Abécédaire de l’alimentation du futur
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Les mots-clefs d’un avenir proche, bientôt servi dans nos assiettes !
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Aquaculture : Si l’aquaculture est multimillénaire, elle est amenée à se développer de façon drastique dans les décennies à venir. En cause : la surexploitation des réserves halieutiques sauvages (les ressources de la mer exploitées par l’homme), à tel point que l’OCDE projette à 2024 l’année où le poisson d’élevage surpassera le poisson sauvage en volume de capture. Par ailleurs, avec plus de 9 milliards de bouches à nourrir d’ici 2050, les apports en protéines animales devront nécessairement passer par une consommation accrue de poissons, mollusques ou crustacés. L’aquaculture connaît donc actuellement une révolution, avec une augmentation non négligeable de fermes aquacoles offshores, et un ratio espace occupé/quantité produite en constante augmentation.
Algues : Consommées essentiellement dans la région Asie-Pacifique, les algues seront probablement l’un des « super aliments » du futur. Écologiques (les algues ont le même rôle de photosynthèse que les plantes terrestres), efficaces (elles poussent jusqu’à 10 fois plus vite que leurs cousines continentales et sont faciles à cultiver), saines et polyvalentes (alimentation, carburant, matières plastiques, etc.), les algues sont de plus en plus demandées à travers le globe. Surtout, le réchauffement actuel des océans fait que la plupart des zones côtières sont désormais propices à l’algoculture.
Champignons : En tant que règne vivant à part - puisque ni végétal ni animal - les champignons sont pourtant plus proches de la viande que du légume. Riches en protéines, minéraux et fibres, pauvres en lipides, les champignons sont d’ores et déjà un super aliment. Et la tendance pourrait s’accélérer, puisque les scientifiques se réintéressent au monde des fungi et continuent de leur découvrir de nouvelles propriétés. Ainsi, des altérations dans la composition des composts sur lesquels poussent les champignons pourraient en modifier le goût et les aspects nutritionnels. De la même manière, les chercheurs se sont rendus compte que les champignons étaient capables de produire de la vitamine D, et qu’ils pourraient devenir une source non animale de la précieuse molécule, que l’on trouve aujourd’hui essentiellement dans les matières grasses et les poissons bleus.
CRISPR : En éditant des portions de génome avec précision grâce à la protéine Cas9 et des séquences d’ARN présélectionnées, CRISPR peut forcer certains traits génétiques d’un végétal. On peut ainsi créer du café naturellement décaféiné, des plants de riz produisant jusqu’à 30% de grains en plus, des champignons qui ne noircissent pas ou encore des tomates à la saveur plus intense. À chaque fois, les traits génétiques de la production de caféine, de la croissance de la plante, de l’oxydation et des agents de goût sont ciblés, édités et permettent ces nouvelles variétés végétales. Comme dans le cas des OGM, cette technologie posera sans doute des questions au fur et à mesure de son développement, dont le débat public devra s’emparer avec discernement.
Data : Les données sont déjà omniprésentes dans notre vie quotidienne. Mais, paradoxalement, l’industrie agroalimentaire et le monde de l’alimentation en général ne s’en sont préoccupés jusqu’ici qu’à des fins commerciales. Cependant, avec la multiplication des wearables (appareils connectés) capables de monitorer la santé de leurs usagers, il n’est pas difficile d’imaginer un futur proche où des services « haut-de-gamme » de livraison de nourriture personnalisée, programmés en fonction des préférences des clients, ainsi que de leur état de santé. Évidemment, cela pose des questions d’ordre légal et éthique autour de l’utilisation de bio-données, comme c’est déjà le cas aujourd’hui avec les services de tests génétiques comme 23andMe.
