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Envie Autonomie Rhône-Alpes : « Nous œuvrons à la création d’une filière d’économie circulaire autour du matériel médical »

Interview de Lucile Gacon

Photo d'une remise à neuf d'un fauteuil roulant
Chargée de développement chez Envie Autonomie Rhône-Alpes

Comment allier économie sociale et solidaire, économie circulaire et insertion ?

Le matériel médical peut avoir une seconde vie. Envie Autonomie Rhône-Alpes s’y emploie en collectant des dispositifs médicaux inutilisés, en le reconditionnant et en les proposant sur le marché à des prix solidaires. Lucile Gacon, chargée de développement, revient pour nous sur ces activités et les défis sociaux, écologiques et économiques relevés par cette jeune structure.

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Date : 31/05/2021

Pouvez-vous nous présenter votre structure en quelques mots ?

Envie Autonomie Rhône-Alpes a été créée en octobre 2020 en tant que société anonyme. Mais elle a une antériorité en tant qu’association depuis 2017. C’est une structure de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui assure une mission d’insertion de personnes éloignées du monde du travail. Elle est labellisée ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale). Nous sommes actuellement 12 salariés, 5 opérateurs en insertion et 7 permanents, dont 2 en alternance dans le cadre de formation en ESS.

Quel est votre cœur de métier ?

Envie Autonomie œuvre pour la création d’une filière d’économie circulaire autour du matériel médical au travers de trois objectifs : prolonger la durée de vie des aides techniques (fauteuil roulant, verticalisateur, lit médicalisé…) en les reconditionnant et en les proposant à la vente ou à la location ; favoriser l’accessibilité des aides techniques en les proposant 50 à 70% du prix du neuf ; créer des emplois, notamment des emplois d’insertion bénéficiant d’un accompagnement socioprofessionnel et de l’acquisition de divers apprentissages au sein de la structure.

 

Comment concrètement mettez-vous en œuvre ces objectifs ?

Ces aides font l’objet d’un important travail de tri pour sélectionner celles pouvant être reconditionnées, respectant les normes en vigueur et ayant leur numéro de série pour garantir la traçabilité du matériel

Nous collectons auprès de particuliers et de professionnels (établissements accueillant des personnes âgées ou en situation de handicap) toutes les aides techniques concernant la mobilité, l’aide à la verticalisation, l’aide au maintien à domicile, etc. En bref, une majorité des dispositifs médicaux qui contribuent à l’autonomie des personnes et à la compensation du handicap.

Ces aides font l’objet d’un important travail de tri pour sélectionner celles pouvant être reconditionnées, respectant les normes en vigueur et ayant leur numéro de série pour garantir la traçabilité du matériel.

Les aides techniques sont ensuite démontées et entièrement nettoyées, les pièces devant être changées le sont. Une fois remontées, les aides sont aseptisées. Elles sont ensuite proposées à la vente ou à la location aux établissements et aux particuliers.

Ces actions participent-t-elle à la transition écologique ?

Nos actions ont un impact environnemental car nous déclinons concrètement les principes de réemploi, de promotion des circuits courts et de création d’une filière nouvelle. Nous contribuons à réduire à la fois la production de déchets, la dépendance aux importations et l’utilisation de ressources pour produire de nouvelles aides techniques.

L’activité d’Envie Autonomie s’inscrit-elle dans une logique de résilience, participant à anticiper les crises à venir et à mieux y faire face ?

Nous créons des liens de coopération sur le territoire, par exemple en mutualisant nos locaux avec une coopérative de mobilité inclusive

Nous contribuons à l’enjeu du maintien à domicile en permettant à des personnes de s’équiper et en réduisant le coût d’acquisition des aides non remboursées, telles que les aides à l’hygiène, qui contribuent à la qualité de vie à domicile. Certaines personnes ne peuvent pas s’équiper ou bénéficier d’aides appropriées à leurs besoins en raison de reste à charge trop importants ou des délais d’acquisition. Nous assurons aussi des travaux de maintenance de matériel de personnes en situation de handicap. L’accès à des aides techniques à moindre coût est aussi intéressant pour les établissements qui réalisent par la même occasion des achats responsables. Actuellement, 72% de nos ventes concernent des particuliers, le reste des établissements.

Quant à la crise sociale et au marché du travail, notre structure « fait sa part », à son échelle, en accueillant des personnes éloignées de l’emploi. Elles intègrent une équipe, sont accompagnées dans leur accès aux droits, acquièrent des compétences valorisables dans des emplois de maintenance industrielle. Enfin, comme acteur de l’ESS, nous créons des liens de coopération sur le territoire, par exemple en mutualisant nos locaux avec une coopérative de mobilité inclusive ou encore en organisant une collecte de matériel médical à la Maison des Aînés de Villeurbanne avec l’appui des volontaires d’Unis-Cité. C’est aussi une manière de nous mettre en réseau avec les acteurs du vieillissement et de l’autonomie et de nous faire connaitre des habitants de la commune. Créer des liens de coopération fait partie des valeurs d’Envie Autonomie Rhône-Alpes.

Dans le champ de la santé, le réemploi de matériel peut susciter de l’inquiétude. Quelles sont les principales représentations négatives entourant vos activités ?

Cette Loi et l’encadrement par la norme AFNOR rebattront certainement les cartes et entraineront probablement l’arrivée de nouveaux acteurs

Les craintes concernent la qualité, la sécurité, l’hygiène et le confort. Nous y sommes très vigilants. La Loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a acté dans son article 39 la prise en charge par l’Assurance Maladie des dispositifs médicaux « remis en bon état d’usage ». Son application est soumise à la création d’une norme de l’Association Française de Normalisation (AFNOR) sur laquelle travaille notre réseau national. Nous contribuons ainsi à faire évoluer les représentations tout en augmentant les critères de qualité du matériel reconditionné (garantie de deux ans du matériel, process de reconditionnement standardisé et contrôles qualité).

