RECLAIMING PERSONAL DATA
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Lyon Metropole commits and experiments.
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Interview de Timothée DAVID
<< La donnée est la plus petite brique constitutive de la ville intelligente >>.
Timothée David travaille à la stratégie « ville intelligente » du Grand Lyon.
Comment s’articulent l’open data et la stratégie « ville intelligente » du Grand Lyon ?
L’ouverture des données publiques est un projet qui trouve pleinement sa place dans la stratégie « ville intelligente » comme première pierre à la construction d’un réseau virtuel lié aux informations (ou infostructure). De même que la construction d’un réseau de fibres optiques par exemple, l’ouverture des données publiques rend possible des développement de nouveaux projets en donnant accès à une source d’informations nouvelles qui, croisées avec d’autres, peuvent restituer des services innovants. En effet, ces données sont mises à disposition (gratuitement pour certaines, sous convention pour d’autres) afin que les citoyens (entrepreneurs ou usagers), les entreprises et les communes de l’agglomération s’en saisissent. En tant que condition de l’innovation, c’est un projet constitutif de la ville intelligente.
Vous avez une vision transversale des services du Grand Lyon ; qui produit de la donnée ?
L’ensemble des services du Grand Lyon génère et gère en permanence (et avec un historique important) de la donnée. Il existe une cartographie de l’ensemble des couches de données produites par les services et nous nous rendons compte à quel point c’est une richesse. Or, la plupart du temps, les services n’ont pas conscience de la valeur de cette donnée. A leur décharge, ce n’est pas toujours évident. Dans la ville intelligente, une donnée en tant que telle n’a pas forcément de valeur, mais lorsqu’elle est croisée avec une autre, complétée avec une autre, elle peut apporter un nouveau regard ou donner une nouvelle information. Un service en silo, qui gère une donnée propreté par exemple, n’a pas conscience que cette donnée, jumelée à une donnée géographique ou à une donnée mobilité peut ouvrir d’importantes possibilités au citoyen ou à une entreprise pour développer autre chose.
Pour l’instant ces « possibilités » n’ont pas donné lieu à des réalisations très probantes sur un plan économique…
On voit bien que dans les départements ou les villes qui ont mis à disposition des données de manière assez large, comme à Rennes ou en Saône et Loire, sans animation, il ne s’est pas passé grand’ chose.
La donnée la plus téléchargée sur Paris, c’est la cote des prénoms. En Saône-Et-Loire, ce sont les cartes postales ! La mise à disposition de données n’est donc pas une fin en soi. Si l’on escompte vraiment des retombées, notamment économiques comme c’est le cas à Lyon, cela nécessite une animation et surtout et avant toute chose, une évaluation des risques liés à la maîtrise de nos politiques publiques. On ne peut pas se permettre qu’une donnée relative à la mobilité soit saisie par un opérateur privé qui a vocation à faire entrer plus de voitures dans des zones où l’ont souhaite réduire l’usage des véhicules.
Ces précautions expliquent-elles le fait que le Grand Lyon n’ait pas encore procédé à l’ouverture de ses données publiques ?
Dans la dynamique d’ouverture des données du Grand Lyon, le premier filtre est la maîtrise des politiques publiques. Pour nous, c’est absolument primordial. Dans le calendrier d’ouverture des données, il y aura d’abord les données obligatoires, imposées par la directive européenne INSPIRE. Ensuite, pour toutes les données relatives à la mobilité, et un certain nombre d’autres choses, ce sera du cas par cas et toujours dans le cadre d’une animation partenariale autour de ces données là. Dans le cadre de projets comme Optimod’Lyon par exemple, tout un ensemble de partenaires contribue à générer de la donnée et le Grand Lyon est le garant de la qualité d’ensemble (données interopérables).
Entre la maîtrise que veut garder le Grand Lyon et la liberté liée à l’open data, n’y a t’il pas un hiatus, un équilibre à trouver ?
Le parti pris des services techniques du Grand Lyon est de dire : les données qui seraient susceptibles d’être utilisées pour des applications incohérentes avec les politiques publiques du Grand Lyon ne seront pas mises à disposition ou dans des conditions tout à fait particulières, sous conventionnement. Toutes les données seront regardées au travers des risques potentiels de traitement. Techniquement c’est possible. Le Grand Lyon n’a pas la volonté de faire de l’open data comme Nantes ou Rennes. Il y a des conditions d’utilisation qui devront être acceptées par les utilisateurs des données publiques.
Comment régler la question des droits et de la propriété des données ?
Cela réinterroge la position du Grand Lyon et ses relations avec les opérateurs, et notamment les DSP en cours ou à venir (Délégations de Service Public), les Contrats partenariaux, etc. Dans toutes les discussions qu’on a avec nos partenaires se pose la question de la place des données dans nos contrats. Elle était très peu envisagée jusqu’à présent. Qui en est propriétaire, sous quelle forme, pour quelle durée ? Si on n’en est pas propriétaire, sous quelle modalité peut-on les récupérer, à quelle échéance ? C’est un point qui paraît essentiel dans la mesure où l’on va être de plus en plus amenés à mener des projets en mode partenarial et générant des données. Aux côtés des règles de confidentialité, de contrat d’exclusivité, de propriété intellectuelle, devra être aussi considérée la notion de propriété des données.
Comment s’effectue cette prise de conscience par les services de la valeur des données ?
Il y a là un vrai enjeu. En 2005, quand le projet Vélo’v a été lancé, on ne s’est jamais posé la question de la propriété des données (fréquence d’utilisation, de rotation de telle borne, etc.). Et pour cause, à l’époque, elles ne représentaient rien. Aujourd’hui, les données relatives à Vélo’v sont très importantes dans le cadre des mobilités douces sur l’agglomération.
