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Histoire de l'usine Bonnet de Jujurieux

Interview de Henri PANSU

<< Les premières causes de l’établissement de l’usine pensionnat sont techniques : il s’agit de rassembler en un même lieu fermé toutes les opérations de la soierie permettant la maîtrise complète du processus de fabrication >>.

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Date : 15/03/2011

Propos recueillis par Stéphane Autran le 3 février et le 15 mars 2011

Claude-Joseph Bonnet et l’usine-pensionnat de Jujurieux

 

Quelle est la politique industrielle de l’entreprise Bonnet au temps de son fondateur Claude-Joseph Bonnet ?

Claude-Joseph Bonnet prend simultanément ou successivement trois initiatives. L’industrialisation et la création d’un pensionnat industriel puis, plus tardivement, la délocalisation des métiers à domicile. Après avoir créé sa maison de fabrique à Lyon en 1810, vingt-cinq ans après, il fonde son usine à Jujurieux, dans l’Ain, en 1835, avec une mécanisation légère (celle de la filature et du moulinage) ; ses successeurs la relaieront par une mécanisation plus lourde (celle du tissage). En même temps, Bonnet organise, en 1837, un pensionnat industriel dans son usine. Enfin, un peu plus tardivement, à partir de 1850, il opère une délocalisation par rapport à Lyon, en mettant en place un tissage rural à domicile. Le tout est implanté à Jujurieux et pour les métiers à domicile, dans le village de Jujurieux et aux alentours. Bonnet cherche à produire les meilleures soies et il veut maîtriser tous les stades de la production : filature, moulinage, tissage. Ce nouveau savoir-faire (concernant la filature et le moulinage) ne l’empêche pas de  conserver ses fournisseurs de soie, les marchands de soie lyonnais, les mouliniers de la vallée du Rhône, les filateurs de l’Ardèche et du Gard. Il ne peut produire tout seul toute la quantité de fils de soie nécessaire aux tisseurs qu’il emploie à Lyon et à Jujurieux. Mais en ce qui concerne la filature et le moulinage, à chaque étape de la fabrication, il peut exiger la meilleure qualité possible car il connaît désormais les techniques : il est filateur et moulinier lui-même.
 
Bonnet s’essaie à la teinture. Pourra-t-il discuter, de la même façon, avec ses fournisseurs Gillet et Martin, qu’il met d’ailleurs en concurrence ? Mais Gillet utilise les eaux de la Saône ou de la vallée du Giers, Martin, celles de la Loire à Roanne, beaucoup moins calcaires ou même pas du tout, que celles de Jujurieux. Ses successeurs qui s’y sont essayés à leur tour, constatent que la teinture, compliquée de surcroît par le développement de la chimie, est vraiment un métier différent.

Le marché est déjà international. Au début de la carrière de Claude-Joseph Bonnet, l’entreprise exporte d’abord vers l’Allemagne, les pays de l’Europe centrale et la Russie. Ensuite, le marché anglo-saxon prend le relais et l’Angleterre, en particulier, devient un grand redistributeur dans le monde entier. Les successeurs de Claude-Joseph se sont encore développés sur le marché international.

Bonnet fait partie de la petite dizaine de soyeux lyonnais, fabricants d’étoffes unies, qui vendent aux grands magasins parisiens : les Grands Magasins du Louvre, le Printemps, le Bon Marché principalement. Des ventes massives et à grand tapage d’étoffes de marque, portant généralement le nom du fabricant, se sont développées entre 1865 et 1885, les  successeurs de Claude-Joseph Bonnet continuant et développant cette politique. Les grands magasins court-circuitent les canaux traditionnels de distribution, en particulier les commissionnaires en soierie. Ils se vantent d’acheter au prix de fabrique, directement au fabricant pour vendre au client final.

Du vivant de Claude-Joseph Bonnet, l’entreprise n’est implantée qu’à Lyon et à Jujurieux. Ses successeurs créent à la fin du XIXe siècle une petite usine de préparation et d’essais à la Croix-Rousse à Lyon (avec un pensionnat d’une trentaine d’ourdisseuses). Est-ce pour se faire pardonner ce que nous appelons la délocalisation ? Puis ils créent deux usines de tissage mécanique, l’une à Voiron, dans l’Isère, l’autre à Paesana, en Piémont, sur le versant italien des Alpes. A la même époque, ils organisent des achats de cocons en Perse. En 1910, ils acquièrent une filature à Uzès, dans le Gard. (Entre les deux guerres mondiales, une usine de tissage sera même implantée en Pologne). Si l’on ajoute que leurs étoffes s’exportent partout dans le monde, on peut dire que la maison Bonnet est alors à la tête d’un véritable empire industriel.

 

Quelle est la raison qui a poussé Bonnet à créer une usine hors de Lyon ?

