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La circularité, cet accélérateur de réduction des émissions de gaz à effet de serre

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Extrait de la couverture du rapport

Article

Entreprise à but non lucratif basée à Amsterdam, Circle Economy publie chaque année depuis 2018 le « Circularity Gap Report ». S’inspirant du « Emissions Gap Report » publié par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, il vise à évaluer le degré de circularité de l’économie mondiale et identifier les principaux leviers permettant de l’amplifier.

Publié en janvier dernier, le « Circularity Gap Report 2021 » éclaire le lien entre politiques en faveur de l’économie circulaire et politiques de la lutte contre le changement climatique. Les deux domaines sont en effet intimement liés, la réduction de la consommation de ressources constituant un levier majeur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

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Date : 09/03/2021

Si le Circularity Gap Report est devenu une publication de référence pour de nombreux acteurs publics et économiques, il le doit à son indicateur phare : la part des matières recyclées (ou secondaires) dans l’ensemble des matières entrant dans l’économie mondiale. De ce point de vue, les marges de progrès paraissent encore considérables, puisque le rapport de 2018 montrait que seuls 9,1% des 92,8 milliards de tonnes de ressources (combustibles fossiles, métaux, minéraux non métalliques, biomasse) consommées étaient issus du recyclage de matières en fin d’usage (voir schéma ci-dessous).

Malheureusement, la situation ne semble pas s’améliorer, puisque le taux de circularité aurait légèrement reculé (8,6%) selon le rapport de 2020. Face à ce constat, le Circularity Gap Report 2021 invite à accélérer la transition vers l’économie circulaire en démontrant sa contribution possible à l’objectif d’atténuation du changement climatique pour maintenir les températures moyennes en dessous de 2°C.

 

© Circularity Gap Report, Circle Economy

 

Exploitation des ressources et émissions de gaz à effet de serre : le cercle vicieux

 

Le premier intérêt du rapport est de permettre une analyse croisée des flux mondiaux d’extraction de ressources (empreinte matières) et d’émissions de gaz à effet de serre (empreinte GES) induits par la satisfaction des « besoins sociétaux », besoins classés en six catégories : mobilité, logement, communication, santé, services (éducation, services publics, commerce, activités bancaires, assurance, etc.) et consommables (vêtements, électroménager, produits chimiques, etc.).

L’étude analyse l’ensemble des chaînes de production/consommation reliant les ressources extraites dans l’environnement (énergies fossiles, minéraux non métalliques, métaux, biomasse) aux besoins à satisfaire, en passant les différentes étapes de transformation et d’usage.

Le rapport permet ainsi de visualiser comment se distribuent l’empreinte matières et l’empreinte GES :

  • En amont : Comment se répartit l’empreinte matières par type de ressources extraites (minéraux de construction, métaux, combustibles fossiles, biomasse) et quelle empreinte GES est générée par les chaines de production/consommation dans lesquelles s’insèrent chacune de ces ressources ?
  • En aval : Quelle est l’empreinte matières et l’empreinte GES induites par chaque besoin sociétal ?

 

© Circularity Gap Report, Circle Economy

 

Si les combustibles fossiles ne représentent qu’une part modeste de l’extraction mondiale (15%), leur usage tout au long des chaînes de production/consommation est en revanche responsable de près des 2/3 des émissions mondiales : le pétrole alimente une grande partie des transports mondiaux, tandis que le charbon et le gaz naturel contribuent aux productions d’électricité et de chaleur, ainsi qu’aux processus industriels.

La deuxième source d'émissions (27%) est la production de biomasse par les activités agricoles et forestières, qui fournissent des produits alimentaires, du bois d’œuvre et du bois de chauffage, ainsi que des fibres pour l'industrie textile. La biomasse représente une part similaire (25%) de l’extraction mondiale de ressources.

Alors que les minéraux non métalliques représentent de loin la plus grande part de l’extraction mondiale (51%), leurs chaînes de production/consommation ne contribue que de manière limitée aux émissions de GES (2,8%). Bien que stratégique pour l’économie moderne, les métaux représentent qu’une part secondaire de l’empreinte matières. De même, les chaînes de valeur liées aux minerais métalliques ont la plus faible contribution aux émissions de GES.

 

La répartition des impacts selon les besoins à satisfaire (societal needs) montre quant à elle que :

Trois catégories de besoins – logement, mobilité, alimentation – impliquent à eux seuls près de 70% de l’extraction mondiale de ressources (empreinte matières) et des émissions de gaz à effet de serre (empreinte GES).

  • Le logement génère 39% de l’empreinte matières et 23% de l’empreinte carbone. Cet impact massif renvoie aux activités d'extraction, de transport et de construction qu’il induit, impliquant notamment une utilisation abondante de matériaux à forte intensité de carbone tels que le ciment et l'acier. De plus, l'énergie utilisée pour éclairer, chauffer et refroidir les habitations entraine de fortes émissions directes de GES.
  • L’alimentation représente 21% de l’extraction mondiale de ressources et 17% des émissions de GES. Ceci reflète l’importance du besoin alimentaires, la place des productions animale et les pressions exercées par l’agriculture sur la capacité de captation de GES par les sols (dégradation) et la forêt (déforestation).
  • La mobilité apparaît comme le besoin le plus intense en GES (29% des émissions mondiales) et représente 9% de l’empreinte matières. Cela résulte principalement de l’usage de combustibles fossiles dans le transport de passagers et de marchandises, tandis que la production d'automobiles, de camions, de trains et d'avions contribue de manière limitée aux émissions.

