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Tarification incitative : comment diminuer les déchets sans introduire de nouvelles inégalités sociales et territoriales ?

Illustration d'une poubelle avec des euros

Étude

Dans la plupart des métropoles françaises, l’enlèvement des déchets est financé par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, fixée en fonction de la valeur foncière de l’habitat.

Si ce dispositif permet en principe une relative correspondance entre le montant dû et le niveau de vie des habitants, rien ne l’associe aux impératifs de réductions des déchets.

Pourtant, comme le démontre les exemples allemand et suisse, ainsi que les politiques fiscales menées dans certains territoires français principalement ruraux, une tarification incitative prenant en compte le volume de déchets produits favorise à la fois la réduction des déchets et l’amélioration de leur tri.

Mais à quelles conditions cette tarification peut-elle être juste, acceptée et appropriée, alors que les formes d’habitats diffèrent et que les compétences de tri qu’elle récompense sont inégalement réparties ?

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Date : 14/01/2022

Dans la plupart des grandes métropoles françaises l’enlèvement des déchets est facturé via la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom), qui varie en fonction de la valeur foncière de l’habitat et non de la quantité de déchets produits. Cette tarification n’incite pas les usagers à réduire et trier leurs déchets. Courante en Allemagne et en Suisse, la tarification incitative introduit dans la facturation une part variable qui dépend de la quantité de déchets produits, le plus souvent les ordures ménagères résiduelles (OMR) jetées dans les bacs gris, avec éventuellement les apports en déchèterie. Elle est déjà mise en place dans certains territoires français. Ses résultats sont convaincants, puisqu’elle s’accompagne de la réduction des OMR et de l’amélioration du tri.

Mais ce changement n’est pas neutre, ni pour les collectivités, ni pour les usagers devant « se mettre en travail » 1 selon l’expression du sociologue Kevin Caillaud. Plusieurs aspects doivent être considérés : la nature de l’incitation économique 2, les processus d’accompagnement et de mise en œuvre 3, et leurs effets sur les différentes catégories de population…

Nous traitons ici ce dernier aspect.

1 « Loin de la rhétorique officielle de modernisation et d’incitation, le recours à la redevance incitative se traduit pas un redéploiement des agents sur des activités de surveillance et de contrôle destinées à forcer la mise au travail des usagers » (Caillaud).

2 Part variable dite « incitative » plus ou moins importante dans la facture ; calcul de cette part en fonction de poids de déchets produits ou du volume (ex. taille de la poubelle) ; grilles tarifaires favorables aux usagers d’habitat collectif ; grilles adaptées aux spécificités du territoire (ex. zone urbaine dense), etc. Rappelons que les tarifs ne sont pas modulés en raison de critères sociaux.

3 Co-élaboration de la grille tarifaire avec les usagers ; communication en amont du déploiement de la démarche et pendant ; solutions pour trier et réduire ses déchets (ex. solutions de compostage, collecte des encombrants) ; moyens de prévention et de sanction des pratiques d’évitement ; retours d’information, etc.

 

La tarification incitative favorise à la fois la réduction des déchets et le tri

 

En 2018, la tarification incitative est en œuvre ou en cours de mise en œuvre chez 8,1 millions de Français, soit 12 % de la population. Si on inclue les collectivités ayant engagé des études préliminaires, 20 millions de Français sont ou seront prochainement concernés (Ademe). L’objectif fixé par la loi de Transition énergétique pour la croissance verte est de 25 millions d’habitants en 2025.

 

Des résultats globaux positifs

Les collectivités ayant mis en place la tarification incitative sont parvenues à réduire les ordures ménagères résiduelles de 91 kg/habitant en moyenne deux ans après sa mise en place, soit une baisse de 20 à 70 % (Ademe). Cette évolution est plus importante quand la tarification incitative est associée à une solution de tri des biodéchets (pour l’essentiel du compostage). Les quantités collectées en poubelle de tri (ou emballages, journaux et magazines) augmentent, puis se stabilisent la 1ère année d’entrée en vigueur de la tarification incitative. Les quantités de verre trié augmentent significativement. Les variations des autres types de flux sont trop faibles ou hétérogènes pour être significatives. Les quantités totales de déchets (incluant les déchets triés chez soi et ceux apportés en déchèterie) diminuent elles-aussi (CGDD, 2016a).

