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7 concepts pour comprendre 20 ans d'urbanisme dans l'agglomération lyonnaise

Portrait d'Olivier Roussel
© Urbalyon

Article

Géographe et urbaniste, Olivier Roussel a assuré durant presque vingt ans à l’Agence d’urbanisme de Lyon des missions de direction d'études, de pilotage d'équipes-projets et de développeur de l’activité dans les domaines de l'aménagement, de la planification stratégique et de la prospective territoriale à l’échelle de l’agglomération lyonnaise et de sa zone d’influence.

Au travers des études qu’il a dirigées et des projets qu’il a conduits, il a vu la métropole et ses territoires vivre des mutations de grande ampleur.

Fort de sa longue expérience, il a accepté de jouer le jeu d’une sélection de sept concepts ou expressions qui auront marqué son parcours, et de nous expliquer pourquoi. Une façon également pour lui de saluer le travail réalisé avec les équipes de l’Agence d’urbanisme.
Date : 26/05/2023

1 « Modèle multipolaire » (2004/2006)

2004 – 2006 : Un modèle d’aménagement polycentrique pour stopper le développement en « tache d’huile »

 

Au mitan des années 2000, je prends mes fonctions de pilote d’un pôle de compétence pluridisciplinaire créé au sein de l’Agence d’urbanisme. Dénommé « pôle Grands territoires », ce département d’étude consacre l’essentiel de son activité à l’analyse des dynamiques du système métropolitain lyonnais, soit une aire de trois millions d’habitants assemblant les zones d’influence de deux agglomérations interdépendantes : Lyon et Saint-Étienne.

L’agglomération lyonnaise semble alors en retrait dans les classements des « métropoles gagnantes », tant sur le plan social qu’économique, et les indicateurs de la croissance démographique et de la création d’emplois métropolitains supérieurs (EMS) – alors jugés centraux – sont nettement en deçà de celles d’autres grandes villes, y compris françaises comme Bordeaux, Toulouse ou Montpellier. Les défis sont nombreux, mais celui qui apparaît prioritaire entre tous, c’est de stopper la dilution de l’agglomération et l’étalement urbain.

La nécessité première semble de regagner la confiance des élus des intercommunalités voisines, qui prennent une part croissante au développement économique et social du système urbain. Un constat s’impose : l’institution Grand Lyon n’est pas à l’échelle de l’agglomération vécue.

Il s’agit de poser une nouvelle méthode de travail qui passe non plus par l’intégration à marche forcée des territoires sous influence de la ville de Lyon, mais par un dialogue d’égal à égal entre l’intercommunalité centrale et celles qui la bordent – elles sont alors au nombre de 14 – pour éviter les situations de concurrence qui peuvent aboutir à une dilution des investissements, et au développement de l’agglomération sous la forme d’une tâche d’huile (carte), brandie alors comme un contre-modèle.

 

Carte d'une partie de la région Auvergne-Rhône-Alpes montrant le taux d'évolution annuel moyen de la population entre 1982 et 1999. Dans l'agglomération lyonnaise elle a augmenté de -1% (dans le centre) à 2.5% (vers la frontière) ; aux alentours de Brignais, Villefranche-sur-Saône, Trévoux, Villars-les-Dombes, Ambérieu-en-Bugey, Pont-de-Chéruy, Bourgoin Jallieu, Vienne, Roussillon, Saint-Étienne, Montbrison, Feurs, Saint-Martin-en-Haut et Tarare, on observe une hausse de 0% (dans les villes citées) à 1% - 2,5% (dans leurs alentours) et même plus de 2.5% de hausse aux alentours de celles, situées à l'est par rapport à Lyon. Le taux d'évolution de la population n'évolue pas ou baisse surtout autour de Saint-Étienne et à l'ouest, vers Roanne.
Taux d’évolution annuel de la population entre 1982 et 1999© Urbalyon

 

Il est alors demandé à l’Agence d’urbanisme de soutenir cette dynamique de coopération placée sous le vocable de territoire partenaire, avec comme objectif de coordonner les politiques d’aménagement à grande échelle, les mettre en cohérence et les faire converger vers un modèle de développement partagé : le modèle multipolaire.