Décryptage moléculaire : Notre connaissance de la composition des aliments devient de plus en plus précise, à tel point que nous les comprenons à présent au niveau moléculaire. Aujourd’hui, des entreprises comme Clara Foods peuvent créer de la protéine de blanc d’œuf (l’ovalbumine) sans œuf. Cela signifie que l’on peut désormais déconstruire la nourriture jusqu’à ses plus petits éléments, et la rassembler pour créer de nouvelles textures, de nouveaux goûts et des aliments plus riches et/ou sains.
Durabilité : Quelle agriculture pour le futur ? Sachant que le secteur primaire est responsable de près de 25% des émissions de gaz à effet de serre, que les campagnes se dépeuplent et que la population mondiale est en augmentation constante, comment faire pour nourrir le monde et préserver une planète déjà mal en point ? Outre différents exemples exposés dans ce glossaire, la question de l’aménagement et de la logistique est également essentielle. Fermes urbaines verticales, jardins partagés, création de friches, aménagements comestibles… sont autant de propositions qui pourraient être accélérées pour assurer une forme d’autonomie alimentaire aux villes et réduire les effets néfastes de l’agriculture intensive.
Emballages biodégradables/consommables : Près de 150 millions de tonnes d’emballages plastiques sont produits chaque année. Cette surproduction a évidemment un impact sur notre environnement, le plastique mettant entre 100 et 1 000 ans à se décomposer dans la nature et la production actuelle de plastique dépendant toujours essentiellement de la pétrochimie. Pour ces raisons, plusieurs entreprises comme Notpla travaillent aujourd’hui à la création de bio-plastiques, à partir de fibres de maïs ou d’algues, se dégradant en quelques semaines. D’autres comme Bakeys ou Biotrem vont même plus loin en proposant des emballages et de la vaisselle comestible, fabriquée à partir de blé ou de millet.
Fruit miracle : Synsepalum dulcifcum est un arbuste originaire d’Afrique de l’Ouest, lointain cousin du karité, et pourrait changer la façon dont nous appréhendons le goût. En effet, si manger une baie de cette plante n’a rien de formidable en tant que tel, si on la consomme en conjonction d’aliments acides ou amers, la perception d’âpreté désagréable disparaît, laissant place à un goût doux proche du sucré. En cause, la miraculine, une protéine produite par ce fruit, qui inhibe une partie des capteurs des goûts acides et amers. Au-delà des possibilités culinaires qu’il ouvre, le « fruit miracle » intéresse la recherche pharmacologique, qui y voit un moyen d’atténuer les perceptions désagréables liées à l’ingestion de certains médicaments.
Gras : Le gras est de retour ! Si le XXe siècle a été celui de la chasse au gras et de la multiplication des régimes, le XXIe siècle pourrait être celui de sa réhabilitation. En tant que vecteur de goût, le gras a une part importante du plaisir de passer à table. Mais ce gras du futur sera également respectueux de l’environnement et sans cruauté. Il sera donc végétal. On connaît évidemment les huiles, mais ici, l’objectif est de reproduire les propriétés d’un gras animal à partir de plantes. Des startups comme 77 Foods ou Melt&Marble travaillent actuellement à la création de bacon végétarien, qui frit comme le bacon de porc ou de graisses qui pourront marbrer des pièces de viande végétale.
Identités : À l’heure où la planète gastronomique est de plus en plus petite, avec des chefs voyageurs qui n’ont pas peur de s’installer à l’étranger, un constat reste : nous prenons le risque d’une uniformisation des goûts. Pas étonnant quand on sait que les écoles de cuisine du monde entier calquent dans leur immense majorité le modèle français à la Escoffier. En sortent des cuisiniers formatés qui créent la cuisine internationale d’aujourd’hui. Ce constat est appuyé par les travaux de différents anthropologues de l’alimentation comme Steffan Igor Ayora-Diaz. Heureusement, de plus en plus de personnes sortent de ce moule et, même si elles ont une formation classique, mettent leurs identités propres dans l’assiette. Ces identités peuvent être liées à une origine culturelle (reproduire la cuisine avec laquelle on a grandi), sexuelles (bars et restaurants LGBTQI+), sociales… et contribuent à la diversification des scènes gastronomiques locales et internationales.