Les effets positifs de la tarification incitative sont mesurables avant même que la nouvelle facturation soit effective, suggérant que la sensibilisation, l’accompagnement et la mise à disposition d’informations de suivi mis en place en amont contribuent également à la réduction des déchets. Rappelons que le passage à la tarification incitative s’accompagne en général d’une « année blanche » où chaque ménage est informé de la somme qu’il devrait régler avec les futures règles incitatives (CGDD, 2016b). Plusieurs études ont d’ailleurs mis en évidence l’effet positif du feedback (ex. suivi hebdomadaire du poids des OMR) sur les comportements de tri (Meineri, Dangeard et Dupré). Les approches pédagogiques (ex. feedback), les stratégies comportementales (ex. défi « familles zéro déchet ») et les stratégies incitatives sont encore régulièrement discutées dans la littérature scientifique.

Les erreurs de tri et les incivilités n’augmentent que temporairement (CGDD, 2016a). Les retours d’expérience montrent qu’il est préférable d’anticiper ces pratiques et de se doter de procédures, de moyens de contrôle et de sanction pour les décourager (Berlingen, Châtel et Turchet ; Ademe).

 

Les études reflètent principalement les résultats des communes rurales et mixtes

Jusqu’en 2012, la redevance était le seul mode à pouvoir comporter une part incitative. Le financement de la gestion de déchets par une taxe, mode utilisé par les communes urbaines, ne le permettait pas. Ceci explique que les collectivités ayant adopté une tarification incitative soient le plus souvent de type rural ou mixte, où l’habitat individuel –plus fréquent– facilite l’individualisation des tonnages (CGDD, 2016b).

Les collectivités urbaines n’ont pas encore massivement recours à laTEOM incitative (ouTEOMi) qui exige des changements organisationnels importants. Au 1er janvier 2016, la tarification incitative concernait 190 collectivités, dont 10 seulement en TEOMi (EONV Research).

La forte proportion d’habitat collectif en milieu urbain peut faire craindre une moindre efficacité de la tarification incitative, en raison de la dilution des efforts réalisés par les ménages (CGDD, 2016a). La part incitative est en effet facturée collectivement puis répartie dans les charges (selon le nombre de personnes dans le foyer, la surface du logement). Certains récents retours d’expériences, par exemple du Grand Besançon, première agglomération française de plus de 100 000 habitants à avoir adopté la tarification incitative, tendent toutefois à relativiser ces réserves : globalement, les résultats du territoire restent favorables.

 

La tarification incitative dans le Grand Besançon

« L’agglomération de Besançon a choisi d’appliquer la tarification incitative dès 2012, date de son entrée en vigueur. C’était la première ville de cette taille à adopter ce mode de facturation, qualifié de « pari fou » par certains élus de l’époque, qui plus est avec une grille fortement incitative :

  • 50 % de la facture des usagers correspond à un abonnement fixe annuel, qui varie en fonction du niveau de service (taille du bac et fréquence de collecte dans la zone géographique correspondante) ;
  • les 50% restants sont calculés en fonction du poids des déchets collectés (prix au kilo) et du nombre de fois où le bas est collecté (prix à la levée).

Les habitants en résidence individuelle disposent d’un bac pucé, rattaché à leur foyer, qui est pesé à chaque collecte. Pour les immeubles en revanche, les bacs sont collectifs et la facture finale est divisée entre tous les appartements. Chaque foyer dispose d’un espace en ligne où il peut suivre sa production de déchets et le coût correspondant, effectuer des réclamations ou payer ses factures. Pour accompagner ces nouveaux tarifs, de nouveaux services ont été développés : installation de chalet de compostage, campagnes de sensibilisation dans les immeubles, promotion de couches lavables, etc.

En termes de réduction des déchets, les résultats se font sentir de manière immédiate : sur la période 2008-2014, les ordures ménagères résiduelles ont baissé de 30 %. Dans le Grand Besançon, dès la fin 2013, soit un an après la mise en place de la nouvelle grille tarifaire, les déchets résiduels avaient diminué de 26 % en moyenne. Concrètement, le centre-ville, qui produisait 200 kg/hab de déchets résiduels en 2012, n’en produisait plus que 155 fin 2013. Et la périphérie, qui produisait en moyenne 166 kg/hab, n’en produisait plus que

105. » 4

En 2018, les habitants du Grand Besançon produisent en moyenne :

  • 148 kg/hab de déchets résiduels, contre 207 kg/hab en 2010 ;
  • 457 kg/hab de déchets tous flux confondus (résiduels, recyclables, verre, placés en déchèteries), contre 477 kg/hab (Grand Besançon).

 

4 Berlingen, Châtel et Turchet, d’après Caillaud K., De la taxe à la redevance incitative : la modernisation de la gestion des déchets. L’expérience du Grand Besançon, Rapport pour le compte de la Communauté d’Agglomération du Grand Besançon et de l’Ademe, novembre 2014.

