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La mobilité comme vecteur de solidarité

Interview de Michèle VULLIEN

maire de Dardilly

<< Pour tous les aspects de la vie, le déplacement est un vecteur fort de solidarité. >>.

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Date : 14/01/2014

Propos recueillis par Catherine Panassier, le 14 janvier 2013 dans le cadre de la démarche « Grand Lyon Vision Solidaire » sur le thème « Solidarité et mobilité »Michèle Vullien
Au sein du Grand Lyon, Michèle Vullien est chargée de la coordination du pôle politique mobilité et déplacements. Elle est notamment impliquée dans :
- la politique des transports collectifs dans l’agglomération,
- la coordination avec les autres autorités organisatrices de transports (hors du périmètre Communauté urbaine),
- le suivi du plan des déplacements urbains (PDU),
- le suivi du projet REAL (ouest lyonnais, Jean Macé…),
- les relations avec le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et
 l’agglomération lyonnaise (Sytral),
- les relations avec la SNCF (usages grandes lignes et TER),
- le développement des couloirs de bus,
- les gares lyonnaises (Part-Dieu, Perrache) et péri-urbaines,
- les parcs-relais et pôles d’échanges,
- l’accessibilité des personnes en situation de handicap aux transports en commun (CIA)
- et le transport de marchandises en ville.

Solidarité et solidarité intercommunale

Que signifie pour vous, vice présidente de la Communauté urbaine en charge des déplacements et de la mobilité, le mot solidarité ?
La solidarité, c’est permettre à chaque citoyen un accès aux mêmes droits et aux mêmes services. Je pense bien sûr à l’accès aux soins, mais aussi à l’emploi, à la formation, au logement, à la culture et aux loisirs. On voit bien que pour tous les aspects de la vie, le déplacement est un vecteur fort de solidarité. La solidarité commence par la possibilité de se déplacer pour tous les actes de la vie quotidienne. Pour avoir accès aux services, il faut pouvoir se déplacer. Et, si votre déplacement est impossible, il faut savoir qui se déplace vers vous, je pense par exemple à l’ADMR qui se rend au domicile des personnes âgées isolées.

Quelque soit la situation familiale, l’âge, ou l’état de santé des citoyens, la solidarité consiste à organiser les services pour ne laisser personne au bord de la route. On mesure l’importance de l’attention particulière à porter envers les plus fragiles, peut-être les 20% de la population les plus en difficulté.

En ce qui concerne la Communauté urbaine, je pense que toutes ses missions ont un caractère solidaire, y compris la voirie. Lorsque l’on garantit un égal traitement sur l’ensemble du territoire, on ne laisse personne de côté. Et la voirie est d’autant plus importante qu’elle conditionne les transports en commun. Le travail en cours de la conférence des maires sur le point si crucial qu’est le développement économique est un travail qui va dans le sens de la solidarité. Il interroge les zones d’emploi et les types d’emplois, mais aussi les moyens pour y accéder et les dispositifs d’insertion.
La question de l’accès est centrale. Si l’on prend l’exemple de l’accès aux soins, il est certain que l’on ne va pas construire un grand centre hospitalier dans chaque commune de l’agglomération, et l’on voit bien que la question essentielle est plutôt celle de l’accès de tous aux grands centres hospitaliers de l’agglomération. Le même raisonnement vaut pour les universités, les grands équipements ou encore les zones d’emploi. C’est pourquoi par exemple je pense que la desserte des hôpitaux de Lyon Sud est une priorité. Ces raisonnements présentent un caractère solidaire, mais aussi écologique. En effet, faciliter par les transports en commun l’accès de tous aux services et à l’emploi, c’est permettre aux gens du centre ville de ne plus avoir besoin de voiture et à ceux de la périphérie de se passer d’une voiture sur deux.
Comment avez-vous mis en œuvre une politique de solidarité dans votre délégation, avec quelles réussites et quelles limites ?

