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Economie circulaire et politiques publiques

Interview de François Grosse

Portrait de François Grosse
Président et co-fondateur de Forcity

<< L’économie circulaire suppose une transformation profonde de la société >>.

François Grosse est président et co-fondateur de Forcity. Il a rédigé plusieurs articles sur l’économie circulaire et le recyclage.

Dans cet entretien, il nous livre une définition de l'économie circulaire et revient sur son intérêt et des débats qu'elle suscite tout en démontant quelques idées reçues.

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Date : 23/02/2017

En quoi consiste l’économie circulaire ?

Recycler au lieu de jeter

L’économie circulaire a ceci de particulier que tout le monde comprend intuitivement de quoi on parle, mais personne n’est capable de décrire en quelques mots en quoi cela consiste précisément. Il y a derrière une idée simple, qui consiste à opposer l’économie circulaire à l’économie linéaire, en constatant que dans la société de consommation habituelle on extrait des matières premières, on les transforme, on les utilise puis on les rejette dans une décharge ou dans la nature. Dans l’économie circulaire, on va évidemment donner une deuxième vie aux matières premières en les réintroduisant dans le circuit de production à la place de matières vierges qui auraient été extraites à la place. C’est la première idée : recycler au lieu de jeter. Malheureusement, tout n’est pas si simple et ce raisonnement comporte au moins deux limites.

La première, c’est que même l’économie consumériste des années 1970 ou 80 n’est pas une économie complètement linéaire : il y a déjà du recyclage. Ce dernier a d’ailleurs toujours existé. Même dans les périodes les plus irresponsables de la croissance de l’après-guerre, l’économie n’est pas totalement linéaire. Les grandes entreprises de la métallurgie ont toujours recyclé les chutes de production, et les carcasses de véhicules ont déjà fait l’objet de beaucoup de recyclages. Autrement dit, on ne passe pas d’une économie complètement linéaire à une économie circulaire.

Et puis il y a une seconde limite à l’économie circulaire, sur laquelle j’ai davantage écrit, qui concerne les limites mêmes du recyclage.

Précisément, pourquoi le recyclage total des matières est-il impossible ?

Il y a plusieurs raisons à cela. La première concerne le fait que certaines matières sont perdues, même au sens propre du terme : par exemple, si en me promenant dans la forêt je perds une pièce de dix centimes, ou si un navire coule au milieu de l’océan, le métal est perdu. Il en va sensiblement de même de l’usure, par exemple celle des plaquettes de frein : c’est de la matière qui est définitivement perdue.

Ensuite, il existe des difficultés à recycler qui peuvent être liées à la consommation de la matière : par exemple, certains métaux ne s’utilisent quasiment que sous forme d’alliages, parfois très variés. Or il est très difficile de traiter ces alliages spécifiques, et lorsque vous le faites et que vous les refondez, vous obtenez alors un mélange qui ne correspond plus aux alliages répertoriés, il s’agit donc d’un matériau qui a moins de valeur que chacun des matériaux initiaux.

Cela veut dire que les matériaux recyclés perdent progressivement leurs qualités ?

Plus on produit des choses subtiles, pointues, composites, et plus on prend le risque que ce soit plus compliqué à recycler

A chaque cycle, on baisse la valeur pécuniaire, mais aussi la valeur d’utilisabilité des matériaux. On peut trouver des usages qui se contentent de matériaux bas de gamme, mais si on fait tourner le cycle sans cesse, à la fin on n’a plus que du matériau bas de gamme… le raisonnement théorique nous amène à constater qu’au bout d’un moment, cela ne fonctionne plus : si j’ai besoin de matériaux haut de gamme pour faire des avions et que les matériaux bas de gamme ne servent qu’à faire des punaises, cela pose problème. Certains progrès techniques peuvent parfois pallier ce problème, mais ces défis techniques deviennent rapidement des défis économiques parce que cela peut coûter très cher de devoir séparer des composants. Une autre limite tient parfois non pas tant aux composants du matériau intrinsèque, mais au fait que certains matériaux sont liés les uns aux autres d’une façon qui rend leur séparation extrêmement difficile.

En résumé, plus on produit des choses subtiles, pointues, composites, et plus on prend le risque que ce soit plus compliqué à recycler.