 

La tarification incitative ne pèse pas de la même manière sur tous les usagers et son appropriation ne va pas de soi

 

La réglementation actuelle interdit d’introduire des critères sociaux dans les grilles tarifaires de la TEOMi et de la REOMi. Le tarif au poids (ou au volume) est le même pour tout le monde et doit inciter à réduire ses déchets et à trier afin de diminuer le poids de ses déchets résiduels. Or, collectivités, opérateurs, éco-organismes constatent que le tri est en moyenne moins pratiqué en habitat vertical, en particulier social.

La compréhension des facteurs qui limitent le tri est importante car ils amènent à ce que dans la pratique, une taxe théoriquement juste car proportionnelle pourra conduire des ménages modestes à payer plus que des ménages aisés (Guichardaz), contribuant à nourrir un sentiment d’injustice. D’où l’intérêt de prendre en compte ces facteurs d’inégalité dans la conception et la mise en œuvre de la tarification incitative.

 

Le tri est plus compliqué en habitat vertical

Les contraintes perçues ou bien réelles ont une influence considérable sur la réalisation des comportements éco-citoyens. Elles peuvent être liées au temps, à l’espace, à la pénibilité, à la complexité, etc. Certains habitats verticaux cumulent des caractéristiques sources de contraintes : moins d’espaces dans les appartements que dans les maisons individuelles pour mettre en place plusieurs poubelles ; locaux à poubelles exigus, bacs de tri en nombre insuffisant (ex. sitôt vidés, ils sont déjà remplis et saturés), locaux mal aménagés, éclairés ou insuffisamment entretenus n’encourageant pas leur fréquentation ; compostage en pied d’immeuble moins pratique qu’en maison individuelle…

 

L’incitation est moindre en habitat vertical car « diluée »

L’incitation joue-t-elle encore son rôle en habitat collectif ? Dans la grande majorité des cas, le poids de déchets est suivi pour une allée d’immeuble ou l’immeuble entier en habitat collectif. La perspective de diminuer sa TEOMi ne dépend pas que de la motivation et des efforts de son foyer pour réduire ses déchets mais aussi de performances de tri de ses voisins et des représentations négatives qu’ils en ont. Par exemple une mère au foyer justifie sa faible implication par le désintérêt supposé de ses voisins : « en maison individuelle, on peut être plus motivé à faire attention. Or là, on sait que les voisins ne vont pas forcément faire attention… (femme, 40 ans, mère au foyer, périphérie de Besançon) » (Caillaud).

 

Le tri se heurte à des déterminants psychologiques et sociologiques

La corrélation entre habitat social et moindre tri est établie mais le niveau socio-professionnel des habitants n’est pas directement en cause. D’autres caractéristiques sont en jeu d’après diverses études (voir notamment les travaux de Dupré) :

  • les personnes ayant un fort sentiment de contrôle perçu (maîtrise de leur environnement, connaissances des règles de tri, accès facile en déchèterie, etc.) ont tendance à trier davantage que les personnes ayant l’impression de subir leur environnement, d’avoir peu de choix, etc. On trouve davantage de catégories socio-professionnelles élevées chez les premiers et de ménages aux revenus mo- destes chez les seconds.
  • le rapport au tri dépend de l’attachement au lieu de vie (logement, quartier, ville). Les personnes fortement investies et attachées à leur domicile, telles que les propriétaires et les retraités, trient davantage. Ce lien est généralement moins prégnant dans l’habitat social.
  • le sentiment de partager des valeurs et des règles communes joue aussi dans les performances de tri. Les personnes ayant le sentiment de ne partager aucune règle avec leurs voisins, d’habiter un immeuble où le « chacun pour soi » domine, ont tendance à moins trier. C’est le cas par exemple dans les habitats dégradés et dans ceux où les incivilités sont fréquentes, qui peuvent entraîner une déresponsabilisation (ex. « il n’y a que moi qui fait des efforts, pourquoi continuer ? »).
  • les personnes en situation transitoire (affective, professionnelle, géographique…) ont tendance à trier moins. Cela explique notamment que les étudiants, bien informés sur le tri et les questions environnementales, trient relativement peu dans les faits. Certes, leurs logements sont petits mais leurs modes de vie seraient davantage en cause : ils prennent leur repas chez eux, au restaurant universitaire, chez des amis, au fast-food, sur leur lieu de stage, ramènent des plats de chez leurs parents… Il est difficile pour eux d’organiser leur tri et de s’y tenir dans toutes ces circonstances. En outre, nombre d’entre eux ne s’attachent pas à leur logement étudiant, leur logement principal reste, au moins symboliquement, « chez leur(s) parent(s) ».

