Décarboner l’aménagement : de quoi parle-t-on exactement ?
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Une récente feuille de route nationale propose des éléments de définition pour évaluer le bilan carbone d’une opération d’aménagement.
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Interview de Bruno Peuportier
Bruno Peuportier est enseignant-chercheur à l’École des Mines de Paris, où il anime l’équipe Écoconception et thermique des bâtiments.
Après de premiers travaux sur la simulation énergétique, il a ensuite élargi l’approche à l’évaluation des impacts environnementaux.
Dans cet entretien, Bruno Peuportier revient sur la façon dont les normes de la RE2020 peuvent influencer le bilan carbone d’une construction neuve.
Il relativise notamment plusieurs partis-pris de la réglementation énergétique et environnementale (RE2020) comme la prise en compte de l’énergie produite et non consommée, le choix d’une analyse de cycle de vie dynamique et non statique, ou l’estimation d’une durée de vie des bâtiments de 50 ans et non 100 ans ou plus.
Selon le directeur de recherche, ces choix accordent un poids plus important dans le bilan carbone à la phase de la production, au détriment de la phase d’usage.
Pouvez-vous nous rappeler rapidement ce qu’est une analyse du cycle de vie, plus communément appelée ACV ?
L’analyse du cycle de vie ou ACV est une méthode d’évaluation des impacts environnementaux d’un produit sur l’ensemble de son cycle de vie : l’extraction des matières premières, la fabrication, le transport, l’utilisation et la fin de vie. Il s’agit d’identifier l’ensemble des substances puisées et émises dans l’environnement, et d’en déduire des indicateurs environnementaux. Par exemple, à partir de plusieurs gaz à effet de serre, on construit un indicateur en équivalent CO2.
Est-ce que cela signifie que le bilan carbone d’un produit équivaut à son ACV ?
Si on fait les choses correctement, oui, ce sont les mêmes indicateurs. Mais les méthodes réglementaires sont généralement simplifiées, elles n’utilisent pas toujours exactement les mêmes hypothèses ni les mêmes données. La réglementation énergétique et environnementale pour la construction neuve (RE2020), par exemple, considère 79 grammes de CO2 par kWh de chauffage électrique ; mais quand on adopte une analyse plus physique, en 2022 on est plutôt à 96 grammes de CO2 par kWh. Si on prend en compte les importations d’électricité, on est même à 164 grammes de CO2 par kWh. Donc les analyses peuvent être différentes. D’autre part, l’ACV évalue d’autres critères sur la santé, la biodiversité et les ressources.
Selon que l’on est chercheur ou professionnel, on peut donc avoir des résultats différents à cause de ces choix techniques, ces hypothèses « cachées » ?
Oui. Les normes nationales comportent sans doute une dimension politique, qui peut vouloir favoriser telle ou telle filière. On a donc davantage affaire à un mélange de politique et de technique.
Pour reprendre l’exemple de l’électricité, quel choix vous semble plus pertinent d’un point de vue scientifique ?
Le plus réaliste est de prendre en compte ce qui est consommé, et pas seulement ce qui est produit. Aujourd’hui, ce que fournit RTE, le réseau de transport d’électricité, sur son site eco2mix, ce sont les grammes de CO2/kWh qui sont produits à l’échelle nationale. Or, cette électricité distribuée en France ne correspond pas seulement à de l’électricité produite en France : il y a également des importations. Il est donc plus précis de les prendre en compte.
C’est un peu comme l’empreinte carbone d’un Français : si on se contente des seules émissions en France, on sous-estime le bilan, car, dans la réalité, on importe des produits de l’étranger. Tout dépend des objectifs que l’on se fixe, mais si on veut faire l’ACV d’un bâtiment, je pense qu’il vaut mieux inclure les importations.
Justement, pouvez-vous nous rappeler ce que représente le secteur des bâtiments dans le bilan de gaz à effet de serre de la France ?
Dans les statistiques, le logement et le tertiaire représentent environ 22 % des émissions de CO2. Mais si l’on s’intéresse au cycle de vie, il faut également comptabiliser une bonne part des émissions liées à la production d’électricité, puisque les bâtiments consomment environ les deux-tiers de l’électricité distribuée en France. Il faut aussi prendre en compte la fabrication des matériaux de construction par les industries du secteur. Le total est alors plus difficile à établir, probablement entre 30 et 40 %.