L’Agence porte alors sur les fonts baptismaux la démarche inter-Scot, qui va permettre d’accorder le rôle des 13 schémas de cohérence territoriale de l’aire métropolitaine Lyon–Saint-Étienne, et en parallèle donner toute sa place dans ce jeu polycentrique à l’agglomération lyonnaise, qui lance l’élaboration de son nouveau Schéma de cohérence territoriale.

Ce « Scot 2030 » aura pour but de définir les conditions d’accueil d’au moins la moitié de la croissance de population attendue à l’échelle de l’aire métropolitaine dans des polarités urbaines bien équipées et bien desservies par des réseaux structurants.

 

Carte de la région Auvergne-Rhône-Alpes, montrant l'interconnexion entre Lyon et les villes aux alentours, signalées par des cercles plus ou moins grands, en fonction de la taille de la ville et de son nombre d'habitants. L'aéroport de Lyon est désigné par le dessin d'un avion dans un carré rouge. Plus les villes sont proches de la métropole de Lyon, plus elles sont connectées, que ce soit à Lyon ou aux autres villes. Plus les villes sont loin, plus il est fréquent qu'elles soient connectées à une seule ville qui se trouve davantage en proximité de la métropole.
Agglomération multipolaire – schéma de principe (Scot 2030)© Urbalyon

 

Projets marquants :

 

•    Élargissement des observatoires d’agglomération à l’échelle de l’aire métropolitaine Lyon–Saint-Étienne
•    Mise en place de la démarche « inter-Scot »
•    Appui aux études conduites par l’État dans le cadre de l’élaboration de la Directive territoriale d’Aménagement (DTA) Lyon-Saint-Étienne-Isle-d’Abeau
•    Intégration dans le partenariat de l’Agence de nouveaux membres, EPCI et Syndicats mixtes porteurs des Scot
•    Appui au dialogue du Grand Lyon avec les intercommunalités voisines (ex. : Givors-Grigny)
•    Réponse à l’appel à projets « coopérations métropolitaines » de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) 2005
•    Lancement des études Scot 2030

 

2 « De l’étoile à la toile » (2007/2010)

De nouveaux réseaux structurants – vert, bleu, RER – fonctionnant comme un tout

 

Dans le contexte d’une aire urbaine de plus en plus peuplée, mais aussi de plus en plus distendue, discontinue et hétérogène, il manque à l’agglomération lyonnaise un méta-réseau alternatif au réseau routier, qui a causé l’essentiel de l’étalement urbain. Il devient nécessaire d’adopter une nouvelle ossature à même de structurer durablement et harmonieusement une aire métropolitaine polycentrique, comptant plusieurs millions d’habitants, et dont l’empreinte s’étendra des monts du Forez à l’Avant-Pays savoyard, du Beaujolais au Viennois.

Résumée dans l’expression « passer de l’étoile à la toile », qui a émergé des travaux du Scot de l’agglomération lyonnaise, cette volonté de « mettre l’agglomération en réseaux » vise à décliner spatialement le modèle multipolaire, tant à l’échelle de l’agglomération lyonnaise (Scot 2030) qu’à celle de l’aire métropolitaine (Chapitre commun de l’inter-Scot) pour aboutir à une cartographie des grands défis, économiques, écologiques, et sociaux sous la forme de trois grands réseaux structurants fonctionnant de concert.

Souhaitant en finir avec l’étalement continu des villes autour des nœuds et échangeurs routiers, les élus s’accordent pour prioriser désormais le développement de leur territoire autour des polarités urbaines desservies notamment par le réseau vert, pour mettre la nature à portée du logement, et par le réseau RER 2030, pour développer autour de quartiers-gares densifiés et embellis.