 

Le facteur qui influence le plus les comportements est le contrôle perçu. Il s’agit de la réponse à la question : dans quelle mesure je m’estime être en capacité de réaliser ce comportement de façon efficace ? Mickaël Dupré, psychologue social

 

Des bémols s’imposent toutefois : ces facteurs se combinent à d’autres, tels que les valeurs personnelles de l’individu, l’adhésion ou non aux normes sociales, les représentations des déchets, etc. Tous entrent en jeu dans la perception de la tarification incitative et les comportements qu’elle suscite. Par exemple, le rapport au gaspillage viendrait plutôt contredire les tendances décrites ci-dessus pour les ménages modestes. Des études montrent que « les classes populaires à faibles revenus semblent avoir des pratiques économes et des représentations du gaspillage fortement développées, avec une opposition marquée au gaspillage, en particulier celui lié à l’alimentation et à l’électroménager. Elles s’appuient non seulement sur une contrainte financière évidente, mais aussi sur une intériorisation culturelle de cette contrainte » (Ademe, Cezard, Mourad).

 

La « mise au travail » des usagers implique une montée en compétences

Mettre en place la tarification incitative et donc mettre au travail les usagers impliquent l’intériorisation de valeurs, de normes et de rôles liés à la gestion des déchets, ainsi que l’incorporation de nouveaux savoirs (Caillaud). Ce processus implique :

  • Une phase d’anticipation sur le fonctionnement, les coûts, les effets sociaux et environnementaux, marquée par des appréhensions négatives du sujet ;
  • Une phase de découverte où « l’utilisation du nouveau système permet de rompre progressivement avec ses croyances et de comprendre bon gré mal gré le fonctionnement de la redevance, les gestes adéquats ou inefficaces, les effets produits, etc. » (Caillaud).
  • Une phase d’optimisation grâce à l’utilisation répétée du dispositif et aux échanges sociaux permettant d’acquérir les compétences ad hoc, d’évaluer ses performances, de corriger, d’affiner ses pratiques.

À noter que ce processus n’est pas toujours synonyme d’acceptation.

En outre, il exige parfois un accompagnement renforcé, transversal et dans la durée des usagers, à l’instar de celui mis en place par le Grand Besançon à destination des habitants de logements sociaux du quartier de Planoise.

 

La montée en compétence des individus dans la maîtrise de leurs déchets suppose un capital culturel et des ressources tels qu’ils concernent en premier lieu les segments de la population qui en sont le plus dotés. - Kevin Caillaud

 

Depuis la mise en place de la tarification incitative en 2012, le Grand Besançon accompagne les habitants de logements sociaux pour améliorer son appropriation

« Force est de constater que la problématique de gestion des déchets ne peut se résoudre par les seules actions de sensibilisation. Ainsi, fin 2018, un protocole d’accord a été signé sur le quartier de Planoise pour l’amélioration de la gestion des déchets. Ce protocole traduit la volonté commune de toutes les parties prenantes : Grand Besançon, Ville de Besançon, SYBERT, Néolia, Habitat 25, SAIEMB, Grand Besançon Habitat, Union Sociale pour l’Habitat de se mobiliser pour améliorer la gestion des déchets. Les objectifs sont l’amélioration du cadre de vie des habitants, l’amélioration de la captation de la matière recyclable et la maîtrise du montant de redevance acquittée. De plus, il s’agit de considérer la problématique de gestion des déchets au sein d’approches transversales plus globales telles que la gestion urbaine sociale de proximité et le nouveau programme de renouvellement urbain. »
– Grand Besançon

 

L’acceptabilité sociale et l’appropriation de la tarification incitative

Les ressources consultées se veulent rassurantes quant à l’acceptabilité sociale de la tarification incitative et son appropriation. Mais les points de vigilance et conseils apparaissant dans les guides pour la mise en œuvre de la tarification incitative (Ademe/Amorce), comme les critiques formulées par les collectifs de citoyens (ex. groupe Facebook, pétition) et la presse locale, attestent des difficultés à lever.

