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Eau futurE / Analyse des perceptions et expressions citoyennes

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© D'après Ellea Bird / Métropole de Lyon

Étude

L’eau est un bien commun. Tout ce qu’on fait au quotidien en dépend, sans même que l’on y pense : boire, se laver, cuisiner, se baigner, manger, etc. C’est aussi une ressource vitale pour l’ensemble du vivant. Mais la sécheresse que nous avons connue à l’été 2022 le montre : c’est un patrimoine en danger qui doit être protégé.

Comment anticiper ce futur où l’eau n’est pas abondante, sans paniquer ni se contenter de dire que « ça ira » ?

En 2022, la Direction de la Prospective et du Dialogue Public (DPDP) de la Métropole de Lyon a mené une démarche innovante et expérimentale de prospective-participative, appelée « Eau FuturE », qui invitait les habitants à se projeter sur une question : à quoi ressemblera un quotidien où l’eau sera plus rare ?

L’objectif était de faire la pédagogie des enjeux de fond de façon différente, à partir d’expériences sensibles (ateliers d’écriture, balades, ciné-débat, théâtre, etc.), pour faire de l’eau un sujet enthousiasmant, saisi collectivement, et ouvrant sur un avenir désirable.

À partir des centaines de contributions et extraits de récits imaginés par les participants lors des animations, la DPDP a produit deux analyses : une centrée sur les imaginaires qui structurent les pensées des habitants, l’autre sur leurs perceptions des enjeux de fond de l’eau.

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Date : 06/12/2022

Ce document, à télécharger ici, propose une dizaine d’enseignements sur les perceptions et les propositions des citoyens, à partir de la variété des matériaux produits lors de la démarche Eau futurE : poèmes, récits prospectifs, citations, scènes de théâtre, réponses au jeu en ligne, etc. Il souligne ce qui est ressorti majoritairement des échanges, ce qui n’en est pas ressorti, et les implications en termes de politiques publiques pour les collectivités territoriales.

 

À retenir

 

Synthèse des perceptions des habitants
Une démarche prospective, c’est un détour par le futur pour questionner le présent. Voici résumés les principaux sujets de discussion traités pendant la démarche Eau futurE, en soulignant à chaque fois les préoccupations majeures, mais aussi les impensés et les sujets plus minoritaires.

Impression globale : le choc

Le sujet de la raréfaction de la ressource en eau a provoqué une grande surprise. Tous les participants ont été marqués par l’ampleur du problème (« même sur notre territoire ! ») et par la multiplicité de ses répercussions sur nos modes de vie, de consommation, d’alimentation et de production (« il va falloir agir sur tous les domaines ! »). Cette surprise est d’autant plus forte que les ordres de grandeur et le fonctionnement des cycles de l’eau sont largement méconnus par la majorité des citoyens.

1_ Gaspillage : des consommateurs centrés sur leurs propres responsabilités
Les participants se sont focalisés sur la responsabilité des consommateurs, tant sur les constats – au passé et au présent – que sur les marges de manoeuvre pour l’avenir.
Le gaspillage quantitatif et qualitatif est perçu comme le principal levier sur lequel on peut agir, avec de longs débats sur ce qui constitue un « gâchis » (consommer beaucoup d’eau ? Utiliser de l’eau potable pour les toilettes ?). Les éco-gestes individuels sont plébiscités par beaucoup. En revanche, très peu de personnes ont évoqué les marges de manœuvre collective pour agir. Comment avancer sur ce chantier ?

2_ Agriculture et conflits d’usage : l’interdépendance, un facteur clé encore méconnu
Les participants envisagent que les tensions sur la ressource en eau vont provoquer de plus en plus de conflits entre les usagers. Ils pressentent des crispations opposant les plus vertueux aux moins motivés, les plus pauvres aux plus riches, les plus jeunes aux plus âgés.
Mais s’agissant des conflits d’usage, le lien ne semble pas immédiat entre « gros consommateurs » et agriculture locale. Certains méconnaissent les pratiques locales, d’autres refusent de stigmatiser ces acteurs. Comment se saisir du sujet collectivement des conflits d’usage sans stigmatiser les différentes catégories d’acteur ?

3_ Pollutions : les industriels vus comme les principaux responsables
À la question « qui est responsable de la pollution de l’eau ? », la réponse la plus courante est « les industries ! ». Cette perception est à contre-courant de la réalité du sujet, qui inclut également des difficultés liées à la pollution agricole et aux pollutions domestiques. Ces deux sujets sont en dehors des radars citoyens. Comment les faire monter en puissance ?

4_ Restrictions d’eau : des contraintes collectives de mieux en mieux perçues, sous-conditions
Beaucoup de participants envisagent la nécessité d’imposer des contraintes collectives dans l’accès à l’eau demain. Quotas, interdictions, réglementations sont intégrés dans bon nombre de scénarios. Cela suscite des craintes chez certains (retour en arrière, perte de confort) mais aussi de l’adhésion pour d’autres (capacité à mettre tout le
monde en ordre de marche). Mais derrière « la contrainte pour tous », certains participants posent une condition : celle d’intégrer les inégalités d’accès et de besoins de chacun. Publics en situation de précarité financière, habitants des quartiers très denses, familles nombreuses, femmes enceintes… Les publics vulnérables sont plus nombreux qu’on pourrait le croire. Comment les repérer et les accompagner ?

