L’essentiel ! Comme l’explique l’économiste Gabriel Colletis, la dimension territoriale de l’activité industrielle constitue le moyen d’appréhender et d’avoir prise sur la mondialisation. Selon lui, la formation initiale et continue doit contribuer à la construction de systèmes de compétences localisés qui peuvent favoriser l’ancrage des firmes sur le territoire. De notre point de vue, les territoires ont donc un rôle majeur à jouer pour permettre aux entreprises de trouver les compétences dont elles ont besoin et aux individus d’acquérir ces compétences. Ceci passe par une concertation avec les entreprises et les partenaires sociaux pour anticiper les besoins (gestion territoriale des emplois et des compétences, ou GTEC), par un rapprochement entre services en charge du développement économique et de la formation, et par une collaboration efficace de l’ensemble des acteurs de la formation (établissements privés et publics, entreprises, rectorats…). Or, selon notre enquête conduite en 2014, les régions avaient encore une bonne marge de progrès pour assurer le pilotage des politiques de formation professionnelle, d’apprentissage, et d’orientation que leur a confié loi de réforme de la formation professionnelle de 2014. Leurs services de développement économique et ceux de la formation sont généralement assez déconnectés et on constate que les cahiers des charges pour le financement des formations sont encore trop peu élaborés en concertation avec les entreprises.
On peut évoquer cependant un exemple qui a particulièrement retenu notre attention : la démarche « CAPéCO » mise en place par la région Bourgogne. Depuis 2009, cette région propose des Contrats d’appui à la performance économique et à l’évolution des compétences (CAPéCO), signés entre l’État, la Région et les branches professionnelles. L’originalité des CAPéCO se trouve dans le fait qu’ils formalisent dans un contrat unique les points ayant trait au développement économique et ceux concernant l’emploi et la formation professionnelle. En rapprochant dans un même contrat les aspects « compétitivité » et « compétences », la Région souhaite favoriser un « réflexe formation » dans tous les projets économiques et dans la stratégie qu’elle développe. Le capital humain est donc considéré comme un levier primordial de développement économique, la formation comme un enjeu majeur. Les CAPéCO permettent ainsi d’avoir une approche transverse des entreprises d’une filière (innovation, export, RSE, compétences, formation…) et d’accompagner leur stratégie de développement. Ce type de démarche implique une forte coopération car les spécialistes du développement économique et ceux de la formation n’ont pas la même approche, le même langage ni les mêmes objectifs.
Autre sujet à forte résonance territoriale : le développement de « passerelles métiers ». Les mutations économiques se traduisent par un effondrement de certains secteurs et l’émergence de nouvelles activités. La reconversion des demandeurs d’emploi et des salariés menacés vers les secteurs porteurs constitue un enjeu crucial. C’est la raison pour laquelle il nous parait opportun de développer des « passerelles métiers » pour permettre à des salariés d’un secteur d’acquérir les compétences nécessaires pour exercer dans un autre secteur. Ce type de démarche présente plusieurs avantages. Elle peut permettre de garder les compétences dans un bassin d’emploi, de faire gagner du temps aux entreprises en développement pour trouver la main d’œuvre dont elles ont besoin.
Enfin, plusieurs témoignages mettent en avant l’idée que, face aux difficultés de recrutement des industriels, les personnes éloignées de l’emploi peuvent représenter un gisement de main d’œuvre intéressant, notamment sur les métiers dits « en tension » où le flux de jeunes formés n’est pas suffisant. Certains dispositifs localisés comme les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) contribuent justement à lever les réticences de certaines entreprises vis-à-vis de ce public. Ces structures embauchent des personnes en difficulté sur le marché du travail afin de les qualifier et de les amener vers un emploi durable. En plus du parcours de formation proposé, les personnes bénéficient d’un accompagnement social et professionnel. Le fonctionnement des GEIQ repose sur un certain nombre de conditions : l’appui d’une branche professionnelle, la création et le maintien d’un réseau de partenaires (service public de l’emploi, Direccte, organismes de formation…), un contexte économique local offrant un nombre suffisant d’entreprises donc de besoins en compétences, etc.