Elles sont de différente nature :
•    Les idées reçues, en particulier la complexité supposée du dispositif.
•    L’incompréhension des grilles tarifaires.
•    Des représentations de l’équité différentes : comment définir une tarification juste, à la fois source d’incitation et acceptable socialement ?
•    Le surcoût engendré, réel ou supposé, la comparaison avec d’autres usagers (ex. une personne célibataire payant plus qu’un couple, une famille payant plus qu’une famille similaire résidant dans une commune limitrophe).
•    le sentiment d’injustice de certains usagers. Par exemple, le sujet des couches ressort en particulier (ex. assistantes maternelles, jeunes parents). On pourrait citer aussi les familles nombreuses, les usagers recevant des soins à domicile, ceux recourant à des services de portage de repas à domicile, qui engendrent des déchets non recyclables, ceux ne pouvant se rendre en déchèterie, etc.
•    La peur du changement.
•    Le changement d’habitudes, couplé au sentiment de perdre en qualité de service (ex. ramassage moins fréquent qui oblige à stocker ses déchets, aller à un point d’apport volontaire plutôt que de bénéficier de la collecte au porte-à-porte).
•    Le sentiment de remise en cause du respect de la vie privée, par exemple dans le cas de vérification du contenu des poubelles, du suivi des volumes jetés grâce aux puces, du recours à la vidéosurveillance ou tout simplement du fait d’utiliser des points d’apport volontaire qui dévoilent ses pratiques de consommation.
•    Les incivilités : dépôts sauvages au pied des points d’apport volontaire, en bord de route, dans la nature ; « tourisme des déchets » (ex. jusqu’au lieu de travail, une résidence secondaire, aux poubelles de communes voisines ou encore aux poubelles publiques) ; brûlage de déchets.

 

Quand la presse locale indépendante critique la tarification incitative

« Suspicions et rancœurs entre voisins, traque et stigmatisation des « mauvais » écocitoyens, intrusions dans la vie privée (par la fouille de poubelles) : ce système développe un tas de mauvais réflexes pourrissant les relations sociales et ciblant les responsabilités individuelles, plutôt que les modes d’actions collectifs. »

– Le Postillon, n°43, déc 2017

 

Á quelles conditions la tarification incitative des déchets peut-elle être juste, acceptée et appropriée ?

 

La collectivité doit parvenir à concilier plusieurs impératifs :

↪ Répondre aux objectifs de réduction des déchets

↪ Améliorer les performances de tri de ses habitants et donc accompagner tous les freins à des changements de consigne de tri

↪ Réduire les inégalités face à la gestion de déchets et au tri en particulier

↪ Prévenir le risque d’accroître les inégalités suite à l’éventuelle mise en œuvre de la tarification incitative (ex. surcoût pour les ménages modestes).

L’engagement des individus dans une meilleure gestion des déchets (prévention et tri) s’explique davantage par la montée en compétences des usagers et par l’accompagnement, l’encadrement, voire la surveillance du service public, que par la motivation financière (Caillaud).

Cela ouvre plusieurs espaces de choix :

↪ Faut-il reconnaître et prendre en compte les caractéristiques sociales et résidentielles des individus qui jouent sur l’adoption de pratiques souhaitées ? Dans le cadre d’une tarification incitative, doit-on cibler au maximum les publics jugés modestes dans un souci d’équité, ou sensibiliser de la même manière tous les habitants au nom de l’égalité ?

↪ Comment s’engager dans un changement de tarification et préserver ses relations aux usagers ?

↪ Jusqu’où aller dans la mesure, l’évaluation et la sanction des usagers pour modifier durablement leurs pratiques ?

↪ Comment accompagner l’évolution des métiers en interne ? (voir fiche Emplois)

 

à retenir

Tarification incitative : comment diminuer les déchets sans introduire de nouvelles inégalités sociales et territoriales ?

Les territoires ayant mis en place la tarification incitative dressent un bilan globalement positif : elle favorise à la fois la réduction des déchets et le tri. Ce bilan mérite toutefois d'être analysé plus finement. Tout d'abord, les études reflètent principalement les résultats de territoires ruraux et mixtes, et non des territoires denses.

Ensuite, la tarification incitative ne pèse pas de la même manière sur tous les usagers. La réglementation actuelle interdit d'introduire des critères sociaux dans les grilles tarifaires : le tarif au poids (ou au volume) est le même pour tout le monde.

Mais les facteurs favorisant le tri se rencontrent davantage chez les CSP+ et ceux ayant une influence négative sur le tri chez les personnes aux revenus modestes. C'est ainsi qu'un dispositif apparemment juste, car proportionnel, peut conduire des ménages modestes à payer plus que des ménages aisés.

Enfin, la mise en place de la tarification incitative implique un gros investissement des collectivités pour faire monter en compétences les usagers et favoriser son appropriation effective.

 

Sources