Impression 3D : Si l’impression 3D a révolutionné les fablabs et ateliers de quartier, elle doit encore trouver ses marques dans le monde de l’alimentation. Cependant, avec l’affinement des imprimantes et la variété toujours plus importante des matériaux alimentaires qu’elles peuvent manipuler, il est probable que cet outillage intègre de plus en plus de cuisines professionnelles. L’impression 3D alimentaire ouvre de nouveaux horizons gastronomiques : changement de textures, compositions d’assiettes plus complexes, esthétique… Ce dernier point pourrait être le plus révolutionnaire, dans la mesure où, comme le veut l’adage, on mange d’abord avec ses yeux. Si l’on présente un aliment qui a priori dégoûterait un client - des légumes abîmés, ou des insectes, par exemple - l’impression 3D, parce qu’elle transforme la forme de la nourriture pour la rendre plus attractive, peut réduire le gaspillage alimentaire.
Insectes : Consommés depuis la nuit des temps partout dans le monde (à l’exception de l’Europe), les insectes pourraient être la protéine animale d’élevage de demain. Ce sont d’abord des bombes nutritives, riches en protéines, minéraux, vitamines, acides gras essentiels, fibres… tout en restant faibles en lipides. Les insectes ont également un ratio espace occupé/quantité produite imbattable, demandant à volume équivalent 50 fois moins d’eau que l’élevage bovin, et dégageant 100 fois moins de CO2. En France, Agronutis est pionnier dans ce secteur de l’entomoculture, et a fait des émules comme Jimini’s ou NextAlim.
Jachère : Technique ancestrale - on se souvient du fameux assolement triennal de nos cours d’histoire médiévale durant le secondaire - la jachère a de nouveau le vent en poupe. La Politique Agricole Commune par exemple impose aux agriculteurs la mise au repos d’une partie de leurs terres pour être éco-éligibles. En laissant par exemple la terre se régénérer du printemps à l’été, avant de nouvelles semences en automne, tout en favorisant la décomposition de matière organique par le biais de labours successifs, le cultivateur intègre ses pratiques au rythme des saisons, évitant ainsi un trop grand recours aux intrants chimiques. Aujourd’hui, cette pratique s’accompagne également d’une réflexion sur l’exploitation des sols et leur appauvrissement et l’utilisation de l’eau dans une région où les tensions autour des ressources hydrologiques escaladent.
Labels : La multiplication des labels à laquelle on assiste depuis une dizaine d’années ne devrait pas ralentir, car le produit sain, respectueux de la planète et non allergène est devenu un argument marketing aussi important que le goût ou les conditions de production. Le consommateur aura tendance à se tourner davantage vers un produit vu comme positif (pour son corps comme pour l’environnement), quitte à le payer un peu plus cher. Aussi, comment s’y retrouver dans cette forêt grandissante de sigles et de logos ? Si le nutriscore ou la notation d’applications comme Yuka peuvent être des indicateurs, il reste un flou sur les acteurs à l’origine de tel ou tel label, ou le contenu du cahier des charges permettant d’apposer tel logo sur une étiquette.