Recycler à 100% est donc impossible. Mais vous montrez que même si on y parvenait, l’efficacité du recyclage est quasiment nulle dans un contexte de croissance. Pour quelles raisons ?

À partir d’environ 1% de croissance annuelle, les efforts de recyclage sont annulés, et recycler ne sert quasiment à rien à l’échelle du temps long

Oui, c’est une conclusion assez radicale qui est parfois difficile à entendre. Mais malheureusement la croissance rend la chose totalement impossible. Il faut tout de même être prudent à ce propos : Dominique Bourg conclut par exemple de mes travaux qu’il faut décroître, or j’ai précisément montré qu’il était encore possible de légèrement croître.

Mais sur le temps long, on ne peut quasiment plus croître : si on croît, il n’y a pas de solutions car les efforts de recyclage sont annihilés par la croissance au bout de quelques décennies – ce qui est très rapide à l’échelle des ressources. À partir d’environ 1% de croissance annuelle, les efforts de recyclage sont annulés, et recycler ne sert quasiment à rien à l’échelle du temps long. Bien entendu cela peut servir localement, mais à l’échelle des ressources et de tous les impacts globaux liés à l’utilisation des ressources, les efforts réalisés tel jour sont annulés le lendemain. Pour l’acier, qui est le matériau probablement le plus recyclé au 20ème siècle (entre deux tiers et trois quarts de l’acier sont recyclés) cette échelle de temps tourne autour de dix ans.

J’ai montré dans un article que, malgré le taux de recyclage très élevé de l’acier, compte tenu du taux de croissance de la consommation au 20ème siècle (environ 3,5% par an) la consommation cumulée de minerais des années 1900 à 2012 est la même que celle qu’on aurait eu de 1900 à 2000 si on n’avait pas du tout recycler l’acier au 20ème siècle. Cette économie a l’air presque circulaire, puisqu’on recycle les deux tiers ou les trois quarts de la matière… mais si on avait été dans  une économie purement linéaire  qui rejette toute la matière dans les décharges, en ne réutilisant rien, on aurait simplement atteint douze ans plus tôt la consommation cumulée de minerais de tout le siècle ! Ce n’est rien du tout à l’échelle de l’épuisement des matières premières.

 

À ce propos, vous citez un physicien américain pour qui « la plus grande faiblesse de l’espèce humaine vient de son incapacité à comprendre la fonction exponentielle. » N’est-ce pas ce qui rend l’explication difficile à comprendre ?

On a besoin de cette accélération à peu près proportionnelle à l’année précédente. Du coup, on est sur une exponentielle

Je pense que nous avons spontanément l’esprit qui raisonne de façon linéaire, comme si les courbes étaient à peu près droites et continues. Et si la croissance de l’économie suivait une telle courbe, ce que je viens de dire ne serait plus valable. Si je double la part de recyclage, en passant de 40 à 80%, la date d’épuisement théorique de cette ressource est à peu de chose près multipliée par deux. C’est le raisonnement intuitif de chacun : telle chose s’est accrue de 100 en une décennie, elle fera de même la décennie suivante. Sauf que la dynamique de l’économie n’est pas linéaire. C’est ce qu’on entend à chaque période électorale, on cherche à atteindre une croissance d’1,5% ou 2% par an. Et ce n’est pas seulement un slogan, c’est ce dont nous avons besoin aujourd’hui dans notre économie. On a besoin de cette accélération à peu près proportionnelle à l’année précédente. Du coup, on est sur une exponentielle, et cela change tout : le raisonnement devient totalement différent. C’est ce que je montre dans certains articles, et je ne l’avais pas du tout anticipé. Je me suis posé la question, j’ai commencé à le modéliser à un moment où j’avais la possibilité de le faire, et je me suis rendu compte que personne ne s’était  jamais  vraiment  posé  cette question, alors qu’on est confronté à un obstacle fondamental qui aujourd’hui n’est absolument pas résolu.

Nous poursuivons tous (et je suis solidaire de cette poursuite) une quête de la croissance économique, et dans le même temps la quête d’une empreinte la plus modeste possible sur la biosphère. Mais malheureusement les deux sont contradictoires et le défi qu’on ne sait pas relever pour l’instant, c’est comment inventer une économie qui soit à la fois viable politiquement et socialement, tout en ayant un taux de croissance extrêmement sobre, entre 0 et 1%.

