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Jean-Baptiste SAY (1767-1832)

Portrait de Jean-Baptiste Say. Gravure de Godefroy Engelmann d'après un dessin d'Achille Devéria. Source : Les graveurs du 19e siècle : guide de l'amateur d'estampes modernes, volume IX, p.28

Étude

Celui qui est le plus grand économiste français du 19ème siècle est né à Lyon, quai Saint-Clair, le 5 janvier 1767. Il appartient à une famille de négociants protestants qui a souffert, dans le passé, des persécutions royales et qui après la révocation de l’Edit de Nantes s’est réfugiée à Genève. Le père de Jean-Baptiste est venu, comme beaucoup de Genevois, travailler à Lyon chez un négociant en soieries, protestant comme lui, dont il épouse la fille, mademoiselle Castanet. Si dans ses moments de loisir, son père l’emmène écouter des leçons de physique à l’Oratoire, celui-ci ne veut pas le scolariser au collège royal de Lyon tenu par les Oratoriens et le confie à deux maîtres italiens, installés à Ecully, qui lui donnent un enseignement moins conformiste. A 15 ans, son père ayant déposé son bilan à la suite d’une conjoncture peu favorable, il quitte Lyon pour suivre son père à Paris. Il travaille comme commis dans une maison de commerce et en 1785, à l’âge de 18 ans, il se rend en Angleterre avec son frère cadet.

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Date : 25/11/2007

Un esprit des Lumières à la culture anglo-saxonne
 En Angleterre, il est alors stagiaire dans une maison de commerce britannique. Là, témoin des débuts de la révolution industrielle, il est conquis par les vertus du libéralisme économique. Converti à l’anglomanie, il revient en France en 1787 pour travailler à Paris chez le banquier Clavière, protestant et genevois. Il occupe ses loisirs à écrire quelques saynètes de boulevard. Quand éclate 1789, il participe aux débats d’idées politiques et philosophiques qui animent cafés et clubs à Paris. Il s’intéresse également à la presse qui fleurit à la fin de l’année 1789 en s’occupant du Courrier de Provence, journal de Mirabeau, un proche de Clavière. C’est chez Clavière qu’il lit, en anglais, le livre d‘Adam Smith sur La nature et les causes de la richesse des nations. Son soutien à la Révolution et à l’idée républicaine va jusqu’à participer à la campagne militaire en Champagne à l’automne 1792. Les choses se gâtent en 1793 avec la mise à l’écart sous la Terreur des Girondins, famille politique libérale et modérée à laquelle Clavière appartient et qui est aussi le credo de Say, et le suicide de ce dernier, le 8 décembre, pour éviter sa comparution devant le tribunal révolutionnaire. De plus, l’effondrement des assignats ayant ruiné sa famille, Jean-Baptiste, pour vivre, devient journaliste. Avec des amis, il participe à la création, en 1794, d’une revue encyclopédique, La Décade philosophique, littéraire et politique. Il y signe des articles littéraires, fait des traductions de textes américains et des comptes-rendus de livres sous la signature de S ou JBS ou Boniface Véridick !

 