Le PDU - Plan des déplacements urbains est un outil de solidarité dans le sens ou il contraint à de l’anticipation, à des choix car les budgets ne sont pas extensibles et donc à la définition de priorités qui se font dans un souci d’équité, et l’équité c’est de la solidarité. Par exemple, avec le projet Atoubus, nous avons remis à plat les 1000 bus de l’agglomération, étudié 400 secteurs et analysé l’offre existante et son utilisation pour définir une stratégie de rééquilibrage. Ce fut un long travail de pédagogie et de communication et nous n’avons laissé aucune zone isolée. Notre volonté est de couvrir le territoire de façon équitable et permanente. C’est pourquoi aussi lorsque les personnels font jouer, tout à fait légitimement, leur droit de retrait, on met en place des solutions pour maintenir l’offre de transport en ayant même parfois recours aux services de Police pour ne pas laisser les gens sans possibilité de déplacement.
Les PDE – Plan de Déplacement d’Entreprise et les PDIE - Plan de Déplacement Inter-Entreprises, sont également des outils de solidarité. Lorsque l’on favorise le covoiturage et l’utilisation des modes doux, ou encore lorsque des navettes sont mises en place pour les salariés à horaires décalés, on améliore la mobilité et c’est de la solidarité. Autre exemple, le travail, conduit actuellement par le Sytral et le Grand Lyon avec l’Espace des temps, sur l’organisation des temps de mobilité participe également d’une politique de solidarité. Le principe est de faciliter la vie des gens, et notamment celle de ceux qui doivent beaucoup se déplacer, en proposant une offre de services faciles d’accès en gare ou dans les stations de métro. On site souvent la récupération des paniers Bio, mais c’est aussi la possibilité de récupérer des commandes faites par Internet, de trouver une pharmacie ouverte, un espace wifi, ou encore la proximité d’une crèche, d’un service de bibliothèque ou de consignes. Par exemple, nous avons soutenu l’idée d’implantation de PIMMS – Point Information Médiation Multi Services - dans les gares pour aider les citoyens dans leurs démarches administratives. Comme dernier exemple de mise en œuvre de politiques solidaires dans le cadre de ma délégation, je citerai volontiers le travail du réseau de conseil en mobilité à l’attention des plus fragiles que j’anime, le RECOM. En tant que Conseillère générale, j’avais remarqué ô combien le réseau de transport en commun et de ses modalités d’accès était méconnu par nombre de travailleurs sociaux. C’est pourquoi, je travaille avec les assistantes sociales du département sur la notion d’accompagnement à la mobilité, une compétence essentielle notamment pour les personnes en recherche d’emploi. Avec le Sytral, nous conduisons également un travail d’accompagnement à la mobilité pour les utilisateurs d’Optibus afin d’inciter ceux qui peuvent désormais utiliser le réseau classique, compte tenu des améliorations qui lui ont été apportées, de le faire par leurs propres moyens et en toute liberté et d’offrir un plus large service à ceux qui sont contraints d’utiliser Optibus.

Le désenclavement des grands quartiers d’habitat social par les transports en commun est une réalité dans le Grand Lyon. Comment cet objectif s’est imposé dans les politiques communautaires ? Est-ce le fruit d’une stratégie politique d’agglomération ? L’expression d’une solidarité entre communes ou pour les populations des quartiers populaires ?
Il est vrai qu’aujourd’hui l’ensemble des grands quartiers d’habitat sont bien desservis par les transports en commun et je crois pouvoir dire que c’est une caractéristique forte de notre agglomération que beaucoup nous envient. Cependant, dans notre agglomération, et comme probablement dans d’autres, nous ne sommes en fait qu’une poignée d’élus à être véritablement volontaristes sur ces questions de solidarité. Pour Bernard Rivalta, le Président du Sytral, Georges Barriol, son Vice Président ou moi-même, c’est effectivement l’expression d’une solidarité. Mais aujourd’hui comme hier, il n’y a pas de grandes expressions sur la solidarité au sein de la Communauté urbaine. Nous raisonnons d’abord en termes de volumes car c’est bien en fonction des volumes potentiels que l’on va développer plutôt une ligne forte ou un métro, et ces arguments ne sont pas contestables. Avec la révision générale du PLU qui est lancée, on voit bien que les actes posés concernent le désenclavement des communes de première ou deuxième couronne qui ont des morphologies différentes selon qu’elles abritent des grands ensembles ou de l’habitat plus pavillonnaire, mais qui sont à même distance de la ville centre. Je n’aime pas le terme de banlieue trop stigmatisé et réductrice, et préfère employer celui de communes environnantes.

