C’est exactement cela. Je m’étais posé la question de savoir où se trouvaient les stocks de matière : ils sont dans l’espace public et les infrastructures, dans les bâtiments ou encore dans les voitures. Je me suis dit qu’avec ces éléments, on avait une bonne part de ce que sont les stocks de matière en cours d’usage. Pour les voitures, par exemple, on constate que dans les années 1980 à 2000, 20% des voitures neuves viennent s’ajouter au parc automobile. Quand vous avez 100 voitures neuves qui sont immatriculées, 80 seulement disparaissent, et 20 s’ajoutent – soit pour de nouveaux propriétaires, soit pour devenir la seconde ou la troisième voiture d’une famille. Nous sommes certes loin des États-Unis en termes de parc automobile par habitant, mais le taux d’équipement en automobile est gigantesque et sa progression ne s’arrête pas.
Concernant les logements, j’avais identifié des statistiques sur les surfaces occupées par habitant, en France, et c’était également spectaculaire, avec un accroissement des surfaces de 20 à 30% par habitant. On a donc des surfaces qui sont déjà significatives, et pourtant on constate une évolution considérable au cours des décennies de la fin du 20ème siècle et du début du 21ème. Enfin, pour l’espace public, on a des données d’occupation des sols mesurées par satellite qui permettent de suivre l’artificialisation des sols dans différents pays européens : la croissance de l’artificialisation de sols relevant de l’urbanisation est considérable, de l’ordre de 100 km2 par an, et sans ralentissement constaté sur la période. J’ai eu la curiosité de ramener cela à la croissance des surfaces des décharges en France, parce que les campagnes de l’ADEME renvoient à l’idée que ce sont les déchets ménagers qui posent problème et qu’il faut recycler. Or, de mémoire, la surface correspondait à 1 km2 par an de décharge supplémentaire en France, ce qui n’est certes pas négligeable, mais dérisoire face aux 100 km2 par an d’urbanisation des sols. Cela signifie que le problème d’aujourd’hui ce ne sont plus les déchets, c’est la consommation.