Jeunesse, culture & numérique : les six grands constats qui concernent déjà la génération Z
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Pour mieux imaginer l’offre culturelle proposée demain aux jeunes publics, acter les grandes transformations qui changent la donne dès aujourd’hui
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La prospective est un exercice de projection dans le futur. C’est aussi, et surtout, un outil pour mieux comprendre ce qu’il est en train de se passer ici et maintenant.
Les scénarios que vous allez découvrir ici ne sont pas des spéculations gratuites ou farfelues. Ils s’appuient sur des signaux faibles et des tendances qui sont à l’œuvre sous nos yeux, auxquels nous ne prêtons pas toujours attention mais qui transforment en profondeur les réalités de notre monde.
Rien n’indique que l’avenir ressemblera à tel ou tel de ces scénarios ou à un panachage entre certains d’entre eux. Mais chacun donne à lire, dans une forme familière, les dynamiques technologiques et sociétales qui renouvellent le rapport des publics à la culture.
Il s’agit alors d’imaginer les conséquences de ces bouleversements, pour les anticiper… Et si demain le spectacle vivant se déroulait dans le métavers, que deviendraient alors les salles de spectacle ? La puissance disruptive des géants du numérique est telle, que nous comprenons tous, nettement ou confusément, qu’une telle question mérite d’être discutée.
Comme le disaient les pères de la prospective (Gaston Berger, Bertrand de Jouvenel, etc.), faire de la prospective c’est se préparer à l’action !
Demain, Netflix est devenu un acteur incontournable dans le monde du spectacle. Sa plateforme dérivée, Netlive, diffuse des spectacles virtuels que l’entreprise produit pour une grande partie d’entre eux.
Les spectacles virtuels sont devenus un genre à part entière du secteur culturel. En sortant du travail, les gens se rendaient il y a 20 ans dans une salle de théâtre ou de concert. Ils quittent désormais leur chambre réaménagée en bureau de télétravail pour leur salon, où ils lancent leur service de spectacles à la demande et s’offrent un concert en ligne ou un spectacle de magie numérique.
Sur Netlive, on trouve des enregistrements de spectacles, mais on peut surtout assister à des shows en live. Il est possible d’influencer ce qui se passe dans les spectacles par des votes, de discuter avec les autres spectateurs sur le chat, d’amener son avatar tout près d’une scène montée sur une île paradisiaque, ou encore de poursuivre le concert en suivant l’artiste jusque dans sa cuisine, pour une interview exclusive qui mélange les codes entre art et téléréalité.
Refuser une invitation à dîner pour cause de concert sur canapé est devenu monnaie courante : « J’peux pas, j’ai Netlive ! »
Dans ce scénario, les spectacles cessent d’être automatiquement associés à un lieu pour devenir le terrain de jeu des GAFAM, qui exploitent les données de leurs clients et rivalisent d’inventivité pour créer des spectacles sur-mesure aux dispositifs interactifs toujours plus innovants, accessibles par des offres freemium.
Demain, les plus grandes entreprises ont toutes des pôles IA et décident d’étendre leur emprise sur le monde de la culture. La production, la diffusion et le financement des arts ne dépendent plus des acteurs publics que dans une proportion très marginale. Orange a un temps d’avance et se lance dans une expérimentation de la robotisation de cette nouvelle culture non subventionnée et privée : les spectacles humains sont beaucoup plus coûteux à produire et les artistes sont moins faciles à maîtriser que des lignes de code.
Les artistes locaux cessent progressivement de pouvoir vivre de leur art. Les IA ont petit à petit pris leur place en multipliant les créations, avec une rapidité qui en a fait une source de concurrence trop rude. Les comédiens, musiciens, peintres, etc., qui parvenaient à obtenir le statut d’intermittents du spectacle encore dix ans auparavant se sont retrouvés confrontés à des refus systématiques, toute la programmation des lieux culturels ayant été remplie par les œuvres issues de ces nouvelles technologies.
Le public est très curieux de ces innovations culturelles. Les artistes reconnus conservent en revanche leur popularité, qui est même décuplée. Ils s’approprient tout le besoin d’admiration de la créativité et de l’interprétation humaines du public. Les concerts sont de tailles démesurées et les films qui conservent de vrais acteurs sont pour la plupart de très gros blockbusters.