Bonnet avait plusieurs raisons d’implanter cette usine à la campagne. D’une manière générale, on ne lance pas dans une entreprise d’envergure pour une seule raison.

Les premières causes sont techniques et économiques. Répétons-le, il s’agit de rassembler en un même lieu fermé toutes les opérations de la soierie permettant la maîtrise complète du processus de fabrication. D’autre part, une usine bien gardée permet de protéger certains secrets de fabrication et d’éviter le vol de soie, appelé « piquage d’once », « une plaie de l’industrie lyonnaise » (Arlès-Dufour) car la soie est alors une matière première chère. Les secrets de fabrication sont protégés à Jujurieux : M. Gélibert, le patron du moulinage, ne montre pas son savoir-faire à tout le monde.

Au départ, l’usine-pensionnat, dans laquelle des ouvrières sont « enfermées », est donc vécue comme une commodité. C’est ce qu’explique Bonnet au jeune industriel mulhousien, Auguste Lalance, en visite à Jujurieux, en 1851. Il me semble qu’il y a eu ensuite évolution : au début, Bonnet trouve un bon procédé et peu à peu, comme on lui tresse des couronnes, il se prend au jeu et se persuade qu’il accomplit une véritable oeuvre, je ne dis pas une bonne oeuvre, mais une grande oeuvre.

Les raisons sociales sont cependant à considérer. L’incidence des révoltes des canuts de 1831-1834 n’est pas à nier, mais a été, dans le cas de Bonnet, très secondaire. D’autres que lui ont pu installer, dès cette époque, des métiers à la campagne de façon significative, plutôt en métiers à domicile, d’ailleurs : le fait est signalé par les préfets. A Jujurieux, 68 jeunes tisseuses sur métiers à bras dans l’usine produisent moins cher et sont dociles, c’est vrai. Mais elles ne représentent qu’à peine un quart des pensionnaires et même pas le dixième des tisseurs occupés à Lyon par Bonnet à cette époque. Elles ne sont plus que 44 après 1848. Ce n’est pas très significatif.

En revanche, Bonnet a délocalisé une partie - une partie seulement - de la production de ses étoffes de soie après les troubles politiques et sociaux de la révolution de 1848. La mise en place de ces métiers à domicile à Jujurieux et aux environs va occuper plus de 500 personnes. C’est une petite nébuleuse qui se diffuse à travers tout le canton. Nous avons pu nous assurer que le coût de fabrication était un peu moins élevé qu’à Lyon.   

Le tissage rural n’est donc pas forcément un tissage en usine. Dans l’Isère, dans l’Ain ou dans l’Ouest lyonnais où il est très disséminé, il ne se fait pas en usine, la plupart du temps. Dans le même ordre d’idées, on peut relever ce qu’a établi l’historien Pierre Cayez : vers 1860-1890, plusieurs centaines de maisons lyonnaises de soieries n’ont pas d’usine, soixante-huit seulement en possèdent. Une minorité par conséquent. Encore faudrait-il savoir ce qui se faisait exactement dans ces usines, puisque, à, Jujurieux, par exemple, le tissage ne devient important qu’au cours des années 1880, avec l’introduction d’un tissage mécanique ; et il faudrait savoir d’autre part combien de maisons traditionnelles sans usine occupent de métiers à bras et à domicile, à la campagne. L’organisation et l’historique de la Fabrique lyonnaise de soieries est quelque chose de très compliqué !  

 

Quelles sont les raisons qui poussent l’entreprise Bonnet à s’installer précisément à Jujurieux ?

Bonnet s’installe à Jujurieux car c’est son pays natal. Il est heureux d’apporter l’aisance à son pays. Il n’en est pas à son coup d’essai puisqu’en 1829, il a contribué, avec quelques confrères à créer un moulinage à la Guillotière et que lui-même en a établi un autre, la même année à Cerdon, dans l’Ain, non loin de Jujurieux. Sur ces entrefaites, il perd son père et son épouse alors qu’il se promettait de se retirer à Jujurieux, une fois fortune faite. Finalement, il ne s’est jamais arrêté de travailler. Il est resté jusqu’à sa mort, en 1867, à la tête de son entreprise dont il était l’unique propriétaire. Ses successeurs se sont constitués en société en nom collectif et par la suite en société anonyme, la direction générale et ses bureaux restant toujours à Lyon.

Je pense que Claude-Joseph Bonnet a voulu imiter les Lempereur, des marchands toiliers installés dans la vallée de l’Albarine, en Bugey, plus précisément à Tenay. Leurs entreprises de filature avaient transformé une vallée jusque-là très pauvre. Jean-Pierre Lempereur, établi à Lyon, fut justement un des bailleurs de fonds de Bonnet à ses débuts.

 

Est-ce que les tisseurs lyonnais se plaignent de la concurrence d’une telle usine ?

