25 ans de débat public sur la participation citoyenne
Étude
Plusieurs ouvrages qui ont marqué la réflexion de ces dernières années sur la démocratie participative.
Interview de Jean FREBAULT
<< Je vois maintenant se dessiner trois objectifs pour le Conseil de développement : premièrement, apporter de la valeur ajoutée à la préparation des décisions des politiques publiques locales >>.
Jean Frébault préside le Conseil de développement de la Communauté urbaine de Lyon (Grand Lyon) depuis juillet 2006, ce qui correspond au moment de sa «refondation». Spécialiste de la planification urbaine et territoriale, Jean Frébault a essentiellement réalisé sa carrière au ministère de l’Équipement et comme directeur des agences d’urbanisme de Toulouse puis de Lyon (1978-1988), où il a conduit le projet d’agglomération “Lyon 2010”. Nous l’interrogeons sur les apports et limites du Conseil de développement du Grand Lyon, le plus important de France (260 membres), et sur ses perspectives d’évolution.
Quel est votre point de vue sur la démocratie participative en France ?
Mon expérience personnelle est encore modeste. Je fais le constat qu’en France nous sommes encore en phase de balbutiements en matière de démocratie participative, que les expériences sont très diverses et éclatées, et qu’il serait bon de consolider la démarche autour de quelques repères.
Je dirai d’abord qu’il ne faut pas placer la démocratie participative en opposition ou comme substitut à la démocratie représentative. Elle doit au contaire l’enrichir et contribuer à la conforter. Je rappelle que la création du Conseil de Développement a été comme dans la plupart des agglomérations, voulue par les élus de la structure intercommunale, même si la loi a joué un rôle incitatif.
Cela étant dit, pour qu’elle soit crédible, la démocratie participative doit à mon avis faire l’objet d’une approche indépendante et dépassionnée. Il faut la détacher de certains clichés (par exemple Porto Alegre), éviter qu’elle soit « récupérée » et la sortir des clivages partisans, comme le fait le Conseil National des Villes, instance consultative indépendante qui donne des avis au Ministère de la Ville, ou à leur façon les Conseils économiques et sociaux régionaux (CESR). La société civile ou citoyenne doit pouvoir exprimer un point de vue libre et indépendant, et faire des propositions qui seront d’autant plus constructives qu’elles ont une chance d’être écoutées.
Il faudrait ensuite davantage échanger les expériences et capitaliser. Dans chaque territoire s’inventent des méthodes, des procédures, parfois très innovantes (maisons de quartier à Dunkerque, « cartes de Gulliver » au 1/50ème , dessinées au sol et utilisées à Perpignan pour faire découvrir l’espace aux habitants…). Mais peu sont informés de ce qui se fait dans d’autres villes. A Lyon, le Conseil de développement s’est inventé localement, ainsi que la charte de la participation. La capitalisation qui s’amorce tout juste au sein de chaque territoire devrait être généralisée.
Pouvez-vous indiquer les objectifs actuels du Conseil de développement du Grand Lyon, et comment ont-ils été réorientés depuis sa création en 2001 ?
En 2001, l’objectif était de mettre en place une structure qui apporte aux élus la richesse du regard de la société civile, avec ses forces vives : acteurs économiques, sociaux, culturels, associatifs, citoyens de base, et contribue à la réflexion sur le projet d’agglomération. Il existait depuis plusieurs années à Lyon une volonté de la sphère politique de ne pas s’enfermer, d’être à l’écoute des signaux de la société. Lancée en décembre 1997, la démarche Millénaire3, fondatrice, a fait le lien entre démarche prospective et démarche participative. Lorsque la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (dite loi Voynet) a porté obligation de mettre en place des conseils de développement dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, la volonté politique d’écoute de la société préexistait donc à Lyon, et le Conseil consultatif déjà en place s’est naturellement transformé en Conseil de développement. La période Millénaire 3 a été de l’avis général très mobilisatrice.