Dans la vie d’un bâtiment, cette partie du bilan carbone liée à la production des matériaux est-elle significative ?
Sur les sites officiels, on annonce aujourd’hui que c’est la production des matériaux de construction qui représente la plus grosse contribution aux émissions de gaz à effet de serre. Mais ce résultat est lié à plusieurs hypothèses, notamment le fait que l’on considère une durée de vie des bâtiments de 50 ans.
Or, c’est beaucoup trop court. Pour moi, cela s’apparente à de l’obsolescence programmée. Une structure bien conçue peut durer 200 ans, si on respecte les Eurocodes (normes européennes, ndlr) par exemple. Si on prend une durée de vie de 100 ans, si on prend également en compte les vrais contenus en CO2 de l’électricité, et si on prend comme base une température de chauffe réaliste, le résultat n’est plus le même.
Dans la réglementation, on considère par exemple une température de 16 °C dans les logements de 8 heures à 18 heures, alors que la réalité constatée est plutôt de 22 °C. Il faut certes encourager la sobriété et viser 19 °C, mais 16 °C est extrême. L’analyse réglementaire a tendance à vouloir faire croire qu’on est très bon en France et que l’on consomme très peu d’énergie, mais on fait des hypothèses qui sous-estiment les émissions à l’étape d’utilisation.
C’est pour cela qu’on arrive à ce résultat où, dans les analyses réglementaires, la plupart des impacts sont liés à la production. Mais si on fait une ACV plus réaliste, plus physique, c’est plutôt l’inverse. Dans les bâtiments neufs, les émissions liées à l’usage du bâtiment représentent plutôt 60 %, et les produits 40 %. Et dans le bâti existant, les usages deviennent encore plus prépondérants, en fonction bien entendu de l’isolation.
Concrètement, plus un bâtiment est performant et plus la partie « construction » devient importante dans le bilan carbone, c’est bien cela ?
Exactement. Si la performance est très élevée, alors la construction devient un facteur proportionnellement plus important. Mais même dans les bâtiments réglementaires d’aujourd’hui, c’est en réalité l’énergie pour l’usage qui est encore le facteur le plus important.
Parmi les matériaux pointés du doigt, on trouve le ciment et le béton. Au contraire, les matériaux biosourcés semblent plus favorables. Quels sont leurs impacts respectifs ?
On émet environ 80 grammes de CO2 pour produire un kilogramme de béton, et les armatures sont encore plus impactantes (410 g CO2 eq. par kg d’acier recyclé). Le bois, au contraire, du fait de la photosynthèse, capte le CO2 de l’atmosphère en poussant : environ 1.5 kg CO2 par kg de bois.
Mais ce n’est vrai que si l’on fait pousser un nouvel arbre, sinon on se contente de couper un arbre pour du bois de construction, et il n’y a alors pas de différence entre le stockage du carbone dans le bâtiment ou dans la forêt (si on y avait laissé l’arbre). Le gain provient du fait qu’un nouvel arbre peut repousser : dans ce cas, si la forêt est bien gérée, on peut avoir un captage de CO2. Mais ce n’est pas forcément le cas.
Le bilan carbone du bois dépend donc de son cycle de vie. Est-ce que les normes actuelles prennent des hypothèses trop optimistes, à votre avis ?
Pas tout à fait. Disons qu’elles sont assez simplistes. On prend une moyenne pour l’ensemble du bois. Par exemple, on ne fait pas de différence entre du bois issu d’une forêt certifiée, où on a l’assurance qu’un nouvel arbre repousse. On ne fait pas non plus la différence en fin de vie : est-ce qu’on brûle le bois après la déconstruction, ou est-ce qu’on le recycle ? Est-ce qu’on le brûle en récupérant la chaleur ? On prend donc une sorte de « forfait », qui s’applique à tout le bois, et qui ne distingue pas le cycle de vie. Ce forfait considère qu’on a systématiquement stocké du carbone au début, et on considère qu’une partie du bois est incinérée en fin de vie.
Comme le choix a été fait d’une ACV dynamique simplifiée, vu que l’incinération a lieu en fin de vie, la réglementation considère que cela a moins d’impact : selon cette méthode, un kilogramme de CO2 émis dans 50 ans a moins d’impact qu’un kilogramme émis aujourd’hui.