Quel est le territoire le plus pertinent pour mener une politique de déplacement et de mobilité ?
Une telle politique a différentes géométries. Elle se décline nécessairement à différentes échelles. Cependant, le territoire qui s’impose désormais est celui de la métropole, du bassin de vie. REAL, le Réseau Express de l'Aire métropolitaine Lyonnaise a pour objectif d'améliorer et d'unifier des lignes ferroviaires de transport en commun de l’aire urbaine lyonnaise. Certaines lignes sont difficiles à mettre en œuvre, l’aéroport n’est pas intégré à ce jour dans le pôle métropolitain, mais il ne faut pas attendre que ces incohérences soient réglées pour agir. A l’évidence, la métropole d’intérêt européen sera l’échelon pertinent et les incohérences s’effaceront progressivement. Il faut du temps pour que de tels changements s’opèrent, mais nous ne devons pas rester inactif pour autant, au contraire, il faut aller de l’avant !

Egalité d’accès aux services et principe d’équité

Que signifie pour vous, vice présidente de la Communauté urbaine, le principe d’équité ?

Je l’ai dis, l’équité c’est de la solidarité. Equité et solidarité sont des mots cousins. L’équité consiste à prendre en compte l’ensemble des citoyens quelque soit leur âge, leur situation familiale, ou leur état de santé.

La politique tarifaire du Sytral est-elle équitable ?
En tous cas elle est pensée comme telle. Nous avons pris la décision de suivre l’inflation, préférant ainsi une progression régulière plutôt que d’imposer régulièrement des changements trop importants. Il me semble que cette décision est raisonnable compte tenu de la situation économique. Nous avons développé par ailleurs une gamme tarifaire sociale en fonction du statut des personnes.

Un système de tarification solidaire comme l’ont mis en place les agglomérations de Dunkerque puis Grenoble, où l’on ne se polarise plus sur le statut de l’usager (retraité, etc.), assez injuste parce qu’au sein d’un même statut il peut y avoir des écarts importants, mais sur ses ressources réelles, mesurées par le Quotient Familial, vous paraît-il intéressant ? Le Grand Lyon pourrait-il par le biais du SYTRAL mettre en œuvre un tel système ?

Nous avions conduit une étude pour connaitre les différents systèmes de tarification dans les transports publics appliqués en France. Et en étudiant celui qui pouvait le mieux s’adapter à la taille de l’agglomération lyonnaise et à l’organisation de ses transports, nous avions conclu que le système actuel était le plus pertinent. Il est plus simple et nous avons préféré faire le choix d’une gamme de prix plutôt basse par rapport à d’autres agglomérations et du principe du ticket unique pour un trajet. Notons qu’à Paris ou à Londres, lorsque l’on quitte le métro pour prendre un bus, il faut repayer. A Lyon, un seul ticket suffit.

Par ailleurs, ce n’est pas à la seule structure organisatrice des transports de s’impliquer sur les questions de solidarité. Les CCAS des mairies ou le Conseil général doivent pouvoir intervenir également en ce sens pour effectivement limiter les injustices au cas par cas. Les assistantes sociales devraient pouvoir mieux aider les personnes dans leur mobilité. Avec la création de la métropole d’intérêt européen nous pourrons probablement mieux coordonner les actions en faveur de la mobilité des plus fragiles.

La production du service de transport en commun est beaucoup plus élevée dans les communes les plus éloignées du centre ville et pourtant le prix du service de transport pour l’usager n’est pas plus élevé. Est-ce l’expression d’une solidarité communautaire ? Ou au contraire, doit on penser que la suppression de la tarification à la distance est une erreur ?
Nous avons fait le choix d’appliquer un même tarif quelque soit l’endroit d’où l’on part et celui où l’on va. Ainsi, quelque soit la longueur du trajet, le tarif est identique. Certains, qui n’utilisent un transport que pour un ou deux arrêts, souhaiteraient bénéficier d’un tarif réduit. Cependant un tel système, non seulement poserait des problèmes de contrôle, mais surtout nécessiterait d’augmenter les tarifs des trajets les plus longs. Or, il nous semble plus équitable de ne pas pénaliser celui qui habite ou travaille loin.

Les communes du Grand Lyon contribuent-elles de manière équitable au coût des transports publics ?

