Dossier
Bien que la prise de conscience de l’urgence écologique semble avoir atteint un niveau inédit à l’échelle mondiale, les actions engagées par les acteurs publics, les entreprises ou les citoyens en faveur de la transition vers un mode de développement soutenable n’ont pas permis jusqu’à présent d’infléchir les pressions exercées sur la planète. Comment alors déjouer cette incapacité à apporter des réponses à la hauteur des enjeux ?
Comme le suggère un nombre croissant de travaux, une voie pertinente consiste à appréhender la question écologique sous l’angle du « métabolisme » de l’économie.
Apparue au 19ème siècle, la notion de métabolisme désigne l’ensemble des réactions chimiques internes aux êtres vivants qui leur permet de se maintenir en vie, se reproduire, croître, communiquer, etc.
Le concept de « métabolisme socio-économique » désigne quant à lui la manière avec laquelle les sociétés humaines prélèvent des ressources dans la nature, les transforment et les distribuent pour constituer, entretenir et exploiter leurs structures biophysiques. Il recouvre également les rejets de déchets et d’émissions dans l’environnement qu’entrainent ces processus.
Ce concept ne se résume pas à la métaphore biologique : son apport est de montrer que l’ampleur et la nature des flux de matières et d’énergie mis en œuvre par les sociétés humaines déterminent les pressions qu’elles exercent sur la nature, et que la soutenabilité de ces flux dépend de leur compatibilité avec les capacités d’approvisionnement en ressources et d’absorption des rejets de la biosphère. Les activités économiques constituant une dimension importante du métabolisme des sociétés, les analyses qui suivent retiennent la notion de « métabolisme de l’économie ».
En effet, aujourd’hui comme hier, il n’y a pas de création de richesses sans consommation de ressources. Le processus d’extraction, de transformation, d’accumulation et d’usage de ces ressources s’avère générateur d’impacts sur l’environnement : émissions de gaz à effet de serre, déchets et rejets polluants, déforestation et changement d’usage des sols, etc.
Mais ce qui fait toute la différence entre hier et aujourd’hui réside dans la croissance exponentielle des flux physiques mis en jeu par le fonctionnement de l’économie, et en premier lieu des économies dites développées. Chaque année, plusieurs milliards de tonnes de combustibles fossiles, métaux, minéraux, ou encore biomasse, sont extraites pour satisfaire les besoins de consommation des pays européens, entrainant en aval de l’émission de plusieurs milliards de tonnes de gaz à effet de serre et autres rejets dans l’environnement. Ces tendances soulèvent des enjeux de soutenabilité majeurs, aussi bien termes de disponibilité des ressources que de dépassement des « limites planétaires » (changement climatique, érosion de la biodiversité, etc.).
Reconnaitre la dimension économique de l’urgence écologique incite à rapprocher politiques économiques et politiques de transition afin d’accélérer la transformation, quantitative et qualitative, des flux de matières et d’énergie mis en œuvre par l’économie.
Dans ce contexte, ce dossier propose un état des lieux des enjeux et conditions de soutenabilité du métabolisme de l’économie, à travers une étude complète et quatre billets de synthèse. D’autres publications plus anciennes viennent compléter ce dossier.