C’est ce qui explique que le bois est avantagé. Mais ce qui serait réellement plus avantageux, c’est d’inciter à utiliser du bois issu de forêts certifiées, et à ne pas l’incinérer en fin de vie, ou à récupérer la chaleur. Dans ce cas, on aurait un bilan encore meilleur. C’est pour cela que le calcul réglementaire n’est pas forcément optimiste, c’est plutôt un calcul simpliste.
Vous avez évoqué le fait que la réglementation thermique utilise à présent des ACV dynamiques. Pouvez-vous nous en dire plus, car ce choix semble avoir un impact important sur le bilan des matériaux ?
Comme tout modèle dynamique, l’ACV dynamique vise à prendre en compte les évolutions temporelles. Par exemple, si on utilise du bois, ce dernier va mettre un certain temps à pousser : il ne pousse pas instantanément au moment de la construction. Si on figure sur un diagramme l’absorption du CO2, on voit qu’elle se fait sur la durée.
De même, quand on consomme de l’électricité, on va consommer chaque année davantage en hiver, pour le chauffage, qu’en été ; et on consomme également différemment le jour ou la nuit, la semaine et le week-end, etc. Cela a des répercussions sur le mode de production d’électricité, qui n’est pas le même le jour et la nuit, ou l’hiver et l’été : les émissions de CO2 ne seront pas les mêmes, a contrario d’une ACV statique qui considère des moyennes constantes.
Les ACV dynamiques sont donc plus précises. Mais si on simplifie, cela peut poser des problèmes. Pour le bois, par exemple, la réglementation simplifie en disant que tout le CO2 est capté à la date de construction, alors que le bois met des décennies à pousser : il y a donc une première erreur sur la modélisation temporelle.
La deuxième erreur consiste à considérer qu’un kilogramme de CO2 émis dans cinquante ans a environ la moitié de l’impact d’un kilogramme de CO2 émis aujourd’hui, ce qui ne correspond pas du tout à ce que dit le GIEC. Les climatologues ne sont pas d’accord avec ça : on doit considérer un budget carbone à ne pas dépasser et, quelle que soit la date d’émission, l’impact est le même.
Qu’est-ce qui légitime ce choix des ACV réglementaires ? Quel est l’argument mis en avant pour défendre l’idée que des émissions en 2050 auraient moins d’impact ?
L’argument est plutôt d’ordre politique, et est à mon avis lié à une erreur d’interprétation. Dans les indicateurs d’équivalence CO2, on intègre le blocage des infrarouges par les gaz à effet de serre. Ces derniers ont une certaine durée de vie dans l’atmosphère, certains se décomposant plus vite.
Par exemple, le méthane bloque davantage les rayonnements infrarouges, mais il se décompose plus vite que le CO2. On intègre donc ce facteur de blocage, ce qu’on appelle le forçage radiatif, multiplié par la concentration du gaz sur un horizon temporel, le tout étant divisé par la même intégrale pour le CO2 : c’est ce qui permet d’avoir des équivalents CO2.
Cela permet de tenir compte du forçage radiatif de chaque gaz et du temps de décomposition de ce gaz dans l’atmosphère. Et cet horizon temporel est glissant : on émet un gaz à une certaine date, et on fait l’intégrale que je viens de citer sur une durée de cent ans, le plus souvent. Certains en déduisent que, si on émet un gaz plus tard, il faut considérer la même date finale de l’intégrale.
Autrement dit, pour le GIEC, si j’émets un gaz aujourd’hui, je dois compter son impact sur les cent prochaines années. L’alternative proposée par certains consiste à dire : je compte l’impact jusqu’à 2100. Dans ce cas, si j’émets le gaz en 2023, j’aurai 77 ans de durée d’intégration ; et si je l’émets en 2050, je n’aurai que 50 ans d’intégration. Mécaniquement, j’aurai alors moins d’impact sur le climat. Mais c’est faux.
Cela revient à faire comme si tout s’arrêtait en 2100 ?
C’est comme si vous allez chez un banquier qui vous accorde un prêt sur 30 ans, et que vous lui dites que vous arrêtez de rembourser en 2050. Si vous commencez le prêt dans cinq ans, vous aurez cinq ans de remboursement en moins. Le banquier ne va sans doute pas être d’accord. Le GIEC, c’est un peu le banquier de l’environnement : il n’est pas d’accord avec ce type de calcul.
