[Infographie] Rendre la ville perméable, un impératif face au changement climatique
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Il faut rendre la ville plus perméable. Mais comment faire ?
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La conséquence la plus évidente du changement climatique en cours est l’augmentation de la température moyenne dans les basses couches de l’atmosphère. Ce réchauffement est lié à un déséquilibre du bilan radiatif de l’atmosphère, essentiellement consécutif à l’augmentation de sa teneur en gaz à effet de serre (GES) : plus ces gaz sont présents et plus la quantité d’énergie retenue dans l’atmosphère sera, elle aussi, importante. Les climatologues et les spécialistes de l’atmosphère appelle cette augmentation le « forçage radiatif », ou « forçage climatique ».
Dans leurs travaux prospectifs, les spécialistes réunis autour du Giec imaginent plusieurs scénarios représentatifs de concentration de gaz à effet de serre, nommés en anglais « Representative Concentration Pathways » (RCP). Chaque RCP se voit adjoindre un chiffre qui équivaut au forçage radiatif correspondant, à l’horizon 2100, exprimé en Watts par mètre carré. Le RCP 2.6 est donc le scénario qui correspond à un forçage de 2,6 W/m2 en 2100. Il permettrait, dans certaines conditions, de répondre aux engagements de l’Accord de Paris, qui visent à limiter le réchauffement climatique à +2°C en fin de siècle par rapport à la fin du 19ème siècle.
Le RCP4.5 est souvent considéré comme plus conforme avec la réalité des politiques menées, raison pour laquelle il est souvent utilisé comme référence pour les scénarios d’adaptation. Quant au scénario le plus pessimiste (RCP8.5), il ne peut pas être exclu, notamment si des points de bascule climatique venaient à être franchis.
Au niveau mondial, le réchauffement constaté au cours du 20è siècle est déjà proche de 1°C, et même supérieur pour la période la plus récente des années 2010. Le scénario RCP2.6 mènerait à un accroissement de température supplémentaire d’environ 1 à 2°C (donc 2 à 3°C par rapport au 19èsiècle), tandis que le RCP4.5 se traduirait plutôt par un réchauffement moyen de 2 à 3°C (donc 3 à 4°C par rapport au 19è siècle).
Au niveau régional, les écarts peuvent toutefois être conséquents. La France s’est en moyenne réchauffée de 0,8°C au 20è siècle, puis de 1°C sur la période la plus récente (les années 2010 comparées à la période 1985-2005). Soit un réchauffement de 1,8°C depuis le 19è siècle. Le scénario RCP2.6 nous mènerait à un réchauffement supplémentaire d’environ 1°C au 21è siècle, tandis que le RCP4.5 se traduirait par une augmentation de température supplémentaire de plus de 2°C en 2100 – soit près de 4°C depuis le 19è siècle. La partie sud-est et les régions montagneuses, qui se sont déjà davantage réchauffées, devraient subir une augmentation de température plus importante que le reste de la France.
L’augmentation des températures a un premier effet assez mécanique sur le cycle de l’eau à l’échelle mondiale : en se réchauffant, l’atmosphère est davantage capable de contenir de la vapeur d’eau. Mais le bilan en matière de précipitation est contrasté puisque le changement climatique entraîne un accroissement des inégalités territoriales. En Europe, par exemple, les régions du nord, qui sont déjà plus arrosées aujourd’hui, le seront encore davantage demain, tandis que le sud de l’Europe deviendra plus sec.
Située dans une zone intermédiaire, la France ne devrait pas connaître de changements majeurs en termes de volumes annuels de pluie, et ce quels que soient les scénarios. Des écarts sont toutefois attendus entre régions, avec là aussi une possible augmentation des inégalités de précipitations, qui pourraient être un peu plus importantes au nord et plus faibles au sud. Quant aux événements extrêmes, de type tempêtes ou ouragans, il est possible qu’ils soient plus nombreux ou violents en France métropolitaine. Une telle tendance est déjà observée au cours des décennies passées dans certaines régions du sud comme les Cévennes et la basse vallée du Rhône.
Si les volumes annuels de pluie ne seront pas très différents, on s’attend en revanche à ce que les changements soient plus importants en matière de répartition saisonnière. Les modèles prévoient un accroissement des volumes de pluie hivernale, qui pourrait dépasser les 10 % d’ici à 2100. En montagne, ces précipitations hivernales s’opèreront beaucoup moins souvent sous forme de neige, sauf à très haute altitude. Au contraire, les étés devraient être globalement plus secs, là aussi d’environ 10 %.
Enfin, comme le rappelle l’Agence de l’eau, tout autant que les précipitations, l’augmentation de l’évaporation et l’accroissement des sécheresses durant les saisons chaudes pourraient avoir un impact important sur le cycle de l’eau en France métropolitaine.
Du fait de l’augmentation des températures de l’air, l’eau des rivières et des plans d’eau a déjà commencé à se réchauffer, notamment depuis les années 1980, particulièrement en période estivale. Une récente étude de l’Agence de l’eau montre que le Rhône s’est déjà réchauffé depuis les années 1970 de plus de 2°C au nord et 4°C au sud, près de Beaucaire – sous l’effet conjugué du réchauffement climatique et des rejets des centrales nucléaires. Certaines modélisations prévoient une augmentation de température supplémentaire de 2 à 3°C environ d’ici à la fin du siècle.