Demain, les spectateurs ont pris goût à une culture dont ils sont les héros. Le spectacle vivant classique ne fait plus beaucoup d’adeptes. Avec toute l’offre culturelle à disposition depuis son salon, se déplacer implique désormais de vivre une expérience qui implique complètement le public. Si un spectacle ne met pas le spectateur en mouvement, si l’émotion ne s’incarne pas jusque dans le corps du public qui interagit complètement avec l’œuvre, les salles sont quasiment vides. Toute la journée devant des écrans, le public a envie de jouer un rôle actif dans les spectacles qu’il achète.
Les acteurs culturels doivent suivre cette mutation, différemment selon leur taille, leurs moyens, leurs envies : beaucoup de structures utilisent le numérique pour créer des œuvres toujours plus innovantes, mais certaines compagnie envoient simplement des SMS pour donner rendez-vous au public dans des lieux surprenants de la ville, imaginent des spectacles qui se déroulent dans des appartements dont il faut découvrir l’adresse par des jeux de piste, organisent des prestations à domicile où les soirées se continuent sur des repas partagés entre artistes et publics…
Les médiations muséographiques se transforment, pour que les visiteurs deviennent partie prenante de l’œuvre : ils déclenchent des performances, enfilent des costumes, renseignent des données pour obtenir des parcours individualisés… Le genre de spectacle le plus apprécié devient les drama games, descendants des escape games. Des acteurs professionnels y participent, plongeant le public dans des univers divers et variés dans lesquels ils tiennent le premier rôle.
Demain, face aux multiples crises écologiques et sociales, les habitants ne croient plus en l’État et, dans ce contexte de chaos institutionnel, la rue devient un terrain de lutte politique à ciel ouvert. La culture n’échappe pas à cette re-politisation. Les nouvelles œuvres culturelles majeures ne sont plus dictées par Netflix ou par les collectivités, mais par des militants qui utilisent les arts comme un moyen de lutte contre les inégalités, en tant que meilleure arme dans la « guerre des imaginaires ».
Les associations ou les citoyens engagés font alliance avec des acteurs artistiques pour (re)donner à la culture cette portée de revendications sociales et sociétale. Ils utilisent leur art pour rendre désirables les changements nécessaires et s’appuient sur le numérique pour diffuser massivement leurs idées, créer le buzz, interagir avec leurs publics, concevoir des œuvres co-construite avec des millions d’internautes qui deviennent leurs co-militants, etc.
Extinction Rébellion se rapproche d’une troupe de théâtre lyonnaise pour mettre en scène un spectacle-manif contre Total. La rue est envahie par les comédiens, et celles et ceux qui auraient constitué leur public 20 ans auparavant deviennent des figurants qui participent à cette œuvre par leurs vêtements et leurs intervention, grâce aux directives reçues via les réseaux sociaux. Dans cette performance, il s’agit avant tout de réaffirmer son autonomie, de construire son identité, de résister aux injonctions et de convaincre grâce à des événements politiques qui font rêver et participer autant que réfléchir.
Demain, des cartes carbone restreignent les français dans leurs habitudes de consommation. La culture numérique qui consommait trop de bande passante ne peut plus fonctionner, pas plus que les gros festivals qui attiraient un large public et constituaient une source d’émission énorme de GES du fait des transports, de l’alimentation périphérique, etc.
Le secteur culturel se réinvente en trouvant des médiations différentes pour diminuer leur impact carbone tout en continuant d’imaginer des formes de spectacles qui se renouvellent : événements culturels ultra locaux, décors modulaires et partagés, lectures culturelles téléphoniques, organisation de « semaines de la culture » pour condenser les déplacements et les besoins de rassemblements du public qui continue à vouloir se retrouver lors d’événements collectifs, costumes issus de ventes privées, systèmes de sonorisation construits sur la base des anciens ordinateurs…
Les acteurs culturels s’inspirent du mouvement wild tech, ils composent avec les contraintes en réutilisant les technologies d’il y a 20 ans pour inventer des nouveaux spectacles surprenants et créatifs.
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