Seule une économie stationnaire permettrait d’augmenter l’efficacité du recyclage ?

Exactement. À ce niveau, recycler sert réellement à quelque chose.

Mais croissance économique et croissance matérielle sont-elles forcément indissociables ?

Le fait est que la croissance économique au vingtième siècle est caractérisée par une croissance de consommation des matières premières

Je n’ai pas de conclusions scientifiques à faire valoir sur le sujet. Je distingue ce que j’ai prouvé de ce que je ne prouve pas. Mais le fait est que la croissance économique au vingtième siècle est caractérisée par une croissance de consommation des matières premières. Le cas du fer est intéressant car c’est un matériau de référence – d’autres matériaux comme les plastiques sont davantage sujets à fluctuation – mais cela marcherait sans doute avec les graviers ou autres, tous ces matériaux qui subsistent aux chocs technologiques : le taux de croissance du PIB moyen au 20ème siècle et le taux de croissance de la consommation de ce genre de matériaux ne sont pas très éloignés.

Ce qu’on observe au cours des trente ou quarante dernières années, notamment depuis le premier choc pétrolier, c’est un découplage assez prononcé entre la quantité d’énergie consommée et la richesse produite – découplage relatif,  bien entendu. Mais sur  les matières premières ce n’est pas le cas, on observe très peu de découplage.

La dématérialisation ne peut donc pas s’envisager ?

C’est une vue de l’esprit de penser que, quand on s’enrichit, on a besoin de moins consommer. Des sociologues comme Jean Baudrillard par exemple l’ont bien montré : dans la société de consommation, on ne consomme pas pour satisfaire un besoin matériel, on consomme pour satisfaire des besoins immatériels liés à la reconnaissance, l’identification, etc. C’est ce qui explique que notre soif ne soit jamais éteinte. Quand un pays s’enrichit, quand les gens s’enrichissent, finalement ils ont envie de posséder plus de choses.

Cela nous amène à l’accumulation : vous démontrez qu’un troisième facteur de la circularité à prendre en compte, c’est le temps de résidence des matériaux dans l’économie.

C’est ce que j’appelle en effet le taux d’accumulation. À un moment, je me suis rendu compte qu’il ne suffisait pas de prendre en compte le taux de croissance et le taux de recyclage. Il y a un autre paramètre déterminant qui est le temps de séjour dans l’économie. Or ce temps de séjour, on peut le relier au taux d’addition au stock, c’est à dire la façon dont les flux de matière consommés se sédimentent ou pas dans notre patrimoine.

Vous pouvez prendre un exemple afin de l’expliquer ?

Si je me suis débarrassé d’une voiture sans en racheter une, dans une économie circulaire, alors j’ai offert une tonne au circuit

Prenons le cas de quelqu’un qui possède un appartement, une voiture et du mobilier qui comportent différents types de métaux. Mon stock de matière en cours d’usage se constitue de ces éléments, dont environ une tonne d’acier pour ma voiture. Si je me sépare de ma voiture et que je décide d’utiliser les transports en commun à la place, mon stock baisse d’une tonne. Si je m’en sépare et que j’en rachète une d’une tonne, mon stock n’a pas bougé. Et si j’ai acheté une voiture et que je garde l’ancienne, j’ai toujours consommé une tonne mais j’ai ajouté une tonne à mon stock. Du point de vue de l’économie circulaire, ces cas de figure sont complètement différents. Si je me suis débarrassé d’une voiture sans en racheter une, dans une économie circulaire, alors j’ai offert une tonne au circuit.

Dans le second cas je suis à l’équilibre sur le plan comptable. Si en revanche je consomme une tonne et que je garde ma vieille voiture, y compris en me disant qu’il ne faut surtout pas jeter alors ma tonne de voiture nouvelle vient forcément des minerais puisque je n’ai pas cédé au système de quoi la fabriquer. Tout cela pour illustrer le fait que la question du stock est complètement déterminante. Or quand on commence à introduire cet élément dans les équations, on constate que cela a un effet comparable à la croissance, même s’il est moins violent : si on veut interagir le moins possible avec les ressources minières, il faut consommer à peine plus que ce qu’on rejette. Parce que ce qu’on rejette, on va le recycler pour le consommer. Si on consomme beaucoup plus que ce qu’on rejette, on est obligé d’aller chercher le différentiel dans les ressources naturelles. L’économie circulaire doit donc chercher à accumuler le moins possible.