Par la suite, pour des raisons diverses, les activités du Conseil de développement se sont un peu essoufflées. Plus de 500 citoyens étaient inscrits, mais avec une présence de plus en plus aléatoire pour certains et une reconnaissance insuffisante des représentants des structures institutionnelles (la société civile « organisée »). La refondation du Conseil de développement à l’initiative du Grand Lyon a tenté de remédier à ces difficultés. 6 collèges ont été créés : acteurs économiques et organismes socio-professionnels, organismes publics, associations, représentation territoriale des habitants, citoyens, et personnalités qualifiées. La refondation visait à le crédibiliser davantage. Il était important qu’il puisse bénéficier de moyens convenables en ingénierie pour accompagner ses travaux, et accéder aux ressources suffisantes. Sur ce point, je me réjouis de l’appui apporté par les services, particulièrement motivés. Il travaille sur la base d’un programme annuel, sur saisine du Grand Lyon, mais aussi sur autosaisine.
Quelles sont alors les principales missions du conseil ?
Il y a plusieurs façons de répondre à cette question. Pour ma part, avec une année de recul, je vois maintenant se dessiner trois objectifs pour le Conseil de développement.
Premièrement, il s’agit d’apporter de la valeur ajoutée à la préparation des décisions des politiques publiques locales, cela a été dit dès le départ.
Le deuxième objectif est de faire écouter aux élus la « petite musique » de la société civile. Sur un enjeu donné, la perception de la société civile et des citoyens peut en effet s’avérer décalée vis-à-vis de celle du monde politique. Le conseil fait aussi apparaître, à travers ses débats, une pluralité de points de vue. Ses contributions sur le Schéma de cohérence territoriale (SCOT¹) de l’agglomération lyonnaise ou sur la « vision métropolitaine » l’illustrent bien. Le concept de « développement » a ainsi été fortement discuté, comme celui de compétitivité, et le conseil a essayé de mettre en avant une approche transversale mettant en relation les dimensions économique, humaine et environnementale du développement. Le conseil a également alerté sur la façon de s’appuyer sur l’université dans la stratégie métropolitaine, ou sur la crise du logement dont la gravité paraît sous-estimée, ici comme au niveau national.
La troisième préoccupation qui me paraît maintenant importante est de rendre visibles les compartiments invisibles ou inaudibles de notre société contemporaine — mis en évidence par exemple par le récent ouvrage « la France invisible », espaces de souffrance qui sont rarement perçus dans toute leur réalité par la sphère des décideurs et le corps social en général. Et contribuer de ce fait à poser dans le débat public des problèmes qui y sont absents.
Comment faire, concrètement, pour réaliser ce troisième objectif ?
Prenons un exemple. Bernard Bolze, fondateur de l’Observatoire International des Prisons et coordinateur de la campagne « Trop c’est trop » pour le respect du numerus clausus en prison, appartient au collège des personnalités qualifiées du Conseil de développement, composé d’une vingtaine de grandes figures locales et extérieures. Lors d’une discussion, nous avons eu l’idée de proposer d’organiser une visite de prisons lyonnaises, pour des représentants du conseil, puis de prévoir un débat sur ce thème.
De manière générale, nous nous proposons d’aller à la rencontre de catégories de populations qui sont absentes ou peu présentes dans le Conseil de développement.
Ainsi, pour mieux être à l’écoute des attentes des jeunes, nous avons organisé le 12 mai de cette année un forum avec 80 jeunes, afin de discuter de leurs attentes et priorités sur l'avenir de l'agglomération. Ils ont une façon de dire les choses ou de les pondérer qui n’est pas celle des générations plus agées. Ils sont apparus très sensibles aux questions de l’accessibilité aux transports en commun (prix, développement des transports la nuit, maillage des lignes, etc.), du logement abordable, et demandent tous une mixité généralisée dans l’habitat. Leur avis complète et renforce sur ce point la note produite en auto-saisine sur la crise du logement par le groupe du conseil travaillant sur le thème du « vivre ensemble ». Alerter sur ces différents sujets est conforme au rôle de « caisse de résonance » du conseil.
