J’ai défriché, j’aime explorer. Les premiers Défilés ont fait leurs petits. Cela me touche, c’est comme un jardin qui pousse… Mais je veux maintenant aller ailleurs. J’ai pris le temps de souffler, de me poser, de réfléchir à mon engagement artistique et social. Cela dit, j’ai été très contente que Guy Darmet m’invite à ouvrir le Défilé 2006.
Pendant ces premières onze années de compagnie, j'ai l'impression d'avoir fait tout ce qui me passait à l'esprit, pleine d'effervescence et d'envie de faire, d'explorer mon univers, d'écrire une partition, de jouer le morceau et le lendemain sans m'en soucier justement, d'en écrire une autre. Ce sont de belles années de peintures vivantes, autant d'histoires fantastiques et merveilleuses à conter à un public mobile. On ne pourrait pas comptabiliser le nombre de spectateurs que nous avons touché, il y en a trop ! Quand je pense que c'est un critère pour les subventions (rires).
Aujourd’hui j'ai mûri, je peux regarder ma composition, en voir les pleins et les déliés. Ce recul est important, il me permet de me recentrer sur mon travail de production artistique, je suis plus légère. J'ai envie de féminin. Pour mes débuts, Zanka avait une résonance plutôt masculine et j'en avais besoin, on aimait bien dire le Zanka. Là je l’ai féminisé, c'est un jeu de mot, La Belle Zanka peut s'entendre aussi comme le label. Ce changement de nom est une pirouette, qui me permet de me démarquer de l’expérience Zanka, qui n'appartient pas qu'à moi d'ailleurs, mais sans pour autant la renier. Le fait aussi d'être accompagnée sur le plan administratif change bien la donne, mon esprit n'a plus à gérer des problèmes pour lesquels il n'est pas formaté.
Malgré tout, ce monde du chacun pour soi est difficile à vivre, j'ai toujours invité les artistes, d’autres compagnies : Abou Lagra est venu faire son tour de danse, Mourad a répété dans les locaux que j'avais à Saint-Priest etc. J’ai répondu présent pour des conseils, aidé à structurer des projets, formé de nombreuses personnes, mais j'ai trouvé que dans l'ensemble les gens sont autour de vous lorsque les médias parlent de vous, lorsque vous avez le vent en poupe, mais en dehors de ce jeu de société que je trouve assez général et banal, je ne vois guère de manifestation. On ne se souvient plus ou on ne me connaît plus. C'est d'ailleurs assez drôle comme ballet, ça me donne des envies de créer.
Heureusement la petite équipe aujourd’hui présente à mes côtés est bien là, solide et fidèle, elle m'apporte beaucoup de joie et d'énergie, mes projets sont déjà de ne pas les décevoir. Une page est tournée, nous laissons derrière nous les oublieux et les heureux, nous avons devant nous des projets en gestation avec Robert Caro et bientôt nous décollons, destination Montréal pour un gigantesque rendez-vous professionnel avec les décideurs, les financeurs, les diffuseurs du spectacle vivant de la planète entière. Nous sommes très heureux car nous venons d’apprendre que nous avons été sélectionnés pour donner une présentation des Muzes Dynamo lors de la conférence de presse de lancement. Et à notre retour, nous finirons l’année en beauté avec plusieurs spectacles qui nous ont été commandés par des villes, dont Oullins.