 

Cela semble contradictoire avec l’idée de prolonger la durée de vie des produits, les réparer, les garder le plus longtemps possible. Si je comprends bien, il faut réellement utiliser les biens en question, sans quoi c’est contre-productif ?

Le problème d’aujourd’hui ce ne sont plus les déchets, c’est la consommation

C’est exactement cela. Je m’étais posé la question de savoir où se trouvaient les stocks de matière : ils sont dans l’espace public et les infrastructures, dans les bâtiments ou encore dans les voitures. Je me suis dit qu’avec ces éléments, on avait une bonne part de ce que sont les stocks de matière en cours d’usage. Pour les voitures, par exemple, on constate que dans les années 1980 à 2000, 20% des voitures neuves viennent s’ajouter au parc automobile. Quand vous avez 100 voitures neuves qui sont immatriculées, 80 seulement disparaissent, et 20 s’ajoutent – soit pour de nouveaux propriétaires, soit pour devenir la seconde ou la troisième voiture d’une famille. Nous sommes certes loin des États-Unis en termes de parc automobile par habitant, mais le taux d’équipement en automobile est gigantesque et sa progression ne s’arrête pas.

Concernant les logements, j’avais identifié des statistiques sur les surfaces occupées par habitant, en France, et c’était également spectaculaire, avec un accroissement des surfaces de 20 à 30% par habitant. On a donc des surfaces qui sont déjà significatives, et pourtant on constate une évolution considérable au cours des décennies de la fin du 20ème siècle et du début du 21ème. Enfin, pour l’espace public, on a des données d’occupation des sols mesurées par satellite qui permettent de suivre l’artificialisation des sols dans différents pays européens : la croissance de l’artificialisation de sols relevant de l’urbanisation est considérable, de l’ordre de 100 km2 par an, et sans ralentissement constaté sur la période. J’ai eu la curiosité de ramener cela à la croissance des surfaces des décharges en France, parce que les campagnes de l’ADEME renvoient à l’idée que ce sont les déchets ménagers qui posent problème et qu’il faut recycler. Or, de mémoire, la surface correspondait à 1 km2 par an de décharge supplémentaire en France, ce qui n’est certes pas négligeable, mais dérisoire face aux 100 km2 par an d’urbanisation des sols. Cela signifie que le problème d’aujourd’hui ce ne sont plus les déchets, c’est la consommation.

Est-ce qu’on se préoccupe trop des déchets ? Cela semble paradoxal.

Les politiques publiques devraient clairement s’intéresser davantage aux matières premières recyclées qui rentrent dans les circuits de production

Mieux trier ou limiter les déchets ménagers, ou réemployer, c’était très bien dans les années 1970 à 90 car il fallait travailler sur ces questions, cesser de faire des installations de traitement tout à fait catastrophiques sur le plan des pollutions. Puis dans les années 1990 il fallait travailler pour recycler beaucoup plus. Mais aujourd’hui, les politiques publiques devraient clairement s’intéresser davantage aux matières premières recyclées qui rentrent dans les circuits de production.

La question n’est plus de savoir ce qu’on fait de nos déchets ou si on les recycle suffisamment, mais s’il y a suffisamment de matières recyclées dans les matières qui servent à fabriquer nos produits. C’est la clé. Cela peut paraître identique, mais en fait pas du tout : cela revient à se demander si on pilote le remplissage d’une baignoire en jouant sur la bonde ou sur le robinet.

Comment imaginez-vous le rôle des acteurs publics, dans cette perspective ?

La révolution reste à faire sur la gestion des matières premières

Je pense que nos politiques publiques sont largement un héritage des années 1970 à 2000, mais les leviers qui sont mis en œuvre aujourd’hui sont, pour une part, hors sujet. Je ne suis pas un militant, juste quelqu’un qui essaie de faire preuve de bon sens sur la base de travaux que j’ai réalisés, et je pense que certains messages peuvent être nuisibles. Les messages consistant à dire qu’il faut faire zéro déchet, par exemple, sont  extrêmement ambigus. Pris au pied de la lettre, ils peuvent être contre-productifs. Si on veut recycler, il faut faire des déchets ! Quand on dit qu’on veut zéro déchet, on sous-entend zéro déchet renvoyé à la nature ou dans les décharges, mais la poubelle jaune ce sont des déchets ! Les messages sont donc ambigus.

