Il me semble important de travailler dans la vie quotidienne, à trois niveaux, le logement, le lieu de travail, et les écoles. Alors qu’en Grande-Bretagne on a tendance à être trop pragmatique, en France on tend à idéologiser le débat et à l’historiciser. Pour parler de mixité, a-t-on besoin de parler de laïcité par exemple ? Si l’on parle de religion, ce qui m’intéresse, c’est ce que voudra dire vivre sa religion au quotidien, sur son lieu de travail par exemple. Nous avons un peu travaillé sur les comportements religieux sur les lieux de travail en France, je m’attendais à de la rigidité de la part des chefs d’entreprises, alors que ce qui se passe relève de l’accommodement raisonnable, de l’arrangement, où chacun y met souvent du sien. Je me rappelle d’une chef d’entreprise qui disait qu’une fille voilée au travail ne l’embêtait pas, contrairement à une fille qui vient en « poom poom short » et fout la pagaille, donc ce n’est pas forcément ce que l’on croit qui pose problème. Plutôt qu’idéologiser, il convient de tracer des pistes en étant à l’écoute de la vie concrète. Il faut aussi sortir du monde de l’abstraction. En France on dira « on va faire du lien », mais qu’est-ce que cela signifie au juste ? Il convient de s’atteler à la pratique, de réaliser des expériences à petite échelle, d’en tirer les conclusions, etc. A Lyon la politique de mixité résidentielle me semble intéressante, même si c’est vraiment une politique à grande échelle…
On peut aussi sortir des cadres existants, et s’appuyer sur des initiatives privées. En Grande-Bretagne, l’association GoodGym (https://www.goodgym.org) a été créée par un jeune homme, qui s’est rendu compte qu’il n’était pas seul à courir tous les soirs. Un soir, il s’est arrêté pour aider une dame, et de fil en aiguille il a créé un réseau national. Les coureurs s’arrêtent au bout de leur course, dans un foyer de personnes âgées, pour changer une ampoule, aider les gosses à faire leurs devoirs, etc. Ce qui était au départ une petite initiative privée, avec une forte implication et des relations de personne à personne, s’est institutionnalisée en particulier avec les JO de Londres. GoodGym est une façon aujourd’hui de faire circuler des gens entre les quartiers, de faire circuler des idées, des expertises, de l’aide, des cours de langue, de danse, etc. Je pense qu’on gagnerait en France à s’appuyer sur ce type de mécanismes qui s’inscrit à l’extérieur des politiques publiques classiques.