En 1848, après la révolution qui entraîne une chute des affaires, une partie des tisseurs lyonnais est au chômage. De violentes revendications apparaissent : des ouvriers lyonnais se plaignent et veulent même brûler la fabrique de Jujurieux. La maison Bonnet les invite à venir sur place pour constater que le site est avant tout consacré à la préparation des soies. Nous avons dit que sur 300 ouvrières pensionnaires, il y a seulement 68 tisseuses et le travail est alors arrêté. Et nous avons dit aussi que, d’ici à la mort de Claude-Joseph Bonnet, l’atelier de tissage à bras, dans l’usine va être réduit à 44 métiers. Les critiques des ouvriers lyonnais, considérant que la fabrique de Jujurieux leur cause du tort, sont donc exagérées, voire inexactes, à cette époque. En revanche, avec le développement du tissage à domicile après 1848, ces revendications vont être peu à peu justifiées. J’ai ainsi retrouvé aux Archives municipales de Lyon une affiche collée sur les murs de la Croix-Rousse en 1866, arrachée par la police, qui se termine par la phrase suivante : « Je cite le plus grand scélérat qui a monté le premier les métiers en campagne, Monsieur Bonnet, sans oublier Monsieur Bréband et Salomon, je ne cite que ces deux coquins aujourd’hui, il y en a une trentaine sur la place de Lyon ». Néanmoins, à sa mort, en 1867, Claude-Joseph Bonnet occupe plus de tisseurs ou de tisseuses à Lyon, environ 900, qu’à Jujurieux. Et ses successeurs, 800  encore, en 1880.

Bonnet a donc développé, à partir de 1850, le tissage à domicile à Jujurieux et dans les environs. Beaucoup de filles de paysans se mettent à tisser à la maison sans avoir été auparavant pensionnaires à l’usine. Le tissage à domicile n’est pas une conséquence du pensionnat. L’essaimage de métiers à domicile à Jujurieux et aux alentours permet de les faire gérer par l’usine (« visite » des métiers par des commis de ronde ou « rondiers », réception des pièces tissées etc.). L’usine est un relais du siège de Lyon.

Claude-Joseph Bonnet n’a pas installé de métiers mécaniques à l’usine. Cependant, ses successeurs vont bénéficier du site industriel existant et l’aménager, en créant une, puis deux grandes salles de tissage mécanique. Ils proposent à des ouvrières tissant à domicile de venir travailler sur ces nouveaux métiers. Le recrutement est tout trouvé. L’usine se divise alors en deux parties : d’une part, les pensionnaires, qui n’y restent que quelques années, se consacrent plus que jamais à la préparation des soies ; d’autre part, le personnel externe qui prend une certaine importance : les tisseuses ainsi que des mécaniciens en plus grand nombre qu’avant. Cette innovation purement technique, au départ, a du retentissement sur la vie du village. En effet, les dirigeants de la maison Bonnet, s’estimant responsables, devant les familles, de la moralité des pensionnaires, imposent à leur personnel externe certaines contraintes morales ou religieuses - comme celles d’aller à la messe ou d’envoyer leurs enfants à l’école confessionnelle - contraintes qui ne furent pas, dans le village, du goût de tout le monde. Il s’en est suivi à Jujurieux, dont les trois quarts des habitants étaient occupés par l’usine, des divisions qui ont longtemps marqué les esprits. Mais cette division est inconnue - et pour cause -  à l’époque de Claude-Joseph Bonnet.

 

L’industriel s’est-il inspiré d’autres exemples connus pour créer son pensionnat ?

Claude-Joseph Bonnet n’est pas un intellectuel ni un théoricien, il agit de façon pragmatique en s’inspirant de ce qu’il a observé autour de lui. On s’est demandé s’il s’était inspiré des entreprises textiles de Mulhouse, célèbres pour leur paternalisme. Il est inutile d’aller chercher si loin. On a dénombré plusieurs petits pensionnats industriels dans la région lyonnaise à la fin du XVIIIe siècle. Vers 1830, il existe à Saint-Rambert l’Ile Barbe, tout près de Lyon, une usine-pensionnat de petits garçons appelée «l a Sauvagère ». Elle ne dure que quelques décennies, mais c’est la première fois que ce type d’organisation se rencontre dans le travail de la soie.

 

Comment s’organise l’usine Bonnet de Jujurieux ?

L’organisation de l’entreprise est complexe. Outre la direction générale établie à Lyon, il y a sur place au moins quatre autorités : le directeur de l’usine, la supérieure de la communauté des religieuses, l’aumônier et le premier domestique de la maison directoriale. Ce dernier a pour rôle de faire des achats de denrées alimentaires pour le pensionnat. Ces diverses autorités entrent parfois en concurrence les unes avec les autres.
L’usine est très hiérarchisée. « Messieurs les employés de la maison Bonnet » sont considérés comme l’aristocratie de l’usine et quelques-uns constituent de petites dynasties. La production est organisée autour des chefs d’ateliers, puis des maîtresses ou contremaîtresses et enfin des simples ouvrières. Les sœurs s’occupent plus spécialement du pensionnat et des inévitables exercices religieux. Elles passent dans les ateliers, s’assurent que tout se passe bien et qu’il règne un bon esprit. Certaines religieuses, anciennes ouvrières, peuvent donner quelques conseils. Mais ce ne sont pas des contremaîtresses.