Nous sommes à la recherche des bonnes modalités pour être à l’écoute des populations les plus pauvres et des minorités, sans passer uniquement par le filtre des structures qui s’occupent d’elles. Par exemple le mouvement ATD Quart Monde qui donne directement la parole aux pauvres dans le cadre de formations intitulées « universités populaires » nous indique des pistes intéressantes. Il nous faut absolument avancer sur ces questions.
Le Conseil de développement est-il une instance indépendante de contrôle démocratique du Grand Lyon, alors que son président n’est pas élu mais désigné par l’exécutif du Grand Lyon, et que la désignation de son bureau échappe au vote des collèges ?
Il est très rare en France qu’un président de Conseil de développement soit élu par son assemblée : il est presque toujours désigné par l’exécutif de l’intercommunalité compétente. Mais peut-être y viendra-t-on un jour lorsque les méthodes de démocratie participative à ce niveau seront consolidées et mieux codifiées. Je pense que l’important est que la personne pressentie ait un profil qui lui permette d’être reconnu par les uns et les autres, tant par les membres du Conseil que par l’institution politique avec laquelle le président doit dialoguer en permanence..
Le bureau est, selon le règlement intérieur qui a été voté, composé de deux membres par collège, plus un responsable par « chantier ». Lors de la mise en place du Conseil de développement, alors que les gens ne se connaissaient pas vraiment, j’ai soumis au vote du conseil, réuni en assemblée plénière, une proposition de noms des personnes qui me semblaient à la fois les plus compétentes et les plus représentatives pour ces postes. Il les a votées à une très large majorité. Pour autant, il faut être pragmatique. Après un an de vie du bureau, on réajustera si besoin est les modalités de désignation et de fonctionnement, à partir de l’expérience acquise. Ce qui me paraît finalement le plus significatif, c’est de voir émerger des personnes motivées qui jouent un rôle dans l’animation et la qualité des débats, et sont reconnues comme telles. Elles doivent être encouragées à prendre des responsabilités.
Quant à l’indépendance du Conseil évoquée dans votre question, c’est à l’évidence comme je l’ai dit plus haut une condition de sa crédibilité. Elle doit se démontrer en marchant, par la qualité de nos analyses et propositions et leur appropriation collective par les membres du conseil. Il nous faut y veiller, et il y a évidemment des pièges, le risque d’être instrumentalisé, ou de se poser en contre-pouvoir ou lieu de contestation, ou d’être marginalisé… Je conçois le Conseil de développement comme une instance en position de neutralité, respectueuse de toutes les sensibilités, transparente, qui est là pour aider à construire le « bien commun ». Il faut pour cela un dialogue avec la collectivité, qui permette d’avoir accès aux informations utiles et de s’assurer que nos propositions sont au moins pour partie entendues et prises en compte. C’est pourquoi je parle d’ « indépendance dialoguante ». Gérard Claisse, Vice Président à la démocratie participative, joue un rôle essentiel pour garantir cette éthique.
Concrètement, comment le Conseil de développement s’y prend il pour prendre position sur un thème, pour élaborer une proposition, un avis ? Est-il à la recherche d’un consensus ce qui impose j’imagine la construction d’un compromis, ou utilise-t-il le vote majoritaire pour identifier l’avis dominant ?
Le travail en groupe permet d’avancer collectivement dès lors que les gens s’écoutent bien les uns les autres, ce qui est l’une des règles de base. Si personne ne réagit défavorablement quand un membre du conseil avance une proposition intéressante en séance plénière ou lors d’un groupe de travail, nous considérons qu’une convergence se dessine. En revanche, quand un sujet suscite une controverse, nous le faisons apparaître dans le compte rendu et dans le projet de texte final, amendable jusqu’au dernier moment. Il est rare que nous passions au vote, sauf en séance plénière car il faut une validation démocratique. De manière générale, le Conseil de développement ne recherche pas un compromis « tiède », mais plutôt à exprimer quelques messages forts et interpellateurs, tout en faisant apparaître la diversité de points de vue sur certains points sensibles. En lisant les contributions du conseil, vous remarquerez que l’on ne dit pas toujours « le conseil estime que », mais aussi « des voix au conseil s’élèvent pour dire que… ». Les rédacteurs sont en outre particulièrement attentifs à ce que les diverses idées exprimées trouvent un écho dans la rédaction finale, sans atténuer la force des messages. Cela est apprécié.
