Vous êtes ici :

Les collectivités locales au défi de la massification des changements de comportements

Couverture de l'étude

Étude

La nécessité de faire évoluer nos modes de vie face aux défis posés par les changements climatiques est désormais de plus en plus partagée. Une littérature foisonnante existe déjà sur les effets délétères de certaines de nos pratiques et de nos modes de vie contemporains sur l’environnement, et une bonne partie des solutions est connue.

Pourtant, la mise en pratique de solutions demeure extrêmement lente. En effet, même en connaissant le résultat à atteindre, la « recette » pour y parvenir manque bien souvent. Même si des cas exemplaires sont connus, souvent leur réplication est fortement limitée.

Peu d’analyses permettent de prendre de la distance par rapport à ces cas exemplaires et d’isoler, au-delà du contexte particulier dans lequel ils s’inscrivent – local, régional, national, socio-économique, politique, etc. – des leviers et des manières de faire qui seraient reproductibles ailleurs. Autrement dit, la transmission du savoir-faire pour atteindre les résultats accomplis dans des expérimentations jugées exemplaires et les reproduire ailleurs est étonnamment absente.

Cette étude propose de questionner le lien entre « massification » des changements de mode de vie et changements de manière de travailler au sein des collectivités publiques, à partir d’une sélection d’une vingtaine d’expérimentations et de la monographie de cinq cas d’étude.

Par « massification », on entend l’accélération du changement dans le sens de la transition écologique, c’est-à-dire la capacité à toucher plus d’habitants d’un territoire, plus vite et avec des impacts élevés en termes de diminution de l’empreinte environnementale.

L’intérêt de ce benchmark est moins de trouver des exemples « inspirants » à répliquer, que de comprendre les conditions matérielles et organisationnelles dans lesquelles se sont déroulés ces projets, pour voir ce qui a pu permettre une telle amplification (modalités de faire, gouvernance, moyens financiers, etc.).

La focale n’est pas sur les politiques publiques en tant que tel (niveau d’investissement, grands cadres stratégiques), mais bien sur l’organisation interne et externe des services de la collectivité publique pour mettre en œuvre et amplifier des décisions politiques.
Date : 30/10/2023

Retrouvez le rapport complet, à télécharger ici.

Sommaire

 

  • Introduction
     
  • Synthèse
     
  • Exemples inspirants d’expérimentations, projets et politiques publiques visant des changements de modes de vie
     
  • 1. Bogotá (Colombie) : donner de la place aux autres modes pour faire évoluer les pratiques de mobilité
     
  • 2. Pontevedra (Espagne) : une inversion des priorités modales pour gérer la mobilité
     
  • 3. Milan (Italie) : créer des synergies entre des acteurs très différents pour lutter contre le gaspillage alimentaire
     
  • 4. Zurich (Suisse) : une collaboration innovante entre deux services pour aller chercher les déchets auprès des habitants
     
  • 5. Lahti (Finlande) : mise en place d’une politique intégrée pour gérer les déchets
     
  • Conclusion
     
  • Bibliographie

 

Synthèse

 

Périmètre de l’étude

 

Cinq initiatives internationales sont étudiées dans le cadre de cette étude centrée sur la façon dont les collectivités locales s’organisent en interne et avec des acteurs extérieurs pour massifier le changement :

  • La « Ciclovía » de Bogotá (Colombie), un réseau de plus de 127 kilomètres de routes dédié, de façon hebdomadaire, à la pratique des activités physiques et de loisirs, rassemblant 1,5 million d’utilisateurs ;
     
  • La politique de réduction de la place de la voiture en ville de Pontevedra (Espagne), ayant abouti à une réduction de 53 % du nombre de véhicules par jour en 20 ans ;
     
  • Les hubs alimentaires de la ville de Milan (Italie) qui facilitent les dons alimentaires de commerces, ayant collecté en 2021 plus de 170 tonnes de nourritures pour environ 340 000 équivalents repas ;
     
  • Le service de collecte et recyclage de déchets sur rails de Zurich (Suisse), qui collecte environ 400 tonnes d’encombrants par an pour 400 usagers quotidiens ;
     
  • La feuille de route zéro déchets nets de Lahti (Finlande), impliquant de nombreux projets tournés vers l’économie circulaire, qui a permis d’augmenter en 10 ans le taux d’utilisation des déchets municipaux de 54 % à 97 %.

 

Enseignements

 

  • Aucune méthode générique ne se dégage, les options choisies par les cinq villes sont différentes les unes des autres. De plus, le changement de manière de faire n’est pas systématiquement à l’origine de la massification des effets.
     
  • Un changement de manière de travailler à l’intérieur de l’administration semble à chaque fois indispensable pour accompagner la démarche ambitieuse initiée. Un changement de mode de faire ne serait donc pas l’origine des réussites des cas présentés mais bien une condition nécessaire mais non suffisante.
     
  • Le cas de Bogotá souligne l’importance de l’identification claire d’un acteur porteur, de l’implication massive du public (et de la réorganisation en interne pour soutenir et amplifier cette adhésion), et de la mise en place de services répondant aux besoins périphériques.
     
  • À Pontevedra, la massification du changement est passée par des changements dans la manière de travailler de l’administration publique, par un accroissement de la participation, et par une réadaptation progressive du cadre légal et règlementaire aux objectifs de mobilité.
     
  • À Milan, la réussite du projet repose sur sa conception dès sa création comme extensible et reproductible, et surtout sur la capacité des services municipaux à travailler avec des acteurs extérieurs, très différents et à mutualiser ainsi les intelligences des uns et des autres.
     
  • Zurich se démarque par le fait que le changement de manière de faire est minimal, les deux services concernés travaillant ensemble autour d’objectifs de façon pragmatique et faisant preuve chacun d’une certaine autonomie.
     
  • À Lahti, la massification découle de la capacité de la ville à agir sur l’ensemble de la chaîne des actions liées aux déchets, non en se substituant aux différents acteurs ou en réglementant fortement les comportements des habitants, mais en mettant en place les conditions pour que chacun « joue le jeu ».

 

Facteurs de réussite

 

Une synthèse générale des différentes manières de faire n’est pas totalement possible. Les cinq cas traités sont trop divergents pour offrir une lecture unifiée. Pour autant, quatre facteurs de réussite en termes d’organisation des collectivités locales semblent ressortir en vue de massifier le changement:

  • Accroitre le soutien extérieur à l’initiative (Bogotá, Pontevedra, Milan, Zurich), par une stratégie de renforcement de l’adhésion de son public ;
     
  • Mettre ensemble des intelligences différentes, à l’interne et à l’externe de l’administration publique (tous les cas) ;
     
  • Ne pas se substituer aux acteurs mais leur laisser une place dans la chaîne de production de valeur pour les inciter à « jouer le jeu » (Bogotá, Pontevedra, Zurich) ;
     
  • Décentraliser la décision et autonomiser ses acteurs (Milan, Zurich) ;
     
  • Mettre à disposition les services connexes pour lever les freins (Bogotá, Lahti) ;

Enfin, on ne saurait minimiser l’importance du temps (Bogotá, Pontevedra) et des investissements dans la durée (Bogotá, Lahti).