 

Carte de la région Auvergne-Rhône-Alpes, montrant les lignes de transport (en commun, départemental et régional) de la région. Les connections sont signalées par des lignes bleues et les arrêts sont signalées par des points blancs, variant de taille en fonction de la taille de la ville qu'ils représentent. Il y a une interconnexion entre les villes situées à l'ouest de Lyon (Roanne et Saint-Étienne) et les villes situées au nord-est (Mâcon, Bourg-en-Bresse et l'agglomération ambarroise). L'agglomération lyonnaise et tout le territoire de la métropole de Lyon possède un réseau de connexion très dense, regroupant le périmètre de Givors à Trévoux du sud au nord et de Décines-Meyzieu à l'Arbreste de l'est à l'ouest.
Modèle multipolaire - carte de synthèse (Chapitre commun inter-Scot)© Urbalyon

 

Ces trois réseaux – réseau RER, réseau bleu des fleuves, réseau maillé des espaces naturels et agricoles – seront également déclinés sous la forme d’une sémantique commune. Ils visent à remplacer les espaces qui étaient classiquement définis « en creux » par des territoires de projet : rives des fleuves et espaces en eau, cœurs verts, couronnes agricoles, liaisons « nature », corridors écologiques, etc. Les cartographies réalisées par l’Agence seront inscrites dans le droit des sols et intégralement reprises dans le rapport du Scot de l’agglomération lyonnaise 2030, mais aussi dans ceux des Scot voisins.

 

Carte de l'agglomération lyonnaise représentant les liaisons vertes. La plupart du territoire du Grand-Lyon est occupé par un espace urbain, avec de la nature intégrée d'une manière dans ce paysage. Les parcs d'agglomération sont au nombre de 9 et sont tous situés au centre du territoire et mis en réseau les uns avec les autres. à l'exception du fort de Bron, tous les forts sur le territoire sont situés à l'extérieur de la couronne, et ils sont tous à côté d'une couronne verte ou une trame verte.
Réseau vert (Scot 2030)© Urbalyon

 

Projets marquants :

 

•    Cartographies du « Réseau maillé des espaces naturels et agricoles » et du « Réseau Express de l’Aire métropolitaine de Lyon » (REAL)
•    Études des potentiels de développement autour des gares
•    Appui à la gouvernance « G3 » puis « G4 » (Lyon, Saint-Etienne, L’Isle d’Abeau, Vienne) et constitution du réseau d’ingénierie « A2 » (Agences d’urbanisme de Lyon et de Saint-Etienne)
•    Études de structure : parc des Vallons, grand parc Miribel Jonage, Voie verte des Confluences
•    Étude sur la revitalisation de la couronne est lyonnaise (Politique de la ville, démarche Centre-Est)
•    Études des potentiels de densification des polarités urbaines
•    Étude de lignes de tramway en rocade A7 et A8

 

3 « Espaces d’interface » (2010/2013)

Une société connectée, des territoires connecteurs

 

La fin des années 2000 marque l’émergence du modèle des plateformes et l’irruption dans tous les pans de la vie quotidienne des outils digitaux et de l’économie numérique. Les chaînes de valeur mondiale se réorganisent, les systèmes d’approvisionnement s’allongent, les coûts d’acheminement s’effondrent, les emplois se polarisent, les modèles économiques mutent vers une logique The winner takes it all qui voit les entreprises de plus grande taille (marché intérieur important) conquérir les marchés mondiaux et finir s’approprier des domaines devenus stratégiques, comme celui des nouvelles technologies. Dans la chaîne de valeurs, l’essentiel n’est pas tant de produire des biens que de tenir la relation avec le client, et de contrôler les données. La mutation est profonde. Elle va bouleverser l’organisation des territoires, de plus en plus interdépendants et traversés par des flux continus.

La logistique n’est plus une filière, mais un système à part entière dont dépend de plus en plus fortement le fonctionnement économique de l’agglomération et de son hinterland. Dans ce contexte, le pôle Grands territoires de l’Agence porte son attention sur les grands espaces logistiques, les territoires porte d’entrée et les pôles intermodaux, qui distribuent et orientent les flux de marchandises et permettent la mobilité quotidienne.

Le métier d’urbaniste est lui-même profondément bouleversé par l’irruption du modèle des plateformes digitales – Google, Yahoo ou Bing, Facebook, Instagram ou Twitter, Spotify, Deezer, ou Netflix, Skype WhatsApp, ou encore YouTube. Les compétences requises glissent imperceptiblement de formes de savoirs thématiques en silo traduits en plans directeurs (Scot, PLU, PLH, PDU) à des formes de savoir systémique où jouent davantage les aptitudes relationnelles, voire émotionnelles, et la capacité à connecter les problématiques entre elles. Du registre connu et maîtrisé de la planification, l’urbaniste doit maintenant adopter de nouvelles postures, où l’agilité et l’adaptabilité dominent.