L’ensemble du territoire du Grand Lyon, avec ses 57 communes et toute sa diversité sociologique, est-il bien représenté dans les différents collèges du Conseil de développement ? Doit-on et peut-on mieux faire ?
La composition du Conseil de développement a progressé du point de vue de sa représentativité depuis 2001, aussi bien sur le plan « sociologique » que territorial, mais tout n’est pas cependant idéal. L’existence de 6 collèges permet déjà de garantir la présence d’une plus grande diversité d’acteurs. Pour tous les collèges (à l’exception des personnes qualifiées), nous avons fait un large appel à candidatures. Cela a permis d’importantes ouvertures, mais cela crée aussi un filtre dans la mesure où ne se manifestent pas ceux qui sont dans une posture discrète, ou peu à l’aise dans l’expression publique, que ce soit dans la société civile organisée ou chez les citoyens. Il y a notamment une sous-représentation des femmes, des jeunes, des personnes en difficulté, handicapées, des personnes d’origine étrangère, des « sans voix »… Nous avons déjà apporté des correctifs, mais il faut aller plus loin comme je l’ai indiqué précédemment.
Dans le collège associatif, avez-vous cherché à ce que chaque grand domaine de la vie associative de l’agglomération (sport, culture, etc.) soit représenté ?
Non, nous n’avons pas réalisé de « découpage » par thème, peut-être à tort car j’ai constaté que certaines thématiques étaient peu représentées : il y a peu d’associations sportives au Conseil de développement par exemple, par contre les associations de solidarité et de défense de l’environnement sont bien présentes. Nous avons pourtant adopté une démarche volontariste, puisque nous sommes allés chercher des associations qui n’avaient pas répondu à notre appel à participation, comme la Mission Régionale d’Information Rhône-Alpes sur l’Exclusion (MRIE), ou le Secours populaire.
Il y a donc encore du chemin à parcourir. Il faut également s’interroger sur la composition du collège des citoyens.
Effectivement, on ne voit pas comment on peut considérer la représentativité du collège citoyen comme satisfaisante, alors qu’il ne compte que 26% de femmes, et peu de jeunes !
Revenons à sa constitution. Nous avons procédé par appel à candidature puis tirage au sort des réponses. Le principe de l’appel à candidature a révélé ses limites : 90% des réponses ont été celles d’hommes, et les tranches d’âge élevées sur-représentées ! Malgré un tirage au sort «redressé » qui a permis de sélectionner presque toutes les femmes-candidates et les jeunes, ces dernières sont encore sous-représentées. Il y a toutefois une sensible avancée par rapport au premier Conseil de développement, mais cela ne suffit pas. Les jeunes sont également sous-représentés au sein du collège citoyen. Je m’interroge donc sur le moyen d’améliorer son mode de désignation.
Dans ce collège, la présence forte de citoyens militants suscite aussi une sorte de double représentation des corps intermédiaires, contradictoire avec l’organisation du Conseil de développement déjà organisé en collèges. Faut-il améliorer les méthodes de recrutement du panel citoyen, aller éventuellement vers son tirage au sort au sein de la population de l’agglomération ?
C’est un autre inconvénient de l’appel à candidatures : les candidatures reçues ont été beaucoup celles d’habitants déjà engagés dans une démarche citoyenne, à l’aise dans la prise de parole. Ils ont bien entendu toute leur place au conseil, mais il est clair que d’autres profils d’habitants sont mal représentés dans ce collège. Ce problème se retrouve dans d’autres instances de démocratie participative, comme les conseils de quartier. Il faut comme vous le suggérez réfléchir à d’autres modes de désignation.
