Le potentiel des applications où l’IA peut s’intégrer est quasi sans limites. Mais en amont, la question est « pourquoi introduire l’IA dans nos métiers ? ». Pour répondre à cette question, je dirais qu’il y a deux grands domaines d’applications : le visible par le client, et l’invisible.
Sur le domaine « visible », l’objectif est d’abord de répondre à la demande de service de l’assuré sur la base de ce qu’il voit ailleurs, le chatbot par exemple. Les grandes compagnies (AXA, ALLIANZ…) lancent des chantiers importants dans cette direction : expérience client, captation du besoin dès qu’il émerge, parcours de consommation. Le cap général consiste à faire évoluer l’offre vers un mix « services x couverture de risques ». Grâce à leur appréhension des risques en continu, les assureurs peuvent par exemple fournir des informations adaptées aux assurés pour optimiser la gestion de leur habitation, de leurs trajets, de leurs récoltes (pour les agriculteurs), ou bien les inciter à suivre tel ou tel programme de prévention en fonction de risques détectés sur leur état de santé. J’insiste sur cette notion de prévention car elle offre des perspectives de personnalisation utile, sans remettre en cause l’impossibilité d’individualiser les tarifs en matière de santé et tout en respectant les nombreuses réglementations (secret médical, RGPD…).
Dans le domaine « invisible », l’enjeu est clairement d’ « automatiser » des tâches nouvelles dans un souci de productivité et de fiabilisation. Trois raisons majeures ont créé de nouveaux possibles :
- Les capacités informatiques augmentent sans cesse…et la fameuse loi de Moore ne se dément pas ;
- Des avancées immenses ont été faites depuis les années 70-80 dans le domaine des algorithmes d’apprentissage ;
- Enfin, d’énormes quantités de données exploitables, accessibles même en open-data, sont désormais disponibles. Ne dit-on pas que près de 90% des données mondiales ont été produites dans les seules deux dernières années ?
Je peux citer quelques exemples de ce domaine « invisible ». Par exemple, l’IA participe à la détection de la fraude, soit à la souscription, soit à la déclaration de sinistres. Elle peut même déceler des comportements anormaux de la part des réseaux de distribution. « Detect », l’un de nos logiciels, fonctionne déjà sur ce thème. Au passage, cela me permet de commenter la complémentarité qui doit exister entre les hommes de métier et les data scientists : ce sont les premiers qui connaissent les biais qui peuvent fausser l’équilibre d’un contrat et identifient les types d’informations à collecter, mais ce sont les seconds qui vont construire les algorithmes.
L’IA a aussi un rôle majeur à jouer dans la gestion financière des compagnies, comme c’est le cas depuis quelques années dans le monde bancaire (scores de crédits, surveillance des risques de marché…).
Deux autres exemples illustratifs : la recherche de bénéficiaires pour les contrats en déshérence, et l’étude des comportements de rachat des produits d’épargne de type « assurance-vie ». L’analyse des « moments de vie » présente pour les compagnies un double enjeu : prévoir les sorties de trésorerie et proposer d’autres contrats (« multi-équiper » les assurés dans le vocabulaire du métier). Dans ce domaine, qui a été analysé par des bataillons d’actuaires, le constat est qu’il n’y a pas forcément de comportement statistique rationnel des assurés : la connaissance individuelle est la clé pour mieux cerner la probabilité des rachats importants.