Les études du pôle Grands territoires se concentrent alors sur les infrastructures et les territoires susceptibles de conforter les interconnexions territoriales, de renforcer l’effet hub. L’heure est à l’interconnexion et à la mobilité sans couture. Elle est aussi aux premières études structurantes portant sur les territoires voisins du Grand Lyon : viennois, nord Isère, pays de l’Ozon, est lyonnais, pays tararais notamment.

 

Carte de l'espace interdépartemental Lyon Saint Exupéry : le périmètre étudié inclut le communes de Meyzieu, Jonage, Jons Vilette d'Anthon, Anthon, Chavanoz, Pont-de-Chéruy, Chavrieu-Chavagneux, Tignieu-Jameyzieu, Chamagnieu, Pusignan, Janneyrias, Colombier-Saugnieu, St-Bonnet-de-Mure, Saint-Laurent-de Mure, Satolas-et-Bonce, Grenay, La Verpillière, Villefontaine, Saint-Quentin-Fallavier, Heyrieux, Saint-Pierre de Chandieu et Toussieu.
Espace interdépartemental Lyon Saint Exupéry : sept EPCI et 5 Scot concernés !© Urbalyon

 

Travaux marquants :

 

•    Études IS des espaces d’interface : A89 et A46N,
•    Livre Blanc « Espace interdépartemental Lyon Saint Exupéry »
•    Thèse sur les espaces métropolitains « transactionnels »
•    Études sur la filière logistique
•    Prospective vallée de la chimie
•    Études sur la liaison Valvert Bonnevay (« Anneau des Sciences »)
•    Étude du schéma portuaire de l’aire métropolitaine lyonnaise
•    Requalification des traversées urbaines (études RN7 Vienne et Tarare)
•    Projet d’aménagement durable de la porte de l’Isère

 

4 « Métamorphoses » (2013/2016)

Des pouvoirs locaux transformés, une métropole hybride

 

Les temps sont durs pour l’économie France. Les fleurons industriels passent les uns après les autres sous contrôle étranger, quand ils ne disparaissent pas purement et simplement. Les financements publics au bénéfice des grands projets sont davantage comptés. L’ère est à l’optimisation de ce qui est « déjà là ».

L’État est à la recherche d’un modèle de développement territorial qui permette l’attractivité et le développement équilibré de ses territoires. Il décide, comme dans les années 1960 lors de la création des Organismes régionaux d’études des aires métropolitaines (Oream), d’avoir recours à la figure de la Métropole réseau, convoquant le schéma christallérien issu de la théorie spatiale proposée par le géographe Walter Christaller dans l’entre-deux guerres, et qui vise à expliquer la hiérarchie des villes, selon leur taille, leur localisation et leurs fonctions. In fine, il s’agit de miser sur les métropoles françaises pour accroître la compétitivité de son économie, plus que jamais dépendante des effets d’agrégation et de la concentration du pouvoir décisionnel dans les villes de rang mondial.

La loi crée d’ailleurs un nouveau statut pour les métropoles, afin de permettre aux agglomérations de plus de 400 000 habitants d'exercer pleinement leur rôle en matière de développement économique, d'innovation, de transition énergétique et de Politique de la ville. Dans le même temps, le projet du Grand Paris, visant à transformer l’agglomération parisienne en une grande métropole mondiale du 21è siècle, est mis en œuvre.

Si les concepts de base demeurent – organisation multipolaire du territoire, maximalisation des effets d’agrégation, concentration des pouvoirs locaux, agrandissement des territoires administratifs (nouvelles régions) et renforcement des pouvoirs des intercommunalités (SDCI) – une lente prise de conscience s’opère. Il n’est plus possible de croître à l’infini, et un nouveau modèle non plus spatial mais liant intimement l’économique, l’humain et l’écologique doit être réfléchi et mis en œuvre. Du toujours plus, un glissement s’opère progressivement vers le toujours mieux, puis vers l’hybridation et le réemploi. L’heure n’est pas, ou moins, au renforcement des interdépendances qu’à la montée en puissance de l’autonomie des territoires et de leur capacité à s’autosuffire.