Un autre exemple montre bien la valeur des données. Dans Optimod’Lyon, deux solutions sont mises en concurrence pour l’expérimentation sur la prédiction de trafic à une heure. Soit on fait de la prédiction de trafic sur des modèles mathématiques, soit on fait de la prédiction de trafic corrélé à un historique de données. Cette dernière n’est possible que si on a des données historicisées sur un cycle. En France, il n’y a que Lyon qui ait ces données historicisées sur des cycles de temps de 6 minutes, c’est une chance formidable !. Cela permet au Grand Lyon d’avoir une avance sur beaucoup d’autres villes.
Petit à petit, dans les services, la philosophie ou l’idée selon laquelle les données sont une véritable valeur fait son chemin grâce au gros travail de la DSIT et des correspondants dans les différentes directions afin de répertorier les données disponibles.. Les services urbains innovent de plus en plus la prochaine étape, c’est la création de fonctions de valorisation des données dans différents services.
L’ensemble des services du Grand Lyon enregistre, génère ou est en possession d’un certain nombre de données très précises. On ne sait pas toujours qu’en faire aujourd’hui, mais c’est sans aucun doute une richesse dormante.
La question des données interroge le dialogue public / privé. Les nouveaux services développés grâce aux données, dans la « ville servicielle » de demain, le seront en grande partie grâce à des opérateurs privés qui ont parfois des stratégies très offensives…
C’est la raison pour laquelle le Grand Lyon a voulu se doter de sa propre stratégie « ville intelligente » pour être en mode proactif vis-à-vis de ces grands groupes qui sont effectivement très incisifs. Notre stratégie claire, partagée en interne, permet aussi de dire non quand il faut dire non, d’être à l’aise pour accepter des choses parce que c’est cohérent avec la stratégie de politique publique qu’on veut mener. En revanche, on ne se dédouane en rien, et on ne s’affranchit pas du code des marchés publics.. A côté de cela, les expérimentations, permettent des partenariats plus faciles et sont une façon d’enrichir nos données.
Prenons à nouveau l’exemple du projet Optimod’Lyon. Tous les services développés dans le cadre d’Optimod’Lyon vont être générateurs de données. La question des données est au centre de chacune des conventions entre les partenaires du projet. Il y a les données mises à disposition et les données réintégrées par l’expérimentation qui viennent enrichir la centrale de mobilité du Grand Lyon. Un projet comme Lyon Urban Data (porté par la DGDEI) qui a vocation à voir le jour prochainement, est un centre de mise en commun de données issues du privé et du public à destination d’expérimentation de nouveaux services et usages entre partenaires publics et privés. Ces services et usages généreront eux mêmes de la donnée qui va réintégrer la plateforme informatique du Lyon Urban Data.
Ces projets, comme beaucoup d’autres déjà opérationnels contribuent à la stratégie « ville intelligente ».
Parmi eux, HiKoB, (du nom de l’entreprise qui le porte) met en place une expérimentation sur des capteurs de nouvelle génération (mesurant en temps réel les taux d’humidité, la température, etc.) installés dans la voirie. Ils permettront d’optimiser la gestion des tournées de déneigement de la Direction de la Voirie. Ces capteurs vont eux aussi générer des données très riches et importantes dans le cadre de l’optimisation des ressources.
Comment s’assurer que la mise à disposition de données publiques génère du développement économique ?
En faisant le lien avec les réseaux partenariaux et pôles qu’on anime pour être à l’écoute de leurs besoins par rapport aux données que nous possédons.
Il faut animer, inciter, faire les liens, être à l’écoute de ce dont ils ont besoin pour générer de nouveaux services. C’est vrai pour les acteurs économiques. Mais il y a autre une dimension, importante en terme d’optimisation, c’est notre relation aux communes. En ouvrant nos données de manière bilatérale, nous serons en capacité de développer une continuité de services entre la communauté urbaine et les communes.
Qu’entendez-vous par « animation » ?
Les données vont être accessibles via une plateforme. Si nous nous contentons de mettre les données sur cette plateforme et attendre que les uns et les autres viennent se servir, ça ne génèrera rien du tout, ou si peu. Par « animation », nous entendons être en lien avec les pôles et clusters des acteurs numériques, etc. pour savoir ce dont ils ont besoin et leurs possibilités. Il s’agit aussi de monter des journées collaboratives avec des challenges, par exemple pour développer des applications smartphones à partir des données disponibles, etc. Il faut piquer au vif un peu l’écosystème qui pourrait être intéressé par ces données là pour générer quelque chose.
La donnée est donc le carburant essentiel de la ville intelligente ?
C’est la couche élémentaire de la ville intelligente, la plus petit brique constitutive. On entend souvent que la ville intelligente c’est la ville numérique. Pas seulement ! Dans la ville intelligente, les nouvelles technologies n’ont de sens qu’à partir du moment où nous sommes en capacité de capter, interpréter, transformer, restituer de la donnée. La donnée est donc bien créatrice de valeur. Mais cette valeur ne se crée que si elle rencontre un usage ou un besoin. C’est donc effectivement le carburant essentiel et c’est le carburant différentiant. C’est à celui qui saura capter et interpréter de la meilleure manière les données disponibles et la restituer sous forme innovante, enrichie par d’autres.
Dans la ville intelligente, il y a les nouvelles technologies mais aussi le fonctionnement en réseau de la ville. Ce qui fait le lien entre les différentes mailles du réseau c’est d’une part les infrastructures physiques, d’autre part la notion de données. Chacun est générateur et consommateur de données. C’est comme un cœur qui bat : chacun capte et envoie des données en permanence.
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