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Le positionnement mondial du pôle du vaccin en Rhône-Alpes

Interview de Peter DARLOW

<< Il est fondamental pour Lyon de se centrer sur la production de vaccins >>.

Peter Darlow est consultant, diplômé de l’International MBA de l’Ecole de Management de Lyon, a rendu en octobre 2004 une étude sur le secteur du vaccin en Rhône-Alpes, A shot in the arm : Does the vaccine industry in the Rhone-Alpes need a dose of its own medicine.

L'interview fait le point sur le positionnement mondial du pôle du vaccin en Rhône-Alpes en évaluant ses forces et ses faiblesses par rapport à d'autres régions du monde. Il en ressort notamment une faiblesse en matière d'études cliniques.

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Date : 26/02/2005

Vous avez réalisé pour l’ARTEB une étude sur le positionnement mondial du pôle du vaccin en Rhône-Alpes, en évaluant ses forces et faiblesses par rapport à d’autres régions du monde. Qu’en ressort-il ?

Ce que montre l’étude, c’est que la région lyonnaise tient une position très forte dans le domaine de la production, tant en vaccin humain qu’en vaccin animal, mais peu dans la recherche. La recherche fondamentale en vaccinologie est faible dans les laboratoires académiques et plus encore dans les entreprises, Merial et Sanofi Pasteur. Elle tend de surcroît à se déplacer, surtout vers les Etats-Unis : Sanofi Pasteur réalise aujourd’hui sa recherche fondamentale à BridgeWater et Merial tend aussi à délocaliser partiellement sa recherche. De manière croissante, il est d’ailleurs possible de fragmenter et de délocaliser la chaîne de valeur, avec par exemple la recherche sur un ou plusieurs sites en fonction du type de recherche et des technologies disponibles, et la production ailleurs. En matière de recherche clinique, la logique est la même. En revanche, l’activité de développement, plus proche de la production, se maintient fortement dans la région lyonnaise. J’ajouterai que dans un contexte où de nombreuses villes et pays cherchent à établir un centre de recherche mondialement reconnu, ce qui représente des milliards d’euros d’investissement et des risques importants d’échec, on oublie trop souvent que le poids économique d’une région dans le vaccin vient de la production. C’est une des recommandations de mon étude : il est fondamental pour Lyon de se centrer sur la production. Les sites et les savoirs faire en la matière constituent le point fort du territoire. Ces savoirs faire ne se transmettent pas aisément, c’est la raison pour laquelle est préoccupant le départ à la retraite de grandes personnalités locales du vaccin, qui occupent ou ont occupé des postes de direction à Sanofi Pasteur et Merial, ont une réputation mondiale dans le secteur du vaccin, sont parfois à la tête d’organismes mondiaux (par exemple le Vaccine Fund). Ajoutons que les centres décisionnels et les activités de Merial et de Sanofi Pasteur se déplacent de plus en plus aux Etats-Unis. C’est surtout le cas de Merial qui déménage sa direction en Géorgie. Le PDG et les responsables des unités globales s’y trouvent déjà. Il reste à Lyon le responsable de la production, mais à partir du moment où il sera à la retraite, dans 2 ans, on peut se demander si ce poste va rester. Cette évolution est d’autant plus préoccupante que la vaccinologie en région lyonnaise est dominée par deux entreprises.

 

Voyez-vous la production de ces entreprises se maintenir à Lyon ?

Oui, au moins dans les prochaines années. L’ancien directeur de Merial a investi fortement dans la production à Lyon, plus de 300 millions d’euros sur le site de Porte des Alpes. Cela représente un investissement considérable et une bonne anticipation de l’évolution du marché par le développement des capacités de production. Un site de cette envergure ne se déménage pas facilement, il y a un effet d’irréversibilité. La différence entre la production de vaccins et de médicaments pharmaceutiques réside dans le fait que le vaccin est un produit vivant. Sa production très délicate implique des savoirs faire spécifiques et difficile à maîtriser. C’est aussi une industrie de main d’œuvre, puisqu’elle nécessite un personnel important en production et en contrôle de qualité. Néanmoins, à Marcy-L’Etoile, il est difficile d’avoir davantage de production essentiellement pour des raisons physiques. Sanofi Pasteur a des sites de production au Canada, aux Etats-Unis, en Chine, en Argentine, ce qui ouvre le spectre du choix dans le développement. Merial se trouve dans la même logique et peut choisir où investir parmi ces sites de production aux Etats-Unis, en Chine, etc. D’autant plus que pour Sanofi Pasteur et Merial, les sites de production lyonnais sont les plus chers du monde en termes de coût de production par unité de vaccin, surtout pour Merial. Lyon est plus cher que l’Italie où la qualité est inférieure, mais aussi plus cher que les Etats-Unis.

 

Vous étudiez dans votre étude la chaîne de valeur d’un vaccin, qui couvre la recherche, le développement, les essais cliniques, la production, la vente et la réglementation, en comparant Lyon avec les sites les plus reconnus dans le monde. Peut-on dire qu’en général dans le monde, cette chaîne se trouve complète en un même lieu ?

De manière croissