Étude
« Innovation » : maître-mot par excellence en cette première moitié de 21è siècle, capable a priori de résoudre tous les problèmes du monde. Mais qu’en a révélé la crise actuelle ?
En pleine crise sanitaire mondiale de la covid-19, beaucoup de politiques, de médias, de militants et d’intellectuels nous annoncent que nous ne pourrons pas revenir au « monde d’avant », que nous devons repenser notre modèle de société, notre rapport à la croissance économique et à l’écologie. Peut-être est-ce donc aussi le moment de nous interroger sur l’innovation, car justement, selon Pierre-Damien Huyghe, ce terme est devenu « un maître-mot », c’est-à-dire un signifiant pratique dont on se demande de quoi il est le signe au juste. L’innovation est devenue, depuis au moins soixante-dix ans, une évidence et toute tentative pour le questionner amène une réponse tautologique. Nous sommes dans l’injonction à innover, dans une forme d’obédience de l’innovation qui s’empare aussi bien des start-up dans les incubateurs que des chercheurs ou des industriels dans les pôles de compétitivité, des entrepreneurs sociaux que des agents dans les labs de transformation publique, etc. Et si la pandémie qui touche l’ensemble de la planète était le bon prétexte pour sortir de ce prêt-à-penser et réinterroger le sens même de l’innovation ?
Pour cela, nous lançons quatre questions qui font débat et relisons quelques anciennes publications Millénaire 3 pour les éclairer :
1. Est-ce que l’innovation peut encore relancer la croissance alors que le virus a mis l’économie à l’arrêt pendant plusieurs mois ?
2. Est-ce que l’innovation peut vraiment nous aider à devenir plus résilients par temps de crise, à trouver des solutions pour rebondir face à la pandémie aujourd’hui, et peut-être demain face aux catastrophes climatiques ou à une panne d’internet ?
3. Est-ce que l’innovation peut nous aider à relever le défi des inégalités révélées de manière criantes pendant la situation sanitaire extrême que nous connaissons, et plus globalement à devenir un moteur de progrès humain ?
4. Est-ce que l’innovation, sur laquelle on fait porter tellement d’attentes pour sortir de la crise, est vraiment compatible avec les limites écologiques planétaires ?