À retenir :
- La consommation de produits bio a baissé d’1,3% en France en 2021.
- Sa part de marché est restée stable, à environ 6,6 % de l’ensemble du secteur alimentaire.
- Cette stagnation intervient après une année 2020 en très forte hausse, du fait notamment du confinement qui a favorisé la consommation bio.
- Les grandes surfaces tirent le secteur à la baisse en 2021 (presque -4 %) alors que la vente directe augmente.
- Certains produits issus des animaux (lait, œufs, charcuterie) connaissent une baisse de consommation plus importante.
- La tendance à la baisse est beaucoup plus marquée en 2022, avec -4,6% de consommation de produits bio et une part de marché qui tombe à 6 %.
La baisse de la consommation de produits issus de l’agriculture biologique a commencé à attirer l’attention des médias dès la fin de l’année 2021 et, plus encore, au début de l’année 2022. Rapportés en particulier par l’AFP, certains chiffres publiés à cette occasion ont pu interpeller. Ils annonçaient une baisse des ventes de 3,1 % en valeur, avec une chute bien plus importante encore pour certains produits alimentaires. Toutefois, les médias qui ont commenté ces premières tendances n’ont pas toujours précisé que les résultats fournis par l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) ne concernaient que la grande distribution, alors même que cette dernière assure seulement la moitié de la vente de produits biologiques en France – contre plus de 70 % de la consommation alimentaire totale.
Après cette première alarme, restait à savoir si la tendance observée dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) était également valable pour le reste de la filière.
Une légère baisse de la consommation bio en 2021
Il aura fallu attendre le mois de juin 2022 pour obtenir une réponse définitive à cette question, avec la publication par l’Agence Bio des données complètes du secteur pour l’année 2021. Ces résultats officiels confirment une baisse des ventes, mais beaucoup plus contenue que celle affichée dans la grande distribution.
En excluant la restauration, le chiffre d’affaires du secteur accuse une perte de 172 millions d’euros par rapport à 2020, soit une baisse de 1,3 %. En prenant en compte la restauration hors domicile, qui continue de croître sous l’effet de la loi Egalim (qui favorise l’intégration des produits bio dans les cantines), cette baisse de chiffre d’affaires est encore inférieure, contenue à seulement 0,5 %.
Un recul de l’ensemble du secteur alimentaire, une année 2020 très particulière
Pour être correctement analysée, cette baisse de la consommation doit également être comparée à celle du secteur de l’alimentation dans son ensemble. Là encore, les chiffres publiés en début d’année par certains médias ont pu laisser croire que les produits bio cédaient le pas face aux produits issus de l’agriculture conventionnelle. Mais les résultats officiels viennent une fois de plus pondérer le propos – voire même, dans le cas présent, l’invalider.
En effet, les chiffres de l’INSEE rapportés par l’Agence Bio montrent que, en 2021, la consommation alimentaire des ménages a connu une baisse de 2,3 %. Subissant une perte moins importante que le reste du secteur, la consommation de produits bio a donc vu sa part de marché légèrement augmenter, passant de 6,57 à 6,63 % des produits alimentaires vendus. Une proportion qui reste faible, donc, mais qui ne baisse pas.
Il faut également prendre en compte le fait que l’année 2020 a été très particulière, puisque marquée par la pandémie de COVID-19 et plusieurs périodes de confinement qui ont fortement influencé les modes d’achat et de de consommation alimentaire. Interrogée par L’Express, Emily Mayer, spécialiste de la consommation, explique par exemple que la pandémie a favorisé la bio car, « durant les premiers confinements, les Français se sont rués vers les produits de base (…) ce qui a mécaniquement boosté le bio, historiquement fort dans ces catégories ». Les ruptures de stock auraient renforcé cette tendance, ainsi que le développement du Drive, qui afficherait lui aussi une proportion plus importante de références bio que les circuits plus classiques de la GMS.
Cette augmentation artificielle de la consommation bio en 2020 pourrait ainsi expliquer le recul constaté en 2021. L’Agence Bio remarque à ce propos que le chiffre d’affaires de la bio a augmenté de près de 8 % entre 2019 et 2021, ce qui reste honorable, même pour un secteur habitué depuis deux décennies à des taux de croissance annuels à deux chiffres.
Les chiffres de la France méritent aussi d’être comparés à ceux des autres pays européens. Mis à part la Finlande et la Suède, qui ont vu les ventes de produits bio stagner en 2021, les chiffres rapportés par l’Agence Bio montrent que tous les autres pays ont connu des taux de croissance encore forts, allant de 3,9 % en Suisse jusqu’à 8,9 % en Espagne. En Allemagne et au Royaume-Uni, où l’année 2020 a été marquée par des records, avec respectivement plus de 22 % et 17 % de croissance des ventes de produits bio, l’année 2021 a renoué avec une progression du marché plus habituelle (5,8 % en Allemagne et 4 % au Royaume-Uni).
Les grandes et moyennes surfaces et les produits issus des animaux tirent à la baisse
Dans le détail, les chiffres de 2021 font apparaître des évolutions très contrastées et riches d’enseignements.
Du côté des distributeurs, la baisse est la plus nette du côté de la grande distribution, puisque les grandes surfaces alimentaires ont vu leur chiffre d’affaires des produits bio baisser de presque 4 % en 2021.