Aujourd’hui, on a fait d’énormes progrès dans ces domaines, et le progrès restant à réaliser sur la gestion des déchets est marginal alors que la révolution reste à faire sur la gestion des matières premières. Cela nécessite une rigueur beaucoup plus grande dans le discours des politiques publiques. L’ambiguïté que je viens de soulever sur le zéro déchet, elle n’est jamais levée, on ne sait pas trop de quels déchets on parle. Or on ne peut pas construire des politiques pertinentes et amener des populations à adhérer à des politiques publiques ambitieuses si on n’a pas un vocabulaire cohérent et précis. Et aujourd’hui on tient un discours qui n’est pas cohérent et pas précis, et qui se traduit par exemple dans les politiques européennes sur les déchets par un ordre de priorité qui n’est pas le bon. On met en priorité la réduction des déchets, mais elle ne devrait pas être mise sur le même plan que le recyclage, qui est une priorité absolue : tout ce qui est jeté, il faut le recycler. Ensuite, le réemploi ou la réduction à la source de certains déchets, c’est autre chose.

Et au-delà de cet enjeu, quels doivent être les priorités des acteurs publics pour favoriser l’économie circulaire, selon vous ?

Il faut se demander comment on fait pour que, dans l’acier ou le plastique qu’on emploie, il y ait progressivement non plus 40%, mais 50, puis 60, puis 80% de matière recyclée incorporée

Le second point important, c’est de travailler à l’autre bout du circuit, comme je l’ai évoqué tout à l’heure : on a mis en place ce qu’il faut pour traiter correctement ce qu’on jette, et on peut encore progresser, mais on va tirer les progrès nouveaux par l’autre bout, et donc il faut se demander comment on fait pour que, dans l’acier ou le plastique qu’on emploie, il y ait progressivement non plus 40%, mais 50, puis 60, puis 80% de matière recyclée incorporée. Ça, c’est le nouveau défi, et ce n’est pas du tout pris en compte. Mais c’est le nouveau sujet. Il y a quelques années, quand je m’intéressais au recyclage du PET en Allemagne, je me souviens que Coca Cola avait annoncé comme objectif que ses bouteilles de PET commercialisées aux États-Unis comporteraient désormais au moins 50% de matière recyclée. Cela veut dire que se fixer ou imposer des objectifs ambitieux, c’est possible, puisque même certains producteurs le font.

Le troisième sujet, enfin, c’est la comptabilité matière : pour pouvoir travailler sur ces sujets, il faut pouvoir disposer d’une comptabilité nationale afin de savoir ce qui entre, ce qui sort et ce qui se stocke en termes de matières premières. C’est comme cela qu’on va pouvoir se donner des indicateurs qui évaluent les politiques publiques et fixent des objectifs et des priorités sur la mise en place d’une économie circulaire.

 

Ce volet de monitoring des politiques publiques est aujourd’hui au cœur de votre activité, n’est-ce pas ?

On a besoin de susciter des mutations de société

Je pense qu’on a besoin de concevoir, de penser, de mesurer les effets des décisions publiques qu’on met en place en matière d’urbanisme ou de politiques de déplacement. On a besoin d’agir (il faut agir) mais la question de l’évaluation, du pilotage et de la gestion des priorités doit de plus en plus s’inscrire dans des approches multisectorielles et globales, pour apprécier les impacts, les effets entre systèmes, etc. Ce n’est pas juste de l’esthétisme, les défis qui se présentent en termes d’économie circulaire sont gigantesques. On a besoin de susciter des mutations de société – vraiment une mutation, pas juste une évolution : une transformation profonde. C’est un peu comme pour le climat, on a besoin de cette transformation pour éviter les effets cumulatifs qui ne deviendront tangibles que dans longtemps.

 

○ Retrouvez ICI l'intégralité du dossier Économie circulaire : au-delà du recyclage, comment transformer l’économie ?