Permaculture : Plus qu’une technique agricole que l’on associe encore trop souvent à l’agroécologie, la permaculture se veut en tant que système global permettant la vie en harmonie des sols, de la nature et des humains. On pense par exemple à la technique des trois sœurs qui existe depuis des siècles en Amérique du Nord et Centrale, et qui consiste à faire pousser conjointement le maïs, le haricot grimpant (qui se servira du maïs comme tuteur et enrichira le sol en azote) et la courge (dont les feuilles vont protéger le sol et retenir l’humidité). Et au-delà de ces simples aspects agricoles, les principes de la permaculture, telle que définie par David Holmgren, un de ses principaux théoriciens, peuvent s’appliquer à tous les champs de la vie : recherche d’équité, durabilité, autosuffisance, coopération…
Robotisation : En France, le milieu de l’hôtellerie-restauration a perdu plus de 230 000 employés durant la crise du Covid. C’est l’une des raisons pour lesquelles les restaurateurs regardent de plus en plus vers l’automatisation. La chaîne de fast food White Castle a ainsi mis en place dans une dizaine de ses restaurants Flippy, un robot-commis, capable de frire ou de faire griller des steaks en lieu et place d’êtres humains. Côté salle, cela fait plusieurs années que des robots remplacent les serveurs humains, notamment au Japon. Pour l’heure, cette robotisation est présentée comme une opportunité pour les personnels humains qui pourraient être mieux payés et effectuer des tâches plus enrichissantes.
Substituts végétaux : Si l’être humain cherche des alternatives à la viande animale depuis la nuit des temps, le phénomène s’est accéléré lors des deux dernières décennies avec la multiplication de régimes alimentaires sans produits animaliers. Si l’on ajoute à cela l’urgence climatique, la nécessité de baser notre alimentation sur les plantes est plus qu’urgente. En plus des alternatives à la viande qui existent depuis des siècles, de nombreuses alternatives - parmi lesquelles Beyond Meat et Impossible Foods sont probablement les plus connues - ont émergé. En recréant des produits d’origine animale (steaks qui “saignent”, fromages qui fondent…) pourtant intégralement préparés à partir de plantes, ces entreprises lèvent une barrière qui pouvait freiner de nombreuses personnes à passer le cap du végétarisme. Dans des pays comme la Chine ou l’Inde, où la consommation de viande est vue comme un symbole social, ces reproductions végétales plus vraies que nature pourraient avoir un impact non négligeable sur la planète.
Viande in vitro : Sujet de discussion depuis une quinzaine d’années, la culture de viande de synthèse à partir de cellules souches a appuyé sur l’accélérateur. Sans cruauté, sans dégagement de méthane, sans antibiotique, cette viande propre de science-fiction est une réalité grâce à des entreprises comme Mosa Meat ou Finless Foods. En décembre 2020, Singapour est devenu le premier État à autoriser la vente au grand public de viande de synthèse. Cette première n’est pas une surprise : avec seulement 1% de terres agricoles, la cité-État se mobilise depuis une vingtaine d’années pour assurer sa sécurité alimentaire, déjà habituée aux fermes urbaines verticales. La viande in vitro y a donc toute sa place. De façon plus large, la multiplication des bioréacteurs sur la planète devrait démocratiser la consommation de viande in vitro dans les décennies à venir.
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De l’Antiquité à nos jours, de la mythologie jusqu’à la pop culture, comment ont évolué nos représentations symboliques de celui ou celle qui travaille la terre ?
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Une infographie pour mieux comprendre les enjeux et différents niveaux de la stratégie de la Métropole de Lyon.
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Alors que le réchauffement climatique se fait de plus en plus sentir, quelle est la part de responsabilité de notre système agroalimentaire ?
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En 2005, l’urbaniste et sociologue F. Ascher imaginait le mangeur d’aujourd’hui. Retour face à ce miroir déformant, qui en dit beaucoup sur le chemin parcouru depuis.
Interview de Jérémy Camus
Vice-président du Grand Lyon chargé de l’Alimentation
Interview de Lilian Vargas
Chef du Service agriculture, forêt, biodiversité, montagne au sein de Grenoble-Alpes Métropole
Interview de Jacques Mathé
Économiste
Interview de Michel H. Shuman
Expert du développement économique local
Interview de Jean-Louis Rastoin
Ingénieur agronome
Interview de Carole Chazoule
Sociologue à l'ISARA
Interview de Baudoin Niogret
Co-fondateur de Via Terroirs
Texte de Béatrice MAURINES et Lilian PELLEGRINO
Quelle agriculture en ville demain ?