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Claude-François MÉNESTRIER (1631 – 1705)

Étude

Date : 06/11/2007

Qui à Lyon n’a pas emprunté le passage Ménestrier, passage en partie couvert du Lycée Ampère entre la rue de la Bourse et le quai du Rhône ! Claude-François Ménestrier est né le 9 mars 1631 rue Lanterne. Son père, originaire de Franche-Comté, aurait été apothicaire. Il étudie au collège jésuite de la Trinité (ac. lycée Ampère) les langues anciennes, mais aussi des langues modernes. A l’âge de 16 ans, il est admis dans la société de Jésus et passe son noviciat à Avignon. Il se tourne alors vers l’enseignement. Il est successivement professeur de rhétorique et d’humanités dans les collèges jésuites de Chambéry, Vienne et Grenoble, pour enfin être nommé à Lyon au collège de la Trinité au cours des années 1650.

 

Le père Ménéstrier, un jésuite organisateur de spectacles

Il tient dans cet établissement une place importante en tant qu’enseignant, bibliothécaire et responsable du cabinet des antiques et du médaillier. Ordonné prêtre le 26 avril 1660, il se consacre bien évidemment à la théologie, à l’étude des textes sacrés et de la langue hébraïque, mais sa réputation, aussi bien hier qu’aujourd’hui tient, non pas à sa dimension théologique, mais à son étude des images, des décors, des blasons. Héritier de la tradition encyclopédique de la Renaissance maintenue par le père Athanase Kircher et familier de la pensée du célèbre érudit de la maison de Savoie Emmanuele Tesauro, Ménestrier, servi par une mémoire prodigieuse, cherche à associer, dans des spectacles, le symbolique et le ludique. Cette recherche le transforme en metteur en scène de ballets et de pièces de théâtre, d’abord pour les fêtes de fin d’année du collège, puis pour les princes comme pour l’Église. Devenu un spécialiste de spectacles, la ville de Lyon le charge de diriger les fêtes offertes à Louis XIV lors de son passage dans la ville en 1658. Il monte alors un ballet emblématique qui lui assure un grand succès. Sa réputation est dès lors faite. A Lyon, il inspire les décors du collège de la Trinité et de l’Hôtel de Ville, réalisés par Pierre-Paul Sevin* et Thomas Blanchet*. A Grenoble, il est chargé d’organiser les fêtes pour la commémoration de François de Sales en 1661, puis il organise le service funéraire pour Anne d’Autriche en 1666. Sa cérémonie baroque en fait l’homme du renouveau des pompes funèbres en France. A Paris, il participe au service funèbre de Turenne en 1675 et de la reine Marie-Thérèse en 1683. Il organise également la célébration d’événements dynastiques de la maison de Savoie.

 

Un philosophe des images et le premier historien de Lyon

Il entreprend une œuvre immense de recensement, classification et codification qui le conduit du blason et de l’emblématique jusqu’à la philosophie des images, faisant de lui un des derniers théoriciens de cette pratique cognitive au moment où la pensée occidentale s’engage, depuis la Renaissance, dans les voies nouvelles ouvertes par Descartes. Homme d’église, dégagé de l’obéissance religieuse séculière compte tenu de son appartenance à la société de Jésus, il entre en conflit également avec les gens du roi, dont la politique de l’image n’a pas la même finalité que la sienne. Privilégiant l’érudition, il pratique une esthétique théologique qui l’oppose aux artistes de son temps dans la querelle du goût et de l’esprit. Une grande partie de ses ouvrages est imprimée à Lyon, dont une grande partie est conservée par la Bibliothèque de Lyon qui est l’héritière de celle des jésuites du collège de la Trinité. Son premier ouvrage, de nombreuses fois réédité, est L´Art du blason justifié, ou Les Preuves du Véritable art du blason et sort en 1661. Le père Ménestrier, représentant de la vie littéraire lyonnaise au 17ème siècle, est l’auteur d’environ cent-soixante livres, traités théoriques et plaquettes, sur les décorations funèbres, les devises royales, l’héraldique, la numismatique, l’allégorie, les tournois, les fêtes, les entrées royales, le plus souvent enrichis de planches gravées. S’intéressant à l’histoire de la ville de Lyon, il publie en 1696, chez Jean-Baptiste et Nicolas de Ville, rue Mercière, à partir de sources d’archives, le premier ouvrage d’histoire lyonnaise, l’Histoire civile et consulaire de la ville de Lyon, justifiée par Chartes, Titres, Chroniques et autres preuves, avec la carte de la ville comme elle était il y a environ deux siècles. Cet ouvrage est donc associé à une réédition du plan scénographique qui suit de peu celle du plan de Simon Maupin* en 1694. Son histoire de Lyon reste inachevée, car le second volume est demeuré sous forme de manuscrit.

 

Un honnête homme

Au XVIIe siècle, le père Ménestrier appartient à ces Jésuites qui dispensent, au collège de la Trinité, un enseignement humaniste, fondé sur l'étude des textes anciens, notamment de Cicéron et de St Ambroise portant sur les devoirs sociaux, mais aussi sur l’apprentissage d’une langue et d’une civilisation où se mêlent morale et sagesse. Il s’agit de « faire les fondements » et non de « parachever le bastiment et de garnir de meubles ». Un enseignement qui permet de comprendre le monde dans lequel le jeune vit et de développer ses potentialités. La formation s’appuie également sur l’art de parler, de composer, sur l’éloquence. De ce fait, les représentations théâtrales sont importantes et le ballet peut être lu comme moyen de maîtriser son corps. Comme le jésuite Bartoli l'expose à cette époque, une société civilisée doit valoriser plutôt l'homme de plume capable de converser avec ses concitoyens que l'homme d'épée. Cette démarche associe également « lettres et piété », car l’enseignement vise aussi à former des chrétiens en faisant prendre conscience aux élèves que depuis le péché originel l’homme a perdu le « franc arbitre », mais il conserve son « libre arbitre » qui lui permet de distinguer le bien du mal. C'est dans ce contexte que Ménestrier rédige un cours à l'attention de ses congréganistes, L'Idée de l'estude d'un honneste homme. Le but de cet ouvrage n'est pas d'enseigner la connaissance des hautes sciences mais de former un homme de conversation, à l'aise dans la vie sociale. Dans une société où les honnêtes gens se rencontrent dans les académies ou les salons, il faut savoir pratiquer les jeux d'esprit et la poésie, déchiffrer les images symboliques. En 1669-1670, il quitte Lyon, voyage en France et en Allemagne et en Italie où il étudie les monuments de l’antiquité. Lors de son retour à Paris, il se consacre à l’écriture, à la théorisation sur l’art des images et à des prêches. Lors d’un séjour à Lyon dans les années 1690, il en profite pour terminer son histoire de cette ville. Il meurt à Paris le 21 janvier 1705. L’œuvre du père Ménestrier dépasse largement Lyon, mais c’est dans cette ville que sa célébrité est née.

Il incarne l’esprit cultivé, l’honnête homme défenseur d’un humanisme dont la ville de Lyon est porteuse au cours de son histoire. Il est également celui qui comprend que rédiger l’histoire d’une ville participe à la construction de son identité, ce qui est fondamental pour définir un sentiment d’appartenance.
 

 

Bibliographie

- Lyon, l’humaniste, Autrement, 2004