Les premiers signes d’une crise écologique profonde se manifestent. Le fait majeur qui vient clôturer la période est la conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques, lors de laquelle un accord international sur le climat, applicable à tous les pays, est validé.

Localement, les études de l’Agence d’urbanisme se concentrent sur la mesure de l’efficacité, tant des formes de gouvernance que des modèles spatiaux, voire des équipements et infrastructures, tous questionnés. La période est aussi profondément marquée institutionnellement par la création du Pôle Métropolitain, du Syndicat Mixte des Transports de l’aire métropolitaine lyonnaise, puis celle de la Métropole de Lyon et du Département du Nouveau Rhône qui vient bouleverser la donne territoriale.

 

Travaux marquants :

 

•    Institutionnalisation de la gouvernance G4 > création du PM et du SMT AML
•    Études Connaissance territoriale & dynamiques de développement - SMT AML / PM Lyon
•    Adoption du Chapitre commun inter-Scot
•    Schéma portuaire et prospective Port LEH, port hybride
•    Études sur le boulevard périphérique lyonnais : utopies, métamorphoses et, mutation et schémas concepts
•    Ouvrage Les métamorphoses de l’autoroute urbaine
•    Études Agrafes Bonnevay et Liens urbains agglomération lyonnaise

 

5 « Écosystèmes » (2016/2019)

Les problématiques écologiques en position centrale, la métropolisation questionnée

 

La grande mutation qui s’opère au milieu des années 2010, avec la montée en puissance des questions écologiques et environnementales, est tellement puissante qu’elle revisite la notion même d’urbanisme et le métier d’urbaniste, qui doit revoir son vocabulaire : de nouveaux concepts émergent, tels que résilience, services écosystémiques, planification écologique, ou encore économie circulaire. Il lui faut aussi transformer ses méthodes de diagnostics et ses réflexions prospectives : jusque-là, les urbanistes étaient les professionnels de l’urbain qui intégrait le seul vocabulaire du développement durable introduit dans la loi SRU de 2000.

Désormais, pour organiser la cité, ils doivent principalement se documenter et analyser le non-urbain, ainsi que les interactions entre le monde urbain et l’écologie. Celle-ci n’est plus l’un des champs d’études (développement durable), elle devient le champ principal de l’analyse : l’écologie est au cœur des études, les services écosystémiques rendus par les terres agricoles et naturels se multiplient. Mieux connaître la nature et les services qu’elle rend aux humains va profondément marquer l’évolution de l’activité des équipes.

L’urbaniste s’occupe des territoires non urbanisés : une profonde mutation du métier s’opère, à partir d’une translation du regard porté sur les territoires et leur fonctionnement. Les critiques du modèle du ruissellement se multiplient ; le modèle multipolaire censé limiter, voire contrôler la tache d’huile, montre des faiblesses. L’éloge est à la diversité, selon une formule de l’économiste Olivier Bouba Olga, dont les travaux démontrent que l’innovation émerge d’une diversité de territoires et n’est pas l’apanage des grandes métropoles.

Un chiffre résume l’inflexion donnée aux travaux de l’Agence, issu d’une étude des images satellitaires : plus de 10 000 hectares de terres agricoles ont été grignotés entre 2005 et 2015 dans l’aire métropolitaine Lyon-Saint-Étienne malgré l’action des Scot, qui ont pourtant joué un rôle crucial. Le modèle multipolaire n’est pas abandonné, mais il est questionné tandis que les projections Insee continuent de prévoir des hausses de population importantes.