Bien que moins impactés, les magasins spécialisés, qui représentent 27 % de la vente des produits alimentaires bio, ont de leur côté également connu une légère baisse de leurs chiffres d’affaires en 2021. Au contraire, les artisans, les petits commerçants et les producteurs pratiquant la vente directe ont augmenté leurs chiffres d’affaires sur la même période. L’Agence Bio en conclut que la diversité du réseau de distribution a permis une plus grande résilience de la filière.
On notera également que les évolutions de consommation sont très variables selon les types de produits considérés. De manière assez frappante, les chiffres de l’Agence Bio montrent que ce sont souvent les produits issus des animaux qui marquent la plus forte baisse de consommation en 2021 par rapport à 2020. La charcuterie (- 7 %), le lait (- 6 %) ou encore les produits laitiers (- 5 %) arrivent en tête des produits ayant subi les baisses de chiffres d’affaires les plus importantes. Arrivent ensuite les fruits (- 5 %), les œufs (- 4 %), l’épicerie salée (- 4 %), la viande bovine (- 3 %) et la viande porcine (- 3 %). Si on en croit FranceAgriMer, ces tendances sont toutefois assez similaires à celles observées en dehors de la filière biologique.
ZOOM : Davantage de consommateurs qui auraient chacun acheté un peu moins ? Dans sa version publiée en 2022, le baromètre de consommation et perception des produits biologiques montre que la part de Français consommant des produits bio a continué d’augmenter. En 2021, 76 % des personnes interrogées disaient consommer des produits bio au moins une fois par mois, contre 73 % en 2020 (et 40 % en 2011). Le nombre de consommateurs bio a particulièrement augmenté parmi les consommateurs réguliers. Ceux qui consomment bio au moins une fois par semaine représentent aujourd’hui 52 % de la population, contre 47 % en 2020. Parmi eux, ceux qui consomment tous les jours sont également plus nombreux et représentent 15 % de la population totale (contre 13 % en 2020). Ces chiffres suggèrent que la consommation de produits bio continue de se banaliser en 2021. Le léger recul du chiffre d’affaires du secteur pourrait dès lors s’expliquer par un panier bio en moyenne moins important. Autrement dit, il y aurait un peu plus de consommateurs bio en 2022, qui auraient chacun (en moyenne) acheté un peu moins qu’en 2021. |
Une baisse qui semble s’aggraver en 2022
Malgré des titres de presse parfois spectaculaires qui annonçaient au début 2022 la déroute de la bio, la consommation de produits issus de l’agriculture biologique n’a, en réalité, que faiblement baissé en France durant l’année 2021, et sa part dans les dépenses alimentaires a même légèrement augmenté. Ailleurs en Europe, la bio a d’ailleurs continué sa progression.
Pour autant, les tendances constatées en 2021 se sont sans surprise confirmées voire accentuées l’année suivante, dans un contexte inflationniste très marqué.
Les chiffres officiels de la filière concernant l’année 2022 publiés par l’Agence bio en juin 2023 montrent que pour amortir l’inflation, qui s’est élevée à 6,8 % sur les produits alimentaires en 2022, les Français ont d’abord moins consommé : la consommation alimentaire a ainsi baissé de 5,1 % (hors inflation).
Comme on pouvait s’y attendre, les produits Bio ont moins souffert de l’inflation, puisque leur prix n’a augmenté que de 4 % - avec toutefois de gros écarts entre points de vente : +6,7 % en supermarchés contre +2,8 % en magasins spécialisés.
Mais cette inflation plus modérée n’a pas pour autant favorisé l’achat de produits biologiques, puisque la consommation de produits bio a baissé de 4,6 % en 2022.
À l’inverse de 2021, ce sont les magasins spécialisés qui ont le plus souffert de cette baisse en 2022, avec -8,6 %, contre -4,6 % en grande distribution. Tandis que de nombreux magasins spécialisés ont fermé leurs portes (-5,3 % en 2022), les grandes surfaces ont de leur côté réduit le nombre de références bio. Signe des temps, la consommation bio a progressé en vente directe et dans le Hard discount.
Cette année encore, les filières les plus touchées par la baisse de consommation en 2022 sont celles de la viande (-13 %) et celle des fruits (-7 %). Seuls les vins et autres produits alcoolisés se sont maintenus, notamment tirés par les exportations (le vin représentant plus de la moitié de l’exportation des produits bio, en légère hausse en 2022).
Cette baisse globale de la consommation bio se traduit par un recul de la part de la bio dans les dépenses alimentaires : en 2022, la bio ne représentait plus que 6 % des dépenses alimentaires.
Faut-il anticiper des conséquences sur l’offre de produits bio ? L’article suivant sur les « causes probables et conséquences anticipées », montre que les effets sont encore, à ce stade, contrastés.
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Retrouvez les 6 articles du dossier sur la consommation du bio :
- Le budget alimentaire des ménages au prisme des coûts du système alimentaire contemporain
- La bio : entre objectifs ambitieux et part de marché limitée
- Une stagnation de la bio (1/2) ? Décryptage des chiffres et tendances
- Une stagnation de la bio (2/2) ? Causes probables et conséquences anticipées
- Comment soutenir la consommation bio ? Des leviers à portée des collectivités
- Infographie - Agriculture bio ou conventionnelle : laquelle coûte (réellement) plus cher ?