Le réchauffement des eaux de surface devrait donc s’accentuer, et ce d’autant plus que l’augmentation des températures de l’atmosphère se combine avec une baisse attendue du débit des cours d’eau en période estivale : d’une part parce que les pluies pourraient être un peu plus faibles, mais aussi parce que l’évapotranspiration devrait augmenter et que le régime saisonnier des cours d’eau va évoluer. Du fait d’une baisse de l’influence des glaciers et des stocks de neige accumulés durant l’hiver, mais aussi à cause de précipitations printanières arrivant plus tôt, les pics de crue printaniers seront plus précoces et les débits d’été seront moins forts. Sur le bassin du Rhône, on estime par exemple que les débits d’étiage devraient baisser de 10 à 60 %, selon les cours d’eau et les scénarios de réchauffement.
Depuis 1960, le Rhône a déjà vu son débit d’étiage baisser de 7 % à la sortie du Léman, et de 13 % près de son exutoire. Les projections estiment une baisse de 20 % supplémentaires en Camargue d’ici à 2050. Un phénomène en partie alimenté par l’augmentation prévisible des prélèvements, qui pourraient atteindre 30 % du débit du Rhône en été certaines années, contre 15 % en moyenne aujourd’hui.
Le nombre de cours d’eau intermittents – c’est-à-dire ceux dont le lit n’est pas continuellement occupé par de l’eau circulant à sa surface – va quant à lui augmenter. Il n’y a pas de consensus, en revanche, sur l’évolution des crues et des risques d’inondations.
De nombreux écosystèmes d’eau douce vont souffrir de ces évolutions, avec des conséquences importantes pour la biodiversité. L’augmentation de la température est un facteur défavorable pour de nombreuses espèces, dont on observe déjà une modification des aires de répartition vers l’amont des cours d’eau. L’écoulement plus discontinu de certaines rivières et la fragmentation des écosystèmes humides va également se traduire par une dégradation des écosystèmes qui impactera immanquablement les espèces qu’ils abritent, avec des capacités d’évolution et d’adaptation encore mal connues.
Les eaux souterraines réagissent plus lentement aux changements climatiques. Peu d’effets ont jusqu’à présent pu être démontrés en France au cours des décennies passées, mais plusieurs modélisations laissent penser que les recharges des nappes pourraient être assez fortement impactées dans certaines régions, en particulier les aquifères qui sont alimentés par les précipitations. En effet, l’évolution saisonnière de la pluviométrie ne facilite pas l’infiltration des eaux, pas plus que l’accroissement de l’évaporation attendu. Sur le bassin du Rhône, la Côte d’Azur et la Corse devraient être particulièrement concernées par cette baisse de la recharge des nappes, puisque ces régions cumuleront baisse de pluviométrie et augmentation de l’évaporation.
L’Agence de l’eau précise que le bassin Rhône-Méditerranée-Corse (RMC) s’oriente par exemple vers une diminution quasi généralisée de la recharge en eau souterraine, avec une diminution moyenne de la recharge de -10 à -30 % à l’horizon du début de la seconde moitié du 21è siècle (par rapport à la fin du 20è siècle).
Dans une moindre mesure, la qualité des eaux souterraine pourrait également être impactée par le changement climatique. C’est notamment le cas à proximité des littoraux, où un risque de salinisation des aquifères est souvent anticipé, du fait de l’élévation du niveau de la mer.
Les effets du changement climatique sur le cycle de l’eau sont donc nombreux, et ces interactions auront des effets très hétérogènes selon les régions, les milieux naturels et les activités économiques.
L’agriculture est en première ligne, non seulement parce qu’elle dépend en grande partie des conditions climatiques et hydrologiques, mais aussi parce qu’elle a des effets directs sur le cycle de l’eau. L’adaptation au changement climatique passe ainsi par une évolution des cultures non seulement pour moins dépendre de l’irrigation mais aussi – et c’est moins connu – pour améliorer l’infiltration des eaux dans les sols et donc la recharge des nappes.
L’INRAE montre par exemple que des solutions s’inspirant de l’agroécologie (comme « le paillage des sols, les apports de matières organiques au sol, la limitation du travail du sol, la diversification des cultures, l’agroforesterie et la mise en place de haies, la restauration des zones humides ») permettent souvent d’envisager des solutions gagnant-gagnant, c’est-à-dire consommant moins d’eau tout en permettant une meilleure infiltration de celle-ci dans les sols et les nappes. L’INRAE note à ce propos que, grâce à ces changements de pratiques, « les capacités d’infiltration sont de 2 à 8 fois plus élevées et plus stables dans le temps que sur des sols labourés ».
Les systèmes urbains ne sont pas à l’abri de ces évolutions. Du fait de l’artificialisation des sols et des ilots de chaleur urbain qu’elle génère, les villes sont davantage vulnérables aux changements de température. Pour les mêmes raisons, le cycle de l’eau y est particulièrement perturbé, alors même que la présence de l’eau et des végétaux sont des vecteurs importants de rafraîchissement et d’adaptation au changement climatique. Le Cerema a élaboré une série de fiches pratiques qui montre de quelle manière il est possible de favoriser une gestion intégrée de l’eau en milieu urbain : les maîtres mots en sont l’infiltration des eaux de pluie, la désimperméabilisation, les noues et autres aménagements végétalisés de gestion des eaux pluviales ou encore les toitures végétalisées.
Là encore, s’inspirer de la nature en renforçant le cycle de l’eau semble être l’une des pistes d’adaptation les plus intéressantes.
Pour aller plus loin : L’eau (1/3) : neuf fiches sur les enjeux fondamentaux
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