Les autres pays européens ont-ils fait le même choix ?
À ma connaissance, non. Il n’y en a pas beaucoup qui ont intégré l’ACV pour le moment, et je ne crois pas qu’il y en ait qui ont utilisé l’ACV « dynamique simplifiée » (qui n’est en fait pas dynamique car elle considère des moyennes annuelles).
Mais, dans ce cas, est-ce qu’il ne vaut pas mieux une bonne ACV statique qu’une ACV dynamique simplifiée ?
J’aurais tendance à dire que l’ACV statique produit finalement moins d’erreurs. Le problème avec l’ACV « dynamique » simplifiée c’est que, si on isole un bâtiment, on va compter à 100 % les impacts de fabrication des matériaux, comme l’isolant ou le capteur photovoltaïque, qui sont générés du début du cycle de vie. Par contre, les économies d’énergie vont se faire dans la durée, avec un facteur d’impact du CO2 qui diminue dans le temps : on va sous-estimer les bénéfices de ces techniques d’efficacité énergétique, ou de production renouvelable.
Cela biaise beaucoup les résultats. Je pense que cela fait partie du jeu politique, il y a peut-être une volonté de vendre le plus possible d’électricité. En tout cas, je l’interprète comme ça. Ce choix favorise l’électrification et, au contraire, défavorise les économies d’énergie et la production renouvelable.
Est-ce que ce choix favorise également les matériaux biosourcés ?
Le fait qu’il les favorise, c’est plutôt bien. Les matériaux biosourcés sont intéressants. Le problème est davantage lié à leurs caractéristiques thermiques : est-ce que ce sont de bons isolants ou pas ? Est-ce qu’ils contribuent à créer de l’inertie ou pas ? Le problème n’est pas de comparer un matériau à un autre. À mon avis, l’important est de comparer la performance du bâtiment globalement. En général, on a intérêt à associer différents matériaux : par exemple un isolant et une matière inerte.
Si on construit tout en bois très léger avec de l’isolation légère, alors on aura des problèmes de résilience face aux canicules, et même des problèmes de confort en général. Il vaut mieux avoir des matériaux inertes pour réduire les amplitudes de variation des températures.
Une autre erreur est de mélanger de l’isolant avec des matières inertes, comme par exemple avec le béton de chanvre : il vaut beaucoup mieux séparer la couche isolante à l’extérieur (par exemple du chanvre), et une couche inerte à l’intérieur (par exemple des briques de terre crue). Il vaut mieux éviter de les mélanger, car on obtient alors un mauvais isolant et une mauvaise inertie.
À ce propos, vous avez comparé les performances de maisons passives avec différents matériaux. Sur le CO2, les résultats sont favorables aux matériaux biosourcés, mais l’écart est assez faible comparé à une option « ciment et laine de roche ». Pourquoi ?
C’est d’abord à cause de la durée de vie considérée : on a pris comme référence une durée de vie de 100 ans. La réglementation considère une durée de vie de 50 ans. C’est dommage de construire un bâtiment pour 50 ans. En allant au bout de la démarche, on pourrait considérer une durée de vie de 200 ans, car on sait qu’il existe des maisons en bois très anciennes, par exemple en Suède. Forcément, la contribution des matériaux devient moins importante si on augmente la durée de vie du bâtiment. Mais la température de chauffe joue également, ainsi que les consommations d’électricité dans les logements.
Les consommations réglementées n’intègrent que le chauffage, la ventilation, l’éclairage, l’eau chaude et la climatisation éventuelle. En prenant en compte l’ensemble des consommations à l’intérieur des bâtiments, même si elles ne sont pas liées au bâti lui-même comme l’électroménager, cela participe également à réduire proportionnellement la part de l’impact des matériaux. Cela permet aussi de mieux valoriser la production d’une toiture photovoltaïque qui peut fournir cette électricité.
Par ailleurs, si on n’utilise que du bois, avec donc très peu d’inertie, il faut climatiser les bâtiments pour obtenir le même confort qu’un bâtiment plus inerte. Dans l’ACV, le concept d’unité fonctionnelle est important : on doit comparer des produits qui remplissent la même fonction. Or la fonction d’un bâtiment, c’est d’assurer le confort des habitants : si on a un bâtiment très léger qui monte à 40 °C dès qu’il y a une canicule, et un bâtiment beaucoup plus inerte qui reste à 30 °C, on ne compare pas des choses comparables. Pour comparer la même unité fonctionnelle, il convient d’ajouter une climatisation si le bâtiment monte à une température trop élevée.