Claude-Joseph Bonnet a été directeur de l’usine de Jujurieux pendant environ quatre ans, après le départ à la retraite de son gendre Joseph Cottin, en 1850 (pour raisons de santé et par désir de se donner de nouveaux buts dans l’existence). Bonnet ne lui trouve pas tout de suite un remplaçant, de la même stature. Dans un premier temps, il vient lui-même s’établir à Jujurieux, tout en se rendant à Lyon assez régulièrement, l’inverse de ce qu’il faisait avant. Puis, il jette son dévolu sur un neveu capable de le remplacer quotidiennement, à la tête de cette « grande famille » que constituent l’établissement en général et le pensionnat en particulier. Bonnet retourne ensuite à Lyon. Il se rend bien compte que, pour lui, c’est à Lyon que tout se décide.

Lorsqu’il est directeur de l’usine de Jujurieux, Bonnet s’implique personnellement dans l’approvisionnement du pensionnat. Il est soucieux d’en moderniser la gestion. Il est proche de ses ouvrières, il organise leurs distractions, comme des excursions à Bourg-en-Bresse. Par ailleurs, et depuis ses origines, la manufacture de Jujurieux est visitée. Elle l’est d’autant plus lorsque la réputation de l’établissement s’est étendue.

 

Comment l’entreprise recrute-elle son personnel pensionnaire ?

Le village de Jujurieux et ses alentours ne peuvent fournir les deux cents pensionnaires qui sont réunies dès le départ, en 1837, et dont le nombre ne fera qu’augmenter. Une grande partie d’entre elles viennent d’abord de l’hospice de la Charité de Lyon. Et c’est ainsi que les recteurs de la Charité viennent visiter régulièrement ces enfants. La proportion des ouvrières des hospices diminuera progressivement. Bonnet s’est lié d’amitié avec Bernard Cathelin, le chef du bureau des enfants trouvés de l’hospice de la Charité. Félix Cathelin, son fils, entre dans l’entreprise Bonnet, à Lyon. Il est promu chef des ventes, l’un des bras droits de Claude-Joseph Bonnet et il devient l’un des associés de la maison, après 1867.

L’entreprise va chercher ensuite des enfants dans les régions alentours, en Bugey, en Bresse, en Savoie, etc. Les religieuses de Saint-Joseph de Bourg tiennent de petites écoles et des dispensaires dans tout le département. Les sœurs vont souvent « envoyer des filles » à Jujurieux.  

Les ouvrières pensionnaires entrent à l’usine à 13 ans, voire 12 ans si elles ont passé le certificat d’études, créé en 1874. Il n’y a pas d’école à l’usine. Il existe deux écoles privées confessionnelles à proximité, fondées en deux temps par les industriels, mais elles ne concernent pas les ouvrières-pensionnaires. A partir de 1882 et les lois de Jules Ferry, le recrutement des ouvrières-pensionnaires se fait après la scolarité obligatoire.

L’ouverture d’une chapelle à l’intérieur de l’usine a nécessité l’autorisation de l’évêque qui ne l’a pas accordée facilement. D’autre part, le curé du village veut bien que l’on détache un vicaire, mais à condition qu’il n’appartienne plus à la paroisse. Il préfère que tout soit bien séparé.

L’usine de Jujurieux compte, à la mort de Claude-Joseph Bonnet, en 1867, plus de 600 personnes, dont 550 ouvrières pensionnaires et une soixantaine d’employés, ouvriers-mécaniciens et domestiques divers. On estime que l’entreprise Bonnet fait travailler 1200 personnes, au total, à Jujurieux et aux alentours, et 1400 personnes à Lyon. Les ouvrières- pensionnaires restent cinq ans en moyenne. Les registres du personnel, pour cette époque ayant disparu, il est impossible de savoir précisément combien de pensionnaires sont venues travailler à Jujurieux. Mais le chiffre est sûrement très élevé. On ne connaît que les listes de recensement de la commune, établies seulement tous les cinq ans, où sont répertoriés les pensionnaires.

La plus grande partie des archives de l’entreprise Bonnet concernant le XIXe siècle ont, en effet, disparu. Les causes principales en sont l’incendie de 1888 qui dévasta le plus ancien bâtiment de l’usine, alors en grande partie désaffecté, et les livraisons de « vieux papiers » rendues nécessaires par les pénuries du temps de la Seconde Guerre mondiale.