Cette Loi et l’encadrement par la norme AFNOR rebattront certainement les cartes et entraineront probablement l’arrivée de nouveaux acteurs puisque l’idée de créer une filière de réemploi suscite de l’intérêt. Envie Autonomie est le seul acteur en Rhône-Alpes actuellement, mais il y a d’autres projets similaires au niveau national.

Quel accueil recevez-vous sur le terrain (usagers, partenaires…) ? Observez-vous une évolution depuis le début de votre activité ?

Nous n’avons pas le recul suffisant pour juger ou non d’une évolution mais il y a encore de la pédagogie à faire pour gagner en confiance. Nous nous y employons en variant nos actions : explications du processus de reconditionnement en vidéo stop motion, intervention dans une école de kinésithérapeutes, webinaire avec les établissements d’hébergement, etc. Des professionnels de santé et des services de l’aide à domicile nous recommandent. Nous communiquons auprès du grand public via la radio, le journal Le Progrès, des magazines municipaux, les réseaux sociaux, etc. pour faire connaitre nos activités.

 

Pouvez-vous dresser un premier bilan de votre activité ?

35 tonnes d’aides techniques ont été collectées, c’est autant de déchets évités

En 2020, 35 tonnes d’aides techniques ont été collectées, c’est autant de déchets évités. Envie Autonomie va collecter directement dans les établissements et chez les particuliers ou s’appuie sur des associations d’aides à domicile ou encore des ressourceries, qui servent de points d’apport volontaire. Nous avons reconditionné 300 aides techniques en 2020, nous en avons distribué 500 puisque nous avions déjà du matériel en stock, et nous en avons collecté 2800, sur le Rhône et la Loire.

L'objectif au niveau du groupe est d'atteindre un taux de sorties positives de 60% des salarié·e·s. Le projet a permis cette année le maintien de cinq contrats à durée déterminée d’insertion et la création de deux postes. La jeunesse de la structure ne nous donne que peu de recul par rapport à la qualification des sorties des salariéˑeˑs suite à un parcours d’insertion. On peut tout de même citer des sorties intéressantes : un opérateur a obtenu un CDI en tant qu’agent de quai, après avoir été en contrat pendant un an au sein d’Envie Autonomie ; une autre personne a été admise en formation « technicien d’équipement d’aide à la personne » après 18 mois de contrat ; une autre est embauchée en intérim pour installer du matériel médical chez des particuliers, en lien donc avec sa précédente expérience avec nous.

Et sur le plan qualitatif ?

Ces derniers mois ont bien sûr été un peu compliqués en raison de la pandémie, mais plusieurs signes sont encourageants. Les ventes du site de Saint-Étienne ont augmenté, l’antériorité du site joue certainement. Les collectivités montrent un intérêt croissant pour nos activités. Nos actions de communication portent leurs fruits : davantage de structures nous connaissent.

Malgré le contexte du lancement de notre site de Villeurbanne, nous avons construit un atelier de reconditionnement fiable et à faible impact environnemental. David Régnier, à la tête d’Envie Autonomie Rhône-Alpes, ingénieur de formation, a vraiment à cœur d’améliorer en continu les process de production et de commercialisation. Nous sommes arrivés à maturité assez vite sur ces sujets. Nous avons actuellement un gros stock d’aides brutes en attente de reconditionnement et un stock croissant d’aides propres.

 

Affiche d'Envie autonomie

Quelle est votre ambition dans les trois ans qui viennent ?

Quant au marché des établissements, il exige de pouvoir fournir un volume important de matériel sur un temps donné. Nos produits ont la particularité d’être assez hétérogènes car ils dépendent de nos collectes. Il est important de jouer cartes sur table et d’expliquer ce qu’implique l’économie circulaire. Développer ces marchés permettrait en outre de pérenniser des emplois

Il s’agit bien sûr de s’autonomiser des subventions de démarrage et d’amorçage et de changer d’échelle.

Nous allons tirer les bénéfices d’un audit réalisé par un cabinet, travaillant aussi pour l’économie linéaire, pour « industrialiser » notre production, gagner en productivité sur chaque produit, faire monter en compétences nos collaborateurs (ex. aide à la prise de décision), et diffuser peu à peu une culture du standard dans l’atelier. Nous travaillons aussi pour favoriser les collectes de meilleure qualité et de plus grand volume. Nous étudions par exemple les aides techniques déposées en déchetterie/donnerie afin d’évaluer les reconditionnements possibles.

Sur le volet commercial, le grand défi est bien sûr de développer le marché des particuliers une fois le décret d’application publié. Cela implique d’asseoir notre notoriété, de se construire un réseau de prescripteurs et de gagner la confiance des usagers. Quant au marché des établissements, il exige de pouvoir fournir un volume important de matériel sur un temps donné. Nos produits ont la particularité d’être assez hétérogènes car ils dépendent de nos collectes : nous ne pouvons pas nous engager sur vingt lits médicalisés du même modèle par exemple. Il est important de jouer cartes sur table et d’expliquer ce qu’implique l’économie circulaire. Développer ces marchés permettrait en outre de pérenniser des emplois. Enfin, plus généralement, nous travaillons à être mieux identifiés dans le réseau des acteurs de l’autonomie, du vieillissement et du handicap.

Les marchés publics représentent-ils une opportunité de développement pour votre activité ?

Favoriser la commande publique responsable est un levier primordial. Nous aimerions pouvoir valoriser davantage notre plus-value environnementale, sociale (insertion) et en faveur de l’accessibilité dans les marchés publics.