La grande majorité des institutions théologiques à travers le monde considère le salafisme comme une secte. Pourquoi ? Il y a eu dilemme, au 8ème, 9ème et 10ème siècle. On s’est demandé comment interpréter les attributs divins. En islam, 99 qualificatifs désignent Dieu : l’omniscient, le clément, le miséricordieux, etc. Parmi ces 99 noms, 13 d’entre eux ont des consonances humaines : le voyant, le puissant, etc. Deux écoles se sont affrontées : l’une considérait qu’il fallait interpréter cela de façon littéraliste : Dieu, comme un homme, a une main par exemple. La deuxième école a considéré qu’il fallait interpréter ces attributs divins à consonance humaine de façon allégorique : la main désigne la puissance. La première école, littéraliste, est le salafisme. La deuxième école représente la quasi-totalité des autres courants de l’islam, elle est aujourd’hui ultra-majoritaire dans le monde musulman, puisqu’entre 90 et 95% des institutions religieuses, des imams, des prédicateurs, et des musulmans y appartiennent. Les deux mouvements se jettent mutuellement l’anathème en disant : vous faites de l’anthropomorphisme, ce qui est sortir de l’islam. Preuve du caractère hétérodoxe du salafisme, durant l’été 2016 une fatwa promulguée à Grozny a déclaré que le salafisme n’est pas l’islam[1]. Du point de vue du dogme, le salafisme n’est donc pas l’orthodoxie. Mais il est dans l’orthopraxie, dans une lecture très normative de la pratique religieuse, ce qui n’a rien à voir avec le dogme. La pratique, c’est la manière dont on doit exprimer son appartenance religieuse, à travers la prière, le Ramadan, etc. Bien souvent, les salafistes sont plus orthopraxes que les autres mouvements.
[1] Sous l’égide de la Russie et des Émirats arabes unis, une conférence rassemblant environ 200 muftis et oulémas du monde musulman s’est tenue fin août 2016 à Grozny, en Tchétchénie. La fatwa désigne des « égarés » qui se sont « détournés de la vérité » et parmi eux, quatre groupes sont cités, l’État islamique, mais aussi les wahhabites et les salafistes.