Agriculture régénérative : promesses et limites d’un concept séduisant
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Dans les domaines de la gestion agricole ou forestière, on constate une préoccupation de plus en plus marquée des professionnels à l’égard de la biodiversité. Lorsque les milieux n’ont pas été trop perturbés, une réorientation des pratiques culturales au niveau de la parcelle peut suffire pour favoriser le retour de nombreuses espèces animales et végétales (Bertrand, 2001 ; Gosselin & Paillet, 2010).
Lorsque les milieux ont été davantage perturbés, par exemple suite à des opérations de remembrement, il faut alors parfois accompagner les changements de pratiques par des modifications de l’organisation de l’espace agricole, ce qui demande un travail plus lourd : redessiner les parcelles, traiter les bordures de champs, favoriser les liaisons écologiques, etc. (Bertrand, 2001). On se rapproche alors parfois des techniques utilisées pour les milieux naturels très dégradés, et qui relèvent cette fois de l’ingénierie écologique, comme par exemple la restauration écologique (également appelée écologie de la restauration).
Dans un ouvrage collectif intitulé L’Homme peut-il refaire ce qu’il a défait ?, R. Pontanier, A. M'hiri, N. Akrimi, J. Aronson, et E. Le Floc'h distinguent plusieurs niveaux d’intervention possibles relevant de cette discipline :
Comme on le constate, les objectifs de l’ingénierie écologique peuvent donc s’avérer très divers, selon le degré de dégradation rencontré et les objectifs visés. Elle mobilise également des moyens très différents, allant de l’arrêt d’une activité jugée néfaste jusqu’à la reconstruction d’éléments structurants de l’écosystème (végétalisation, barrages, enrochements, etc.) (Clewell & Aronson, 2010). Enfin, elle pose de nombreuses questions éthiques et philosophiques sur le lien entre l’homme et la nature (Blanc & Lolive, 2009).
La région Rhône-Alpes et plus encore l’agglomération lyonnaise sont constituées d’écosystèmes parfois très fortement marqués par la présence des activités humaines. Certaines de ces zones ont été dégradées et parfois restaurées, réhabilitées ou encore réaffectées.
Comme nous l’avons évoqué, la notion de restauration écologique vise à rendre à un écosystème dégradé sa trajectoire historique. La région Rhône-Alpes connaît plusieurs exemples de restauration écologique, dont le plus célèbre est peut-être celui du Lac d’Annecy. Le développement de l’agriculture et surtout de l’urbanisation autour du lac à partir du 19e siècle ont alors entraîné une forte eutrophisation des eaux. Plusieurs espèces de poisson emblématiques comme l’omble chevalier et le corégone ont vu leur population diminuer au détriment d’espèces plus communes (perches, gardons, brochets, carpes, etc.).
Au début des années 1950, plusieurs communes décidèrent de lancer des travaux de collecte et d’assainissement des eaux usées, accompagnés d’un plan de gestion de la faune piscicole, aboutissant à des résultats spectaculaires dans les années et décennies suivantes – avec notamment un retour en force d’espèces de poisson autrefois menacées.
La réhabilitation écologique vise quant à elle une réparation d’un certain nombre de fonctions écologiques. Un exemple typique de réhabilitation concerne l’Île de la Table Ronde, au sud de l’agglomération lyonnaise. Cette île s’est stabilisée dans sa forme actuelle à la suite de la création du canal, puis de la construction dans les années 1960 du barrage de Pierre-Bénite, qui vont considérablement réduire le débit de la partie du fleuve restée naturelle. « La réduction du fleuve implique un colmatage des lônes, qui ainsi s’assèchent peu à peu : la surface en eau baisse et la végétation diminue. (…)
Progressivement, le site de l’Île de la Table Ronde s’est banalisé, voire dégradé, les milieux humides ont quasiment disparu ». Le site sera classé en ZNIEFF dans les années 1980, puis les abords de l’île seront réaménagés, avant qu’un vaste projet de réhabilitation du fleuve soit initié : « La remise en eau des lônes nécessite au préalable un déboisement, un recreusement et une réouverture des bras sur le fleuve. Vient ensuite la construction d’une petite centrale hydroélectrique accolée au barrage de Pierre-Bénite et mise en service en 2000, qui turbine 90 m3/s supplémentaires, distraits de l’usine déjà existante en amont du barrage. Tout en augmentant le débit réservé, elle participe à la production d’électricité. »
Le projet de réhabilitation s’attache également « à mettre en valeur les berges : plantations d’arbres, sentiers de découverte et explications sur la faune, la flore et les paysages (…). Ces travaux ont bien justement insufflé une nouvelle vie à un espace naturel, qui voit aujourd’hui proliférer des espèces animales et végétales spécifiques aux milieux aquatiques. Grâce à la nouvelle dynamique fluviale, le site est redevenu un milieu humide, le Vieux Rhône a retrouvé un certain débit et la qualité de son eau en a été nettement améliorée » (Maison du Fleuve, 2009).
Enfin, la réaffectation écologique concerne les milieux les plus dégradés, dont la vocation est volontairement réorientée vers d’autres formes d’usage. Là encore la région lyonnaise présente des cas intéressants de réaffectation, comme par exemple les gravières de Miribel-Jonage, qui ont pour partie été transformées en zone humide et en base de loisir (le cas de la réaffectation de Miribel-Jonage est par exemple cité par Lévêque, 2008).
Comme on le constate à travers ces quelques exemples, l’ingénierie écologique propose des formes d’intervention très variées en fonction du niveau de dégradation des écosystèmes. Lorsque celui-ci n’est pas trop avancé, un retour à l’optimum écologique est le plus souvent envisageable en s’appuyant sur les capacités de résilience et de régénération des milieux naturels. Mais une fois que certaines limites sont franchies, il faut alors trouver un nouvel équilibre, parfois très éloigné de celui qui préexistait avant l’intervention humaine. Comme quoi, malgré son ingéniosité, l’Homme ne peut malheureusement pas toujours réparer les dégâts qu’il cause.
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