, le radicalisme, le Front national, etc. Le pire de ce qu’on craignait depuis des années est en train de se rigidifier, de s’amplifier. Par conséquent, ces critères fonctionnent bien au sein d’une municipalité, d’une entreprise ou d’une institution, parce que tout le monde peut se les approprier en réciprocité. D’ailleurs, on les a gardés tout simplement parce qu’ils fonctionnent bien. On est très pragmatique ; s’ils n’avaient pas fonctionné, on aurait cherché d’autres façons d’appliquer la laïcité, ce qu’il faut parfois faire.