Le transport est financé par le versement transport des entreprises de plus de neuf salariés, pour une petite part par les usagers et pour beaucoup par les collectivités locales et principalement le Grand Lyon. Les communes de l’agglomération qui sont sur le périmètre « transport urbain » sont contributrices par l’intermédiaire du Grand Lyon qui verse une subvention au SYTRAL. Et, les  contributions des communes au Grand Lyon ne sont pas ciblées commune par commune au titre du transport.  

Récemment, le SYTRAL a menacé de ne plus desservir 7 communes extérieures à son périmètre (dont Genas, Vaugneray…) : en cause, le coût élevé de ces lignes au regard de leur participation financière. Comment interpréter cela en termes de solidarité ?

Ces communes, que l’on nomme communes associées car elles ne sont pas sur le territoire de l’agglomération, doivent verser une contribution pour bénéficier des transports urbains. Elles n’ont pas souhaité s’engager à nouveau et signer une nouvelle charte avec le SYTRAL, et je regrette leur choix. Cependant, je ne suis pas très inquiète car je suis convaincue que le réseau de transport sera amené à s’étendre et que ces questions seront reposées.

Les enjeux de solidarité pour demain

Quels sont selon vous les enjeux de solidarité de la Communauté urbaine pour demain ?J

e pense qu’à un moment donné, la Collectivité publique devra se doter de réels outils de maitrise du foncier pour limiter les prix de l’immobilier car plus que les coûts de construction, c’est bien le coût du foncier qui est particulièrement exponentiel. L’enjeu de maitrise publique du foncier est le plus crucial enjeu devant nous. Il nous faut maitriser l’étalement urbain et mieux conjuguer les zones d’emploi et d’habitation pour diminuer les trajets pendulaires. Ce n’est que par une maitrise foncière que l’on pourra garder en ville des ménages qui aujourd’hui partent vivre dans le périurbain et favoriser l’accès à l’emploi par une meilleure adéquation entre l’emploi et l’habitat dans une métropole multipolaire.

Comment s’envisage aujourd’hui le développement des transports dans  les zones périurbaines  ?
La question est complexe, c’est en fait celle de l’œuf et de la poule qui n’a jamais été résolue ! Faut-il d’abord créer le réseau lourd de transport pour inciter des constructions le long d’un axe bien défini, ou au contraire, faut-il s’adapter au développement de différentes zones d’habitation ?

Les décisions sont difficiles et les expériences pas toujours concluantes. Je pense notamment au projet « Eole ». Il y a une vraie difficulté à anticiper l’avenir. On a bien vu également combien il était difficile de travailler sur le prolongement du T3 jusqu’à l’aéroport, dans l’Isère, et les questions particulièrement complexes de répartition des financements qu’une telle opération pouvait engendrer. Les élus n’ont pas tous la même vision des enjeux, ne sont pas tous au même niveau d’appréhension des évolutions qui se dessinent dans les métropoles. Apprendre à dépasser son fonds de commerce pour comprendre les envies du territoire voisin nécessite un apprentissage et de fait, une volonté d’apprendre et du temps. Il est vrai aussi que le Grand Lyon a développé une vraie réflexion depuis plusieurs années et qu’il a souvent une longueur d’avance sur d’autres agglomérations ou territoires moins engagés sur ces questionnements. Cette avance n’est d’ailleurs pas toujours un atout, car à être trop en avance on génère souvent de la peur ou à minima des inquiétudes.

Les liaisons banlieues - centre ville sont très appréciées dans le territoire de l’agglomération. Cependant, les liaisons entre banlieues et avec les secteurs d’emploi semblent plus difficiles, tant en termes de réseau que de fonctionnement du réseau, au niveau des horaires notamment. N’est-ce pas les axes d’amélioration à prioriser dorénavant ?

De l’étoile à la toile : nous travaillons déjà sur ces objectifs et c’est effectivement un des axes prioritaire de notre politique pour demain. Il faudra du temps car nous voulons construire le projet sur les vrais besoins. Un travail fin se fait au SYTRAL en ce sens. Et bien sûr, il y aura de belles réussites mais des échecs sont aussi prévisibles. Maire de Dardilly et alors Vice Présidente du technopôle TECHLID, j’avais travaillé à la mise en place de lignes entre le technopole et les gares. Cependant comme les trains n’ont pas suivi, le projet n’a pu être viable. Mais je ne désespère pas, ce type de projet s’imposera à tous car ils vont dans le sens de l’évolution de la vie des gens et de la société.