L’économie politique préférée à l’engagement politique
Après la Terreur, il devient un proche du général Bonaparte. C’est lui qui choisit les livres que ce dernier emporte lors de son expédition d’Egypte. Favorable au coup d’Etat de Brumaire (1799), il est alors nommé au Tribunat par le Premier Consul. Il commence à exposer ses idées en 1803 dans son Traité d’économie politique qui se veut une synthèse entre le libéralisme économique découvert Outre-Manche et les idées politiques et philosophiques de la Révolution française. Cependant, il se détache rapidement du pouvoir, car, bien qu’amoureux de l’ordre, il ne veut sacrifier ni sa liberté de pensée, ni ses convictions et, qui plus est, son attrait pour les honneurs est faible. De plus, il n’est pas d’accord avec la démarche protectionniste que veut mettre en place Napoléon Bonaparte qui n’a guère apprécié son ouvrage et en interdit une deuxième édition. Obligé à se taire, il se lance dans l’aventure industrielle en devenant filateur de coton à Anchy dans le Pas-de-Calais. Son entreprise est prospère, emploie autour de 400 ouvriers et il y teste un moteur hydraulique. Cette expérience d’entrepreneur industriel  le confirme dans son analyse. Pour lui, les physiocrates ont tort en proclamant que l’agriculture est la seule source de richesse et Malthus également par sa vision pessimiste, quant aux ouvriers ils se trompent en pensant que la machine est privative de travail. Il retrouve sa liberté d’expression sous la Restauration qui permet la deuxième édition de son Traité. Il va coucher sur le papier sa réflexion industrialiste et libérale en publiant en 1815 son Catéchisme d’économie politique. Comme son nom l’indique, cet ouvrage se veut une « bible » de l’entrepreneur, mais aussi des pouvoirs publics pour promouvoir la production, source d’enrichissement pour tous. Cherchant à diffuser sa pensée, il enseigne et regroupe ses conférences et son enseignement, commencés à l’Athénée royale en 1816, puis au Conservatoire des Arts et Métiers où il est nommé professeur en 1819, dans son Cours complet d’Economie politique pratique qui paraît en 1829. Il participe en 1819 à la fondation de l’Ecole spéciale de commerce et d’industrie, aujourd’hui l’ESCP-EAP. Il est nommé en 1830, professeur d’Economie politique au Collège de France, chaire qui est créée pour lui. Il meurt à Paris le 14 novembre 1832 d’une crise d’apoplexie et est enterré au Père Lachaise.

 

La loi de Say
La carrière de Jean-Baptiste Say éclaire sa pensée et son œuvre qui revêt une double dimension théorique et pratique. Sa philosophie s’inscrit dans la lignée de son illustre prédécesseur Adam Smith, mais il va plus loin. Il insiste sur les conditions de la production, met en valeur le rôle de l’entrepreneur qui en est l’agent principal et récuse la thèse qui veut que la société se découpe en travailleurs, rentiers et capitalistes. A ses yeux, chacun peut remplir l’une de ces fonctions à un moment ou à un autre. Sa pensée est optimiste. Pour lui, L’Etat doit créer un environnement favorable au système productif et la valeur des biens et des services dépend de leur coût de production. Cependant, Jean-Baptiste Say demeure, dans le panthéon des économistes libéraux, le théoricien de l’offre. Autrement dit, quand un entrepreneur perçoit un marché, il décide de produire et distribue donc du pouvoir d’achat à ses salariés, ce qui crée de la demande. Certes, les salariés ne font pas qu’acheter les produits de leur employeur, mais leur pouvoir d’achat conjugué à celui des autres travailleurs permet aux entrepreneurs qui ont bien ajusté leur offre d’écouler leur production. De telle façon, la croissance est auto-entretenue par l’offre de produits. Cette économie de l’offre est théorisé par la loi des débouchés, dite loi de Say, qui peut se résumer de la façon suivante : « plus les producteurs sont nombreux et plus les productions sont multiples, plus les débouchés sont faciles », le tout bien évidemment dans une économie où la concurrence est libre et parfaite ! Avec lui, les crises de sur-production peuvent exister, mais elles ne sont que sectorielles et peu durables. La loi de Say peut se résumer : « On ne dépense jamais que l’argent qu’on a gagné » !

Cette thèse est  tombée en désuétude avec la crise de 1929 et l’avènement de la théorie keynésienne. Elle a toutefois retrouvé, avec la crise des années 1970 et le retour des néo-conservateurs, des adeptes aux Etats-Unis sous le reaganisme, mais aussi dans le slogan de campagne du président de la République actuel, « Travailler plus pour gagner plus », ce qui sous-entend produire plus et consommer plus. Comme l’aurait dit Jean-Baptiste Say, à l’arrivée tout le monde doit être gagnant, les travailleurs, les entrepreneurs, la croissance et l’Etat. L’économie serait-elle un éternel recommencement ?
 

Bibliographie :
Jean-Pierre Potier, Jean-Baptiste Say. Nouveaux regards sur son œuvre, Economica, 2002.