5_ Tarification : des usagers focalisés sur le prix, sans visibilité sur les coûts
Un consensus se dégage des contributions citoyennes : l’eau est un bien essentiel, qui ne doit pas devenir gratuit car cela reviendrait à augmenter le gâchis. Une partie des participants considère qu’on pourrait jouer sur les tarifications pour dissuader les plus gros « gâcheurs » tout en garantissant aux plus fragiles l’accès à des premiers mètres cubes gratuits. Dans ces échanges, les participants imaginent l’eau comme une ressource locale sur laquelle la puissance publique déterminera toujours entièrement le prix. Mais personne n’intègre l’augmentation des coûts, au présent comme au futur (coût de l’énergie, renouvellement des infrastructures). En plus du travail à venir sur la tarification sociale de l’eau, et si parler du coût était aussi important que parler du prix ?

6_ Source de vie : l’eau envisagée comme un bien d’abord destiné aux Humains
Le réflexe de la plupart des participants est de s’inquiéter avant tout de l’eau qu’on pourra boire demain. L’eau est ainsi vue pour beaucoup comme un bien de consommation. En revanche, son rôle pour assurer l’existence des autres espèces est quasiment invisible. Il n’a été que très peu question de biodiversité, de bonne santé des espèces animales et végétales, et des écosystèmes. Comment donner plus de place au vivant dans le débat public ?

7_ Végétal : un outil de rafraîchissement dont les besoins en eau sont oubliés
L’importance de la nature dans la ville, dans la perspective du réchauffement climatique, n’est plus à démontrer. Les contributions des citoyens accordent une grande place aux différentes formes de végétal : canopée, jardins de pluie, végétalisation sur les toits et sur les balcons, forêts urbaines, etc. Mais derrière la « solution miracle », certains soulignent que le réchauffement climatique va avoir des conséquences fortes sur la végétation. Comment anticiper les effets du dérèglement climatique sur les espaces verts (publics et privés) et leurs besoins en eau ?

8_ Bien-être : des usages récréatifs de l’eau considérés comme essentiels
Batailles d’eau, baignades, rafraîchissement, etc. : et si ce qui était considéré comme ludique et secondaire aujourd’hui allait devenir vital et nécessaire dans dix ans ? C’est ce que font émerger les participants qui accordent une place importante aux dimensions bien-être et confort, dans la perspective du réchauffement climatique qui impacte particulièrement les habitants des villes. Et derrière l’aspect récréatif de ce sujet, certains participants font émerger un enjeu de justice sociale. À leurs yeux, les inégalités d’accès au rafraîchissement vont devenir un des premiers terrains de bataille entre les citoyens. Quelle scène de délibération collective imaginer pour éviter cette montée des tensions ?

9_ Réseaux : le robinet, un objet qui occulte le parcours de l’eau dans le territoire
Le raccordement individuel des logements au réseau d’eau contribue à ériger le logement comme un espace autonome, résilient et refuge, sans aucune visibilité sur les infrastructures qui nous relient et nous rendent interdépendants. Pourtant, quelques contributions soulignent que la mise en visibilité des réseaux d’eau et du système hydrique dans son ensemble serait un support de prise de conscience de nos interdépendances et de l’état de la ressource. Comment donner à voir l’eau dans la ville ?

Conclusion : l’eau, une question politique, mais comment s’en saisir démocratiquement ?
Si les participants ressortent convaincus de l’importance du sujet, il reste difficile de savoir comment agir collectivement. Entre des solutions d’échelle mondiale et des pistes ultra-locales, il n’est pas aisé de déployer une capacité d’action collective. « Et si on investissait l’échelle du quartier, du bassin versant, de la zone de captage ? » esquissent certains participants.
Quelle que soit l’échelle, la collectivité devra démultiplier les objets d’intermédiations (outils de dialogue, scènes de négociation collective) pour passer d’une relation usager à une délibération collective sur le sujet de l’eau.

 

 

Sommaire :

  • Préambule : explorer les imaginaires pour politiser le sujet
  • Synthèse des perceptions des habitants
  • Vue d’ensemble sur ce qui ressort des ateliers
  • Introduction : la prise de conscience de l’ampleur du sujet

1/ Gaspillage : des consommateurs centrés sur leurs propres responsabilités
2/ Agriculture et conflits d’usage : l’interdépendance, un facteur clé encore méconnu
3/ Pollutions : les industriels vus comme les principaux responsables
4/ Restrictions d’eau : des contraintes collectives de mieux en mieux perçues, sous-conditions
5/ Tarification : des usagers focalisés sur le prix, sans visibilité sur les coûts
6/ Source de vie : l’eau envisagée comme un bien d’abord destiné aux Humains
7/ Végétal : un outil de rafraîchissement dont les besoins en eau sont oubliés
8/ Bien-être : des usages récréatifs de l’eau considérés comme essentiels
9/ Réseaux : le robinet, une étape qui occulte le parcours de l’eau dans le territoire
10/ Conclusion : L’eau, une question politique, mais comment s’en saisir démocratiquement ?

 

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Pour tout savoir sur la démarche Eau futurE et ses suites, rendez-vous sur jeparticipe.grandlyon.com.

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