Un autre problème qui est apparu est le décalage qui peut exister en matière de connaissance entre les « sachants », experts ou spécialistes ou militants sur un sujet donné, et les citoyens « de base ». Heureusement, un apprentissage collectif a pu se développer pendant la durée des chantiers, car les réunions de travail, les séances d’information, les discussions entre membres ont contribué à les former et mieux partager les cultures. Mais il faut poursuivre les actions visant à combler ou atténuer ces décalages. L’intérêt des débats au Conseil de développement est précisément de croiser les points de vue des spécialistes et des non-spécialistes d’un sujet.
Y-a-t-il un renouvellement constant des membres du Conseil de développement ?
La durée d’un mandat est normalement de trois ans, il y a eu un fort renouvellement mais des « anciens » du précédent conseil sont également présents. Au moment de la refondation du Conseil de développement en 2006, il avait été souhaité un apport de sang neuf, mais des anciens avaient craint que les acquis des travaux du précédent conseil soient mal reconnus. Je crois que la composition du nouveau conseil prend en compte cet héritage. J’ai en outre proposé qu’un ancien vice-président du conseil participe à l’actuel bureau, et maintienne le lien avec l’ancienne équipe.
Le Conseil de développement est-il en relation avec les instances participatives de l’agglomération, qui travaillent au niveau des quartiers et des communes ?
Le 4è collège, territorial, remplit cette fonction, et nous apporte « la petite musique » de la société. Néanmoins, c’est surtout la ville centre, Lyon et Villeurbanne, qui est représentée, à travers les comités d’intérêts locaux et les conseils de quartier, alors que peu de communes périphériques sont dotées de structures participatives. Le Grand Lyon a donc demandé aux conférences des maires de proposer des personnalités représentatives de la société locale.
Lors de la réunion du collège territorial, les membres ont indiqué que les questions de proximité (propreté, sécurité…) étaient prioritaires dans les instances de quartiers, mais ils ont exprimé le souhait que les débats sur l’avenir du territoire, notamment à l’échelle de l’agglomération, irriguent davantage leurs discussions, avec l’aide du Conseil de développement. Cet échange d’information, descendant et ascendant, permet de rapprocher les cultures aux deux échelles. Le conseil est également représenté dans les instances mises en place par la charte de la concertation, au niveau des projets urbains et des services publics.
Quel est l’apport du Conseil de développement, dans l’élaboration, le suivi et la mise en œuvre du projet stratégique d’agglomération, et l’amélioration des politiques du Grand Lyon, qui sont ces deux principales missions ? Pouvez-vous donner des exemples de ce que le Conseil de développement change ou transforme, indiquer par exemple ses plus belles réussites ?
Je donnerai deux exemples d’apports : nous avons été saisi sur le SCOT. Nous avons d’abord vérifié que notre agenda de production d’un avis était bien dans la phase amont de l’élaboration du Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), qui définit les orientations générales d’urbanisme et d’aménagement retenues pour l'ensemble du territoire, et donc que notre avis était susceptible d’être efficace. Après le stade du foisonnement des pistes apparues dans le groupe de travail, qui réunissait une quarantaine de personnes, le groupe de pilotage a formulé des propositions structurées qui ont été reprises et affinées par le groupe.
Cet avis largement produit par le groupe de pilotage n’était-il pas un avis d’experts en aménagement et urbanisme, ce que vous êtes vous-mêmes, plutôt qu’un avis du Conseil de développement ?
