Prospective du travail 2/7 : Évolution des organisations et de la relation d'emploi
Étude
Entre dynamiques de fragmentation et prise en compte de nouvelles aspirations sociétales, le monde du travail à la recherche de nouveaux repères.
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Étude
Face à la montée des crises sociales, économiques, technologiques et surtout écologiques, comment le travail et son organisation peuvent-ils contribuer à la résilience des territoires ?
Les trois premières tendances regroupées dans cette partie pointent les fragilités de nos modes de vie urbanisés, connectés et hédonistes. Concentrées dans les grandes métropoles, la plupart des entreprises et des administrations peinent à offrir des emplois accessibles et adaptés aux conditions de vie et de logement de leurs salariés (fiche 1). Ces mêmes organisations sont devenues très dépendantes des réseaux de communication liés à internet (fiche 2) et sont ainsi exposées à des risques de pannes, de malveillance ou de restrictions qui pourraient mettre à mal le cœur de leurs activités. Elles entretiennent enfin des rapports avec leurs clients et usagers fondés sur une logique consumériste (fiche 3) qui constitue un formidable stimulant pour innover et améliorer la qualité de leurs offres, mais conduit aussi à privilégier des bénéfices à court terme plutôt que des engagements sociétaux ou écologiques à long terme.
Les deux tendances suivantes montrent comment des crises socio-économiques globales réinterrogent les schémas mentaux et les modèles de développement. La crise sanitaire de 2020 a révélé la pertinence de relocaliser une partie de la production (fiche 4) pour sécuriser le fonctionnement de nos entreprises et services publics, remettant en cause le dogme de l’externalisation et de la recherche des coûts de main d’œuvre les moins chers. Cela conduit, de manière concomitante, à repenser la valeur des métiers en fonction de leur utilité sociale (fiche 5). Au-delà des périodes de turbulence ce questionnement peut amener les organisations à transformer leurs manières de manager et de travailler en fonction de nouvelles priorités ou de nouvelles responsabilités.
Enfin, les quatre dernières tendances, esquissent les conséquences possibles sur les organisations de différents scénarios de ruptures plausibles. On peut ainsi anticiper l’arrivée massive de migrants (fiche 6) qui constitueraient d’abord une situation d’urgence à gérer mais aussi des opportunités ou des difficultés à venir pour les entreprises et collectivités sur le territoire d’accueil. Les dérèglements du climat vont entraîner des périodes de canicules plus intenses et plus longues (fiche 7) qui auront un impact direct sur les conditions de travail. Par ailleurs, on devrait subir de plus en plus fréquemment les effets de catastrophes systémiques (fiche 8) qui combinent phénomènes naturels, crises économiques et mouvements sociaux pour constituer le nouveau contexte dans lequel les organisations devront apprendre à fonctionner. Et enfin, la baisse déjà enclenchée des capacités de production d’une énergie performante et bon marché (fiche 9) pourrait avoir un effet majeur sur la production économique si des technologies alternatives ne sont pas rapidement développées. Sans un tel découplage entre la production et la consommation énergétique, la dynamique de croissance sur laquelle notre économie repose risque d’être mise à mal et l’automatisation de nombreux pans d’activité devra être remplacée par de nouvelles formes de travail humain.
D’abord, on peut souhaiter prendre soin des agents publics qui sont les plus exposés ou les plus fragiles face aux risques évoqués précédemment (stress thermique, catastrophes, pression des usagers, pannes technologiques, etc.) par leur métier ou par leur environnement de travail. Mais ce n’est pas si simple : Comment traiter de manière juste et équitable les agents qui subissent une crise ou un stress ? Faut-il le faire en fonction de leur fragilité initiale, de leur importance dans l’organisation, de leur situation personnelle, etc. ? Et puis, en termes d’allocation de moyens, faut-il se tenir prêt à gérer chaque situation au cas par cas quand le problème survient ? Peut-on anticiper et chercher à améliorer la résilience de chacun ? Ou faut-il plutôt mettre en place des filets de sécurité collectifs pour protéger ceux qui seront fragilisés, qui qu’ils soient ?
Ces tendances et ces risques pointent aussi des enjeux de modèle organisationnel. Face à risques systémiques (descente énergétique, défaillances d’internet, etc.) ou des crises sévères mais ponctuelles (pandémies, catastrophes naturelles récurrentes, etc.), les collectivités doivent à la fois assurer la continuité et la qualité des services publics tout en disposant de moyens plus restreints. Face à cette tension, une collectivité peut-elle se permettre d’investir dans des stocks, des redondances organisationnelles, ou des plans de gestion des risques alors même qu’on lui demande chaque année d’être gérée au plus juste, d’optimiser ses investissements et ses dépenses de fonctionnement en ciblant des dépenses qui ont un impact rapide ?
Comment trouver le bon équilibre entre une gestion efficiente, maîtrisée et pilotée de manière centralisée, et une certaine souplesse dans la manière de travailler ou des fonctionnements décentralisés qui permettent de répondre à des événements imprévisibles et d’improviser parfois des solutions hors-normes ? Comment se doter d’une stratégie d’innovation pour faire progresser les services publics tout en restant sobres dans l’utilisation des ressources (énergétiques, financières et techniques) ? L’innovation low-tech ou frugale peut-elle devenir une réalité dans le monde des organisations publiques ou restera- t-elle l’apanage de quelques geeks ou d’ONG militantes dans les pays en développement ?
Face à une monde plus chaud, sujet à des catastrophes naturelles, une pression migratoire accrue, des pannes technologiques ou énergétiques, etc. la collectivité ne devrait-elle montrer l’exemple par son organisation et le travail de ses agents afin d’infléchir le comportement des habitants et la trajectoire des entreprises de son territoire ? À l’inverse, si elle subit de plein fouet des crises ou des restrictions, ne serait-il pas plus raisonnable pour la collectivité de revoir à la baisse le niveau d’ambition de ses politiques et de ses services, malgré la pression consumériste des citoyens habitants ? Dans tous les cas, ne faudrait-il pas penser de manière conjointe et cohérente l’adaptation des politiques publiques et l’adaptation du management et des ressources humaines ?
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