 

Deux cartes montrant l'évolution possible du système alimentaire de l’aire métropolitaine lyonnaise entre 2020 et 2040. Baisse de 20 000ha des surfaces agricoles et naturelles si l'artificialisation se poursuit au même rythme (550 000ha de surfaces agricoles en 2020 - 530 000ha de surfaces agricoles en 2040); plus de 460 000 habitants sont attendus d'après les projections de l'OMPHALE (3 390 000 habitants en 2020 - 3 850 000 habitants en 2040); le besoin théorique de surfaces agricoles pour nourrir l'ensemble de la population passe de 783 000ha à 933 000ha en 2040. La carte montre que si en 2020 les productions locales ont la capacité de nourrir 70% de la population, en 2040 elles auraient la capacité de nourrir uniquement 59% de la population, soit une baisse dans la capacité qui s'élève à 11% en 20 ans.
Le système alimentaire de l’aire métropolitaine lyonnaise : l’artificialisation des sols réduit inexorablement la « capacité nourricière du territoire »© Urbalyon

 

Projets marquants :

 

•    Mesure et cartographie des interdépendances territoriales / ouvrage référence A2
•    Présentations aux partenaires des dynamiques de métropolisation
•    Animation de séminaires et de débats « Métropolisation / périurbanisation »
•    Scot Rives du Rhône Pour un territoire à biodiversité positive
•    Étude du système alimentaire de l’aire métropolitaine lyonnaise
•    Mesure de l’artificialisation des sols dans l’aire métropolitaine lyonnaise
•    Étude et débats sur l’évaluation du modèle multipolaire
•    Études sur Les ressources de l’aire métropolitaine lyonnaise (eau, sol, air, déchets, énergie, alimentation, paysages)
•    Séminaires A2/ Ruissellement : mythe ou phénomène ?
•    Séminaire Sepal Quel modèle de développement pour demain ?

 

6 « L’archipel métropolitain » (2019/2022)

Autonomisation et recomposition des pouvoirs locaux

 

La période est marquée par une crise sociale profonde et la montée des tensions territoriales autour du double processus de métropolisation et de périurbanisation qui gagne en intensité. De nombreux experts analysent le phénomène, vu comme questionnant profondément les modes de vie, les représentations tant du passé que du futur, celui du rapport aux pouvoirs et à la démocratie, et le modèle du progrès. Jérôme Fourquet en propose une lecture magistrale dans son ouvrage L’archipel français (2019).

Cette montée des tensions est une fracture socio-spatiale, mais aussi une rupture des représentations et de ce qui fait commun. Les grands récits assembleurs, les grandes figures spatio-temporelles n’opèrent plus. Les politiques décidées d’en haut ne sont plus acceptées. L’exemple le plus marquant est celui de l’application de la directive « Zéro artificialisation nette » (ZAN) issue pourtant des travaux de la Convention citoyenne sur le climat, vécue comme particulièrement injuste par les territoires sous l’influence des villes, car les privant de leur seule ressource dynamique, et sans égard pour les situations locales.

Il est demandé à l’Agence d’investir les impensés, les signaux faibles et tendances lourdes pour mesurer les écarts de perception et de perspective. Une mutation s’opère également vers une mesure des phénomènes par davantage de prise avec le terrain, les bassins de vie, les habitants, les sociétés locales. La sociologie est de nouveau convoquée comme science première, elle qui avait été quelque peu confinée à la question des quartiers et de la Politique de la ville.

La période marque un regain des études à caractère prospectif pour penser un système métropolitain décidément bien difficile à cerner par les volumes et par les nombres, pour investir davantage les histoires et les imaginaires. L’Agence compte désormais plus de cinquante partenaires financeurs, marquant l’élargissement de la toile métropolitaine. Il faut maintenant davantage s’attacher à montrer les futurs possibles, à toutes les échelles : communes, métropole, départements, EPCI, Scot.

L’étude des tendances longues est priorisée, le travail sur les imaginaires et les futurs permet à l’Agence de se repositionner sur un de ses cœurs de métiers historiques : la prospective territoriale. Lyon 2010 n’avait-il pas été le dossier fondateur de l’Agence première formule au début des années 1980 ? Les territoires sollicitent l’appui des équipes pour des diagnostics rétro-prospectifs, permettant de faire émerger les enjeux 2040.