 

Accélérer la circularité de l’économie pour atteindre la neutralité carbone en 2044

 

L’étude présente également un scénario prospectif aboutissant à une réduction simultanée de 28% de l’extraction de ressources et de 39% des émissions de GES d’ici 2032. S’ajoutant aux engagements pris par chaque pays dans le cadre de l’accord de Paris (les fameux « Contributions déterminées au niveau national »), cette réduction des émissions permettrait selon le Circularity Gap Report d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2044, et de limiter ainsi le réchauffement climatique à +1,75°C.

Toujours selon le rapport, réduire l’extraction mondiale de ressources, et en particulier des ressources intenses en GES, apparaît comme le chemin le plus rapide pour réduire les émissions de GES tout au long de la chaîne de valeur.

Ce scénario prospectif s’appuie sur série de mesures. Voici celles concernant les trois familles de besoin à fort impact environnemental :

Logement : Les préconisations vont dans le sens d’une limitation des constructions en réajustant les besoins, en favorisant la multifonctionnalité des bâtiments, en donnant la priorité à l’allongement de la durée de vie du parc existant (rénovation vs démolition) et en optimisant l’usage des bâtiments aujourd’hui sous-utilisés et désaffectés. Autre élément notable, les objectifs de performances environnementales des bâtiments doivent concerner non seulement la réduction des consommations énergétiques au m², mais également la substitution de matériaux de construction vierges et intense en GES (béton, ciment, etc.) par des matériaux biosourcés ou issus du recyclage.

À cet égard, le rapport vise à ce que l’ensemble des déchets de construction et de démolition soient valorisés à travers les filières de recyclage (mine urbaine) et que l’expansion du parc résidentiel soit plafonnée en fonction des matériaux recyclés disponibles. Autrement dit, les constructions nouvelles seraient désormais assujetties à la disponibilité des matériaux secondaires. Cela implique de développer l’écoconception des nouveaux bâtiments, afin de favoriser des modes de construction modulaires et hors site permettant une meilleure efficacité des ressources. Il s’agit également d’anticiper la déconstruction des bâtiments, en vue d’optimiser la récupération de leurs matériaux, le bâtiment étant alors considéré comme une banque de matériaux pour le futur.

 

 

Alimentation : Face aux flux massifs de ressources et d’émission de GES liés à l’alimentation, le Circularité Gap Report pose plusieurs principes : limitation du besoin alimentaire à satisfaire en termes de ration calorique (plafond de 3000 kcal par personne et par jour) et de protéines animales ; optimisation de l’usage de la production alimentaire disponible à travers une réduction du gaspillage ; abandon des aliments à faible valeur nutritionnelle riches en sucre et en sel ; augmentation de la part des aliments non transformés, de proximité et de saison ; élimination des intrants chimiques pour l’agriculture ; recherche de synergies entre élevage et cultures permettant de recycler les déjections animales en fertilisant et les résidus de cultures en fourrage ; réduction de 55% des emballages dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire.

Mobilité : La priorité est accordée à la réduction des déplacements à travers notamment le développement du télétravail et des centres de coworking à proximité du domicile, l'optimisation de la logistique de la chaîne d'approvisionnement et la réduction des flux de marchandises, permise par exemple par la reterritorialisation de l’alimentation.

Le rapport met également l’accent sur l’amélioration de la conception des véhicules à travers la réduction de leur poids et de leur taille, permettant une diminution des besoins d'acier et d'aluminium, ainsi que de la consommation de carburant, l’optimisation de l’utilisation du parc de véhicules à travers le développement de l’autopartage et du covoiturage, l'optimisation du recyclage des véhicules en fin de vie.

Le rapport indique néanmoins que la combinaison des différentes mesures n’aboutirait pas nécessairement à une addition de leurs bénéfices respectifs, mais parfois au contraire à leur minimisation : par exemple, l’impact de l’allègement des véhicules peut être fortement nuancé par l’évolution de la taille du parc automobile mondial, dont l’impact peut être à son tour infléchit selon les pratiques collaboratives (covoiturage, autopartage). Autre exemple, la réduction des besoins de construction et l’allongement de la durée de vie du parc bâti existant peuvent réduire les flux de déchets disponibles pour être valorisées dans le cadre de filières de matériaux secondaires.

Enfin, selon le Circularity Gap Report, les pays riches ont une responsabilité centrale dans la transition vers une économie circulaire à faible émission de carbone au regard de leur poids historique et actuel dans l’extraction de ressources et les émissions de GES. Les mesures présentées plus haut s’adressent ainsi tout particulièrement à eux.

Dans cette perspective, les collectivités territoriales peuvent jouer un véritable rôle moteur !

 

○ Retrouvez ICI l'intégralité du dossier Économie circulaire : au-delà du recyclage, comment transformer l’économie ?