 

Le modèle du pensionnat a-il été copié ?

On a recensé quatre petites usines-pensionnats dans le Bugey du XIXe siècle, dont l’existence a été plus ou moins longue. Deux d’entre elles ont subi l’influence de Jujurieux, notamment celle du fabricant lyonnais Emile Duchamp, à Neuville-sur-Ain. Petit-fils de Claude-Joseph Bonnet, il commença sa carrière chez ses cousins des Etablissements « Les petit-fils de C.J. Bonnet et Cie » et fabriquait des étoffes de soie variées. Par ailleurs, l’usine de Vaux-en-Bugey a fonctionné assez longtemps, elle fabriquait du fil d’or pour la passementerie avant d’être reconvertie beaucoup plus tard dans la fabrication de câbles électriques. Mais nous ne savons pas si cette dernière s’est inspirée de Jujurieux. Les usines de Saint-Rambert-en-Bugey, dans la vallée de l’Albarine ne disposaient pas de pensionnat et les lieux de fabrication de la région de Nantua, étaient des ateliers à domicile, surveillés par des contremaîtres rendant compte à divers entrepreneurs lyonnais.

En revanche, dans les années 1880, une quarantaine d’usines-pensionnats fleurirent dans l’Isère, en Nord Dauphiné, dans la région de Bourgoin, La Tour du Pin, Morestel, qui fonctionnèrent au moins jusqu’à la guerre de 1914. Le musée de Bourgoin-Jallieu expose une carte de ces usines pensionnats. Il est difficile de dire si, elles ont copié Jujurieux. On peut observer que, dans la plupart des cas, les pensionnaires dauphinoises viennent travailler pendant la semaine et rentrent chez elles le dimanche. A Jujurieux, ce phénomène apparaît à la fin du siècle seulement, grâce au développement des moyens de locomotion et des transports locaux et peut-être aussi sous l’influence de ces usines ! Dans ce cas, il s’agirait d’une influence en sens inverse. Ce sont là des hypothèses plausibles. A Jujurieux, à la fin du siècle, il est de fait que sur les 600 ou 650 pensionnaires, une centaine sont alors des « demi-internes ». D’autre part, contrairement à Jujurieux qui est resté un site isolé, les fabriques de l’Isère ne sont pas très éloignées les unes des autres. Il y a davantage de circulation et d’échanges entre les personnels des différentes entreprises. De ce fait, il y a eu des mouvements sociaux qu’on ne peut pas imaginer à Jujurieux, où l’on ne peut en relever qu’un, très bref, en 1896, chez les tisseuses externes.

C’est le phénomène lyonnais qui a généré ces entreprises. L’usine-pensionnat de Jujurieux est l’une des plus anciennes, certainement la plus importante en effectifs et celle qui a duré le plus longtemps. A Monboucher, près de Montélimar, dans la Drôme, l’entreprise Lacroix qui crée, au milieu du siècle, une filature et un moulinage de soie, cherche à s’inspirer de l’usine de Jujurieux pour l’organisation d’un pensionnat et correspond avec elle.  

 

Quel type de relation Bonnet entretient-il avec son personnel ouvrier à l’usine-pensionnat ?
 
Bonnet parle peu de ses ouvrières dans les lettres que nous conservons de lui. Ce n’est pas un industriel qui s’exprime beaucoup, en tenant un journal par exemple. Son petit-fils et successeur Cyrille Cottin a laissé des notes personnelles, dans lesquelles il s’interroge surtout sur la manière de conduire l’entreprise et sur le comportement à cet égard de ses associés, mais il ne parle pas de façon concrète et précise des ouvrières. Quant à Claude-Joseph Bonnet, les rares fois où il parle de ses ouvrières, il le fait avec sympathie, lorsqu’il organise ou fait organiser, par exemple, une sorte de kermesse annuelle.

Chez Claude-Joseph Bonnet, l’éducation morale et la transmission d’un savoir précis à ses ouvrières, à « ses chères élèves », pour reprendre l’expression du journaliste Julien Turgan visitant Jujurieux en 1866 ou 1867, est sans doute devenu un motif plus noble que le simple désir d’enrichissement du capitaine d’industrie, sentiment qu’il a éprouvé aussi. Claude-Joseph Bonnet est le créateur pour ses ouvriers, d’abord à Lyon, puis à Jujurieux, de primes à la qualité de fabrication et non au rendement. Ce qui correspond à une certaine éthique qui n’était pas forcément dépassée.

L’entreprise paie peu ses ouvrières pensionnaires mais celles-ci dépensent également peu et se constituent une dot qui atteint un montant significatif au XIXe siècle. Les ouvrières de Bonnet sont des partis recherchés : elles disposent pour leur mariage d’une dot de 1400 F, en moyenne, comparable aux avoirs d’un ouvrier lyonnais. Elles ont également la réputation d’être des filles sérieuses et travailleuses. Une relation d’estime s’établit avec les chefs de Jujurieux puisqu’au XIXe siècle, le directeur accompagne les filles à leur mariage : chez le notaire, à la mairie et à l’église.

