Historiquement, le protestantisme a toujours été traversé par des sensibilités différentes. Par exemple, dès le XVIème siècle à propos de l’interprétation de la Sainte Cène (eucharistie). La doctrine catholique est celle de la transsubstanciation : à travers le rite accompli par le prêtre, le pain se transforme réellement en corps du Christ, et le vin en sang du Christ. Chez Luther la position, intermédiaire, est celle de la consubstanciation : cela reste du pain et du vin, mais en même temps c’est le corps et le sang du Christ. Chez Calvin et Zwingli, quand on pratique la liturgie il y a présence spirituelle du Christ, mais aucune transformation des éléments. Ces débats qui peuvent sembler absconds étaient très vifs au 16ème siècle. En Alsace rurale, au XXème siècle, si le pasteur réformé pouvait donner le reste du pain de la Cène aux poules, cela choquait le pasteur luthérien qui, s’agissant du corps du Christ, ne pouvait l’admettre. Ce sont des différences de sensibilité religieuse au sein même du protestantisme. Je pourrais aller bien plus loin, mais ce n’est pas le propos. Au-delà de sa diversité, le protestantisme a une certaine unité doctrinale. Il a été porteur d’une démagification du christianisme. D’une désacralisation aussi : le lieu du culte protestant, le temple, n’est pas un lieu sacré comme l’est l’église pour les catholiques. Mais il y a une différence entre les luthéro-réfomés et les évangéliques : pour les premiers, il y a église dès lors qu’il y a prédication fidèle de l’évangile et administration correcte des deux sacrements reconnus dans la Bible, le baptême et la Sainte Cène (alors que les catholiques ont sept sacrements) ; pour les seconds, l’église est la congrégation locale des croyants convaincus, l’assemblée locale des born again. Cette distinction fondamentale remonte au 16ème siècle lorsque la réforme radicale a instauré un clivage entre le baptême d’enfants et le baptême d’adultes. Etre membre signifie aussi adhérer à des pratiques (orthopraxie) : un membre évangélique pris en flagrant délit d’alcoolisme ou de déviance sexuelle est immédiatement sanctionné par la communauté. Le contrôle psychosocial des conduites par le groupe prend dans ces communautés des formes plus ou moins prononcées.