 

Carte alternative de la métropole de Lyon en 2040 représentant la ville en tant que creativity&learning hub. Toute la ville est connectée à de divers réseaux : au centre - grand cercle Virtual CBD avec l'image d'une manette de console, au sud-est, grand cercle avec image de monnaie dessus représentant la Cimly (city information modeling de Lyon) et au nord-est grand cercle avec image de bras robotique représentant Amazon'Lab 3D. Le reste de la Ville est connectée aux réseaux sociaux tels Facebook, Instagram et Twitter, Cloud, web, codes barres, e-shopping, mailing, musique, Wi-Fi, messages électroniques, ordinateurs, connexion à internet. En haut à gauche, dans le coin nord-ouest de la carte on retrouve un grand rectangle désignant une Zone blanche de déconnexion.
La Métropole algorythmée - Figure 2040 (travaux Métropole 2040)© Urbalyon

 

Quelques projets marquants :

 

•    Travaux Démographie 2040 Scot agglomération lyonnaise et inter-Scot
•    Études de diagnostic rétro-prospectif pour les EPCI du Rhône et du sud de l’Ain
•    Mission Pacte Rhône 2040
•    Étude des impacts de la loi ZAN
•    Mission d’appui pour la définition d’une nouvelle feuille de route pour le Pôle Métropolitain

 

7 « Le modèle de la communauté » (2022-?)

Du modèle de la métropolisation à celui de la communauté : vers un possible retour aux sources ?

 

Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que les concurrences territoriales demeurent, et que les écarts de condition de vie peuvent être extrêmement importants d’un quartier à un autre, d’une commune à sa voisine, d’une vallée à sa proche montagne, etc. La fracture socio-spatiale est bien là, et elle opère à différentes échelles et selon différents facteurs, comme le taux des dépenses contraintes, les capacités numériques, les aptitudes relationnelles pas toujours visibles dans la statistique générale.

Dans le même temps, un changement de paradigme opère progressivement au niveau des politiques d’urbanisme : sont moins recherchés les effets de concentration, de quantité et de masse que ceux attendus de la qualité et de l’intensité des liens entretenus à une proximité vécue.  L’important, ce n’est plus l’excellence, c’est l’ingéniosité ; ce n’est plus de planifier, c’est d’expérimenter ; ce n’est plus de généraliser, c’est de faire du cas par cas.

L’Agence d’urbanisme, dans le cadre de ses travaux de prospective territoriale, a rassemblé depuis 2017/18 un matériau prospectif au sein duquel émergent neuf récits du futur symbolisés par neuf figures, qui sont autant de possibles 2040. Parmi ces neuf figures, volontairement caricaturales, l’une d’elle est parue particulièrement active et vraisemblable : la Métropole « Périphérix ». Souvent retenue comme toile de fond des phénomènes à l’œuvre (elle a été esquissée en 2018, avant même la crise des Gilets jaunes), elle part du constat de la montée en puissance et de l’autonomisation progressive des pouvoirs périurbains qui se détachent de l’univers métropolitain, pour se doter de leur projet de territoire propre, en marge du pouvoir métropolitain.

Les citoyens investissent massivement les communautés résidentes. Ils viennent y chercher à la fois les aménités attendues et y vivre des solidarités volontaires, partager un commun à l’échelle de soi et de ses proches. La coopération, la solidarité, le partage et le bien-être sont les valeurs fortes de ces communautés habitantes calquées sur des solidarités villageoises.

Ces nouvelles attentes sociales, ces nouveaux modes de vie, travaillent de l’intérieur le modèle métropolitain, car l’innovation, la collaboration, l’entraide et le partage sont des valeurs recherchées tant dans les territoires denses du centre aggloméré que dans les premières couronnes des agglomérations, les marges des grandes villes, les territoires ruraux et les espaces de montagne.

Aujourd’hui, tout est communauté. Et s’il est question de revanche des villages ici, il ne s’agit pas tant d’une revanche des habitants des marges urbaines sur ceux des zones agglomérées, mais bien de celle d’un modèle que l’on croyait relégué au rang des accessoires – le village, la micro-communauté – sur celui que l’on croyait acquis – la grande ville émancipatrice, pourvoyeuse d’opportunités de vie, garante de réussite individuelle et d’un cadre de vie épanouissant.

 

Travaux marquants :

•    Diagnostic des territoires Sytral Mobilités
•    Récit « Périphérix 2040 »
•    Desseins AURA / Audition Ceser
•    Prospective SDMIS Rhône Métropole
•    Prospective Grand Parc 2040