Un certain nombre d’anciennes ouvrières-pensionnaires se sont ensuite installées à Jujurieux et dans les villages environnants. A Breignes, hameau voisin de Jujurieux, il n’y a sous le Second Empire, pas moins de treize anciennes ouvrières de Bonnet mariées à des villageois. On compte, dans cette localité, trois membres d’une même famille mariés à d’anciennes ouvrières-pensionnaires, dont la dot était pourtant inférieure à la moyenne que nous avons donnée !  

A Lyon, dix chefs d’atelier avaient pris l’initiative en 1867 de faire réaliser, grâce à une souscription réunissant 300 dons, un buste en l’honneur de Claude-Joseph Bonnet. Vingt ans après sa mort, en 1887, un monument portant un buste est inauguré à l’usine de Jujurieux, dû surtout à l’initiative des patrons, ses successeurs, même si quelques employés ont souscrit. En 1896, les journaux socialistes surnomment Jujurieux le « petit Creusot ». Mais au Creusot, la statue d’Eugène Schneider trône sur la place principale de la ville. Paul Cottin, maire de Jujurieux en 1887 et frère de l’un des administrateurs de la maison Bonnet, Cyrille Cottin, ne se serait, certes, pas opposé à ce que le monument à la mémoire de Claude-Joseph Bonnet soit installé sur la place du village. Mais le choix de le placer à l’intérieur de l’usine est doublement symbolique : c’est, dans l’optique paternaliste, le fondateur présent au milieu de « ses chères élèves » ; et, dans le climat anticlérical de l’époque, l’entreprise, en butte à des attaques, a tendance à se replier sur elle- même.

 

Comment s’organise l’encadrement religieux de l’usine-pensionnat ?  

L’usine-pensionnat, univers fermé, a besoin d’un encadrement. Appartenant à un milieu catholique, Claude-Joseph Bonnet n’en imagine pas d’autre que religieux : des religieuses et un aumônier. Il n’y a pas encore, en ce milieu du XIXe siècle, de lycées publics de jeunes filles. Bonnet et ses successeurs se félicitent que « les filles de la fabrique » soient ainsi évangélisées. De leur côté de nombreux parents sont rassurés par une organisation stricte. C’est la fameuse remarque : «  les parents étaient sûrs ». Et, à la campagne, à cette époque, les parents sont généralement durs, avec les filles surtout. L’usine de Jujurieux reçoit donc, en 1867, l’aide de 19 religieuses de la Congrégation de Saint-Joseph de Bourg. Le chiffre maximum sera, peu après, de 20 ou 21. Ce sont presque toutes des filles d’agriculteurs, comme les ouvrières dont elles s’occupent.

Les religieuses ont donc une vocation d’évangélisation. Le patron ne va pas à l’encontre de cette volonté mais cela ne doit pas nuire à la bonne marche de l’entreprise. A intervalles réguliers, l’évêque de Belley vient en visite à l’usine, et c’est dans la chapelle de l’usine que jusque vers 1900, les ouvrières-pensionnaires sont confirmées. C’est l’occasion d’organiser une belle cérémonie où il peut se faire qu’une centaine de filles soient confirmées. Claude-Joseph Bonnet accueille ensuite l’évêque à la maison directoriale, dite la maison bourgeoise, réception à laquelle de nombreux parents ou amis sont invités.   

Lui-même serait tenté de se prendre un peu pour un évêque, comme en témoigne la maxime évangélique qu’il a fait inscrire sur la porte principale de son établissement de Jujurieux : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, le reste vous sera accordé par surcroît », maxime qui est aussi très en honneur dans la Congrégation laïque des Messieurs, à Lyon, dont son gendre Cottin (le premier directeur de la fabrique de Jujurieux) et lui sont membres. Bonnet ne doute pas un instant d’être habilité à proclamer la parole évangélique. Il s’exprime dans le même esprit en rédigeant un certificat de travail pour une ouvrière quittant la manufacture afin de s’établir à domicile, et qui se termine par ces mots : « nous lui souhaitons la protection du Dieu tout puissant. Donné à Jujurieux le six mars 1853 ». Le « donné » est peut-être chez lui le fait d’un style désuet, mais c’était aussi, il ne pouvait l’ignorer, reprenant le langage du prince, la formule épiscopale !   