Pensez-vous que l’incidence du réchauffement climatique n’est pas suffisamment prise en compte par les réglementations, comme la RE2020 ?
Le confort d’été est quand même pris en compte par le biais d’un indicateur, mais je pense que cette prise en compte est un peu insuffisante, car les données climatiques utilisées correspondent au passé. En utilisant des données prospectives de Météo France à l’horizon 2050 et 2100, on se rend compte que l’inertie devient un élément vraiment important, en particulier si on veut retarder le moment où on devra faire appel à la climatisation. Dans l’aide à la conception, c’est donc important de prendre en compte l’inertie et la ventilation nocturne — mieux que ne le fait la réglementation.
Puisque le ciment est fortement émetteur de CO2, quelles alternatives existent pour le remplacer ou le décarboner ?
Il existe des bétons bas-carbone qui, à la différence du ciment Portland, utilisent des cendres volantes ou des laitiers de haut fourneau. Mais ces éléments-là sont déjà utilisés aujourd’hui, c’est donc difficile d’imaginer que l’on puisse réduire beaucoup les émissions en les utilisant dans un projet donné, puisque ce serait au détriment d’autres projets.
Globalement, ça ne fera pas beaucoup baisser les émissions. Dans les cloisons internes ou les refends, on peut également remplacer les éléments cimentaires par des briques de terre crue, par exemple. Pour les dalles, c’est moins facile. On a sans doute encore un peu besoin de béton, notamment pour les immeubles de grande hauteur, en particulier si on veut moins artificialiser. Il y a un dilemme entre ces différents critères environnementaux, il faudra faire des choix.
Dans les projets d’aménagement, au stade de la construction, les bâtiments semblent avoir un poids prépondérant en termes d’impact carbone. Quel serait l’intérêt de réaliser des ACV à l’échelle d’un quartier ou d’une opération ?
On travaille aujourd’hui également à l’échelle de projets urbains, en général sur quelques hectares. À cette échelle, en effet, les bâtiments pèsent davantage que les voiries ou les espaces verts. Malgré tout, cette échelle est intéressante pour travailler sur des aspects plus globaux comme les réseaux de chaleur, qui peuvent être extrêmement vertueux, mais aussi sur l’orientation des voiries, les masques solaires entre bâtiments, etc.
En termes d’aide à la décision, cela donne des leviers d’action un peu plus diversifiés. À une échelle un peu plus grande, on peut aussi intégrer la mobilité et les réseaux de transport. En matière de biodiversité, l’enjeu des trames vertes et bleues devient également important lorsque l’on aborde une échelle plus large que le bâtiment.
En conclusion, quels sont les messages les plus importants à retenir en matière de décarbonation des bâtiments ?
L’intérêt des ACV est d’être multicritères. Contrairement au bilan carbone, on intègre d’autres indicateurs environnementaux. Par exemple, à Lyon Confluence, j’avais bien aimé que le bureau d’études, assistant au maître d’ouvrage, ait imposé deux critères : l’un relatif au CO2 et l’autre aux déchets radioactifs. Cela a favorisé le choix du bois énergie, et c’est là qu’on a réalisé que le critère sanitaire n’avait pas été pris en compte, alors qu’il est important car la combustion du bois émet des polluants. Cela montre qu’aucune énergie n’est idéale et qu’il faut surtout l’économiser. Plus généralement, l’analyse multicritère évite d’avoir des transferts de pollution d’un impact à l’autre.
Pour le reste, il faut retenir que le plus gros levier d’action, c’est bien entendu la réhabilitation des bâtiments existants, qui devrait être la priorité. Il ne suffit pas de remplacer une chaudière par une pompe à chaleur : dans une passoire thermique, cela ne marche pas bien et cela risque de provoquer des pointes de demande d’électricité l’hiver, qui vont pénaliser le réseau et nous obliger à importer de l’électricité plus carbonée. C’est surtout la réhabilitation globale qui va permettre de réduire notre impact et nos émissions dans le secteur du bâtiment.
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