L’avis a été approprié et amélioré par le groupe de travail, qui comprenait de nombreux « non experts » puis en séance plénière, où des amendements ont encore été acceptés. Mais la prise en compte d’une dimension d’expertise, dès lors qu’elle n’est pas la seule, est une bonne chose, elle a aidé à la prise en considération de notre contribution dans les travaux du SCOT. Par exemple, un des messages forts délivré est le suivant : le vécu des acteurs du Conseil de développement s’inscrit dans un territoire beaucoup plus large que celui du périmètre du SCOT, guère plus grand que celui du Grand Lyon. Le conseil plaide par conséquent une pensée plus forte de « l’Inter-SCOT », c’est-à-dire de l’articulation des différents territoires du bassin de vie lyonnais, avec un appui de la Directive Territoriale d’Aménagement (DTA) produite par l’Etat et des travaux de l’association Région Urbaine de Lyon (RUL). Il plaide pour franchir une nouvelle étape dans la gouvernance de la métropole. En cohérence avec cette position, nous avons pris l’initiative de lancer un chantier de coopération avec les Conseils de développement des territoires voisins (St Etienne, Nord-Isère…).
Je vous donne un deuxième exemple d’apport du conseil : elle concerne la place de l’université dans la métropole lyonnaise. Des réflexions conjointes des acteurs de l’enseignement supérieur, du monde économique, culturel et autres ont fait ressortir des sujets sur lesquels de nouvelles avancées étaient attendues, comme le logement des étudiants et la vie étudiante, l’accueil des stagiaires et chercheurs étrangers, les relations entre l’université et les PME, la consolidation et la visibilité du PRES « Université de Lyon » qui vient d’être créé… La réflexion collective a permis de faire ressortir une proposition de vocation pour Lyon : la « métropole du savoir ». A travers cette expérience, j’ai ressenti fortement l’attente des acteurs que le Conseil de développement joue pleinement son rôle de « caisse de résonance », pour relayer des propositions méritant d’être approfondies.
Est-il prévu une évaluation indépendante du Conseil de développement ?
Il en faudrait une.
Quel avenir rêvez-vous au Conseil de développement, vers quoi devrait-il tendre, et quels grands objectifs lui donneriez vous d’ici à 5 ou 10 ans ?
Au niveau national, je souhaite des Conseils de développement plus reconnus et installés, qu’ils fassent entendre leur voix, que les élus s’expriment également à leur sujet ; je préconise qu’ils évitent de s’enfermer dans des normes ; le fait que, le plus souvent, ils ne soient pas (ou peu) « notabilisés » est à mon avis un atout. J’attends que les conseils sortent de l’âge « artisanal », aidés par une ingénierie puissante, et puissent être davantage, selon les mots de Gérard Claisse, des « développeurs de débat public ». Faut-il les déconnecter de l’intercommunalité et les rendre « autonomes », comme dans certaines agglomérations ? A cette question, je réponds qu’ils doivent être indépendants, et non pas autonomes, ce n’est pas la même chose. Il est important que les techniciens des services soient présents et apportent leur connaissance technique, que les matériaux de connaissance soient largement attachés, et qu’un dialogue régulier se développe avec les élus. J’essaie de favoriser tout ce qui fait du Conseil de développement du Grand Lyon un système d’écoute des attentes de la société locale sur les questions d’agglomération. Le Conseil de développement doit pouvoir capter les « signaux faibles » dont nous parlent les sociologues.
Je rappelle enfin le souhait, partagé par beaucoup, qu’un travail de capitalisation des expériences soit engagé à la bonne échelle au niveau national, et que nous puissions avoir une meilleure connaissance des expériences des pays étrangers. Au niveau de la région Rhône-Alpes, se développent également des initiatives très intéressantes qui méritent toute notre attention.
1. Le SCOT est un outil de conception et de mise en œuvre d’une planification intercommunale, et un cadre de référence pour les différentes politiques sectorielles, sur les questions d’habitat, de déplacements, de développement commercial, d’organisation de l’espace, etc. Le SCOT de l’agglomération recouvre 72 communes : les 57 de la communauté urbaine de Lyon, ainsi que les communes des communautés de communes de l’Est Lyonnais, des Pays de l’Ozon, ainsi que des communes isolées. Pour élaborer le SCOT et suivre sa mise en œuvre, a été créé spécialement à cet effet le Syndicat d’Etudes et de Programmation de l’Agglomération Lyonnaise (SEPAL), établissement public regroupant les élus représentant les 72 communes.
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