En même temps, le fabricant est loin d’être aux ordres du clergé. On s’imaginerait volontiers que ces relations étaient parfaitement lisses ! Le trône et l’autel, le sabre et le goupillon, pourquoi pas le patron et les curés ? En réalité, des divergences de points de vue peuvent se faire jour, surtout avec les religieuses, des femmes opiniâtres. Elles ont des âmes de prosélytes et telle Sœur-mère peut manifester une certaine volonté de puissance. Bonnet ne l’entend pas de cette oreille. En 1863 éclate un vif incident parce que les sœurs sont pressées d’envoyer à leur noviciat les meilleures ouvrières et Bonnet, au plus fort de la querelle, écrit : « Si les sœurs ont pour mission de recruter des sujets pour Saint-Joseph, nous n’avons pas la même, nous avons à nous préoccuper de veiller aux besoins de notre nombreux personnel et aussi de faire que ce grand établissement ne soit pas pour notre maison de Lyon une cause de désastre ». Autrement dit, il doit être rentable et il ne faut pas que la partie ébranle le tout.

A l’époque des successeurs de Claude-Joseph Bonnet, en 1870, le conflit a rebondi. Un âge minimum de 25 ans pour entrer au noviciat avait été fixé après l’incident de 1863, mais les industriels eurent le plus grand mal à faire respecter cette règle par les religieuses de Saint-Joseph de Bourg-en-Bresse.   

Aujourd’hui, nous serions tentés de dire : « Bonnet, l’usine-pensionnat ». C’est une vue un peu déformée de l’entreprise, par ce qui l’a rendue célèbre en son temps, et originale dans l’esprit des historiens et des chercheurs, grâce aux publications au XIXe siècle de Louis Reybaud : Etudes sur le régime des manufactures, Condition des ouvriers en soie et de Julien Turgan : Les Grandes Usines de France, en 19 volumes. On pourrait en dire autant des velours Martin de Tarare ou même de l’usine Lacroix, de Montboucher dans la Drôme. Leur pensionnat n’est qu’une partie de leurs activités et ce n’est pas ce qui génère la majeure partie de leurs bénéfices.

 

L’usine de Jujurieux a-t-elle eu un impact sur le village et l’urbanisation aux alentours ? Comment s’effectuent les relations avec Lyon ?

Le village se transforme. A la pauvre bourgade de vignerons succède une importante localité dont les maisons sont surélevées vers 1860 pour abriter les fameux métiers à domicile. L’administration des Ponts et Chaussées ne peut réaliser son projet d’élargissement des rues. La municipalité n’a pas su prévoir. Il est trop tard pour frapper d’alignement des habitations rénovées à grand frais. Le village est contraint par le site, il s’étire en forme de croissant au pied d’une colline, enserré par les terrains de plusieurs propriétés bourgeoises. En 1860, un gendre de Claude-Joseph Bonnet a racheté certains de ces terrains pour réaliser une opération de lotissement. Son beau-père en profite pour installer sur l’un des lots qu’il achète une école privée de garçons qu’il finance entièrement, au point qu’elle en vient à menacer l’existence de l’école publique.

Le pensionnat lui-même n’a pas eu un très grand impact sur la démographie du village. Je n’ai retrouvé, par exemple, qu’une trentaine de pensionnaires installées définitivement à Jujurieux, au cours d'une trentaine d'années, au milieu du XIXe siècle. Pour la plupart, elles rentrent dans leur région d’origine, en Savoie, en Saône-et-Loire, etc. En revanche, l’ensemble industriel a eu, lui, un impact important. L’usine, ses employés, ses divers ouvriers, le tissage à domicile, puis les ouvrières externes de l'usine et enfin les achats effectués pour le fonctionnement général de l’établissement, hormis les produits alimentaires produits par sa ferme ou achetés éventuellement à l’extérieur, ont permis au village de repousser le phénomène de l’exode rural d’une bonne trentaine d’années. La population de la commune continue d’augmenter à partir de 1850 jusque dans les années 1880. Jujurieux compte 1200 habitants en 1789, 2000 en 1850 et près de 3000 en 1880.

La liaison entre Lyon et Jujurieux s’est faite par les diligences puis le chemin de fer, à partir de 1856. La ligne la plus proche est celle qui joint Lyon à Bourg-en-Bresse en passant par Ambérieu et Ambronay. C’est la gare d’Ambronay, à 5 km de Jujurieux qui sert de point de rupture de charge. L’usine de Jujurieux a besoin de ballots de soie. Ceux-ci arrivent en train jusqu’à Ambronay. Des voituriers font la liaison entre la gare et l’usine, comme ils la faisaient autrefois entre Lyon et Jujurieux. Les autres voyageurs doivent donc se serrer contre les ballots ! Ambérieu-en-Bugey supplante bientôt Ambronay et se trouve être un des points d’ancrage d’un réseau départemental de chemin de fer à voie étroite auquel Jujurieux est relié, avant que l’on entre dans l’ère automobile et l’époque de la « camionnette de l’usine ».

Au milieu du siècle, en pleine révolution industrielle, des prospections minières sont pratiquées au nord et au sud de Jujurieux, afin de savoir si le sous-sol renferme du charbon ou du lignite. Les recherches sont décevantes. Le charbon approvisionnant l’usine-pensionnat de Jujurieux provient, à cette époque, de Rive-de-Gier, en partie grâce à la voie d’eau. Plus tard, on utilise les services du chemin de fer à voie étroite conduisant d’Ambérieu à Nantua et qui longe la route nationale. A Saint-Jean-le-Vieux, un embranchement permet à un convoi à vapeur de livrer directement le charbon à l’usine de Jujurieux, qui en a besoin pour ses chaudières, ses machines à vapeur et la fabrication du gaz, avant que l’on ait à y joindre le transport d’électricité !  

Les cocons de soie proviennent de lieux très différents, de loin, à l’état de cocons secs : du Midi de la France, d’Italie et même du Levant. On peut négliger une petite production à Jujurieux même et dans ses alentours immédiats. Cependant, les régions de Belley, dans l’Ain, de Morestel ou du Grésivaudan, dans l’Isère, ont développé un élevage de vers à soie. Les employés de la maison Bonnet, voire Bonnet en personne lorsqu’il dirige lui-même pendant quelque temps son usine de Jujurieux, vont faire au printemps des achats de cocons. Et l’on ramène alors à toute vitesse, à Jujurieux, sur de grands chariots semblables à des chars de foin, des cocons frais, avant qu’ils ne risquent d’éclore.
 
Les échanges se font donc mais Jujurieux reste un îlot industriel. Vers 1880, une petite usine de ciment est créée, sur le territoire de la commune, par Robert Bonnet, un autre petit-fils de Claude-Joseph Bonnet. Il passe rapidement la main. Cette entreprise est un appoint, notamment pour la main d’œuvre masculine qu’elle attire et occupe. Elle reste néanmoins un élément secondaire dans le pays.

 

Quelles relations entretient Claude-Joseph Bonnet avec le monde politique lyonnais ?

Comme la plupart des industriels, Claude-Joseph Bonnet a une attitude de réserve vis à vis des régimes politiques. Il apprécie ceux qui n’entravent pas le bon déroulement des affaires. Il vient d’une famille dont l’attitude fut libérale durant la Révolution, et cette attitude persiste dans une branche de la famille. Mais le courant catholique conservateur devient progressivement majoritaire et c’est celui auquel appartient Claude-Joseph Bonnet. Il n’est membre que passagèrement  du Conseil municipal de Lyon, de 1844 à 1848, et du Conseil d’administration des Hospices civils de 1846 à janvier 1848, un brevet de notabilité. Mais il quitte ce dernier pour mieux se consacrer à ses affaires. Son frère aîné Jean-Joseph Bonnet est maire de Jujurieux, pendant toute la durée de la Monarchie de Juillet.

Poussé par un certain nombre de ses amis, Bonnet se présente aux élections législatives de 1846. C’est la fin du règne de Louis Philippe, marquée par une très forte corruption des milieux politiques. De plus, les catholiques critiquent le monopole de l’enseignement accordé à l’Université. Une réaction se dessine, à Lyon notamment. Des candidats se présentent contre les députés sortants. D’autant que Lyon, ville industrielle et commerçante, est représentée par quatre avocats ! Le banquier Louis-César Guérin se présente dans le deuxième arrondissement contre Sauzet, président de la chambre des députés. Dans le quartier nord, Claude-Joseph Bonnet se présente, mais, en même temps que plusieurs autres personnalités, ce qui profite au député sortant Martin, pourtant personnalité de peu de relief .

La profession de foi de Claude-Joseph Bonnet a manifestement été rédigée par « ses amis » qui présentent sa candidature. La circulaire recommande un représentant expérimenté de l’industrie lyonnaise, un homme solide plutôt qu’un beau parleur. Elle critique la corruption ambiante et prône la liberté de l’enseignement : c’est ce qui tient à cœur au catholique Claude-Joseph Bonnet. Il est de cette génération à l’origine d’une attitude catholique constante, ne se mobilisant que pour la cause de l’enseignement confessionnel, de ce que certains nomment en raccourci « l’école libre ». Ce courant allait être sévèrement battu en brèche par les républicains arrivant au pouvoir en 1879.

En 1846, Bonnet n’est pas élu, mais il a fait un score honorable et contribué à mettre l’adversaire en ballottage, alors que Sauzet est réélu au premier tour. Il n’empêche qu’il s’en est tenu là, en ce qui concerne sa carrière politique ! Il ne s’agit que d’un épisode. Il éprouve plus de satisfaction à se voir reconnu par l’attribution de la Légion d’honneur, la croix de chevalier, en 1844, sous Louis-Philippe et la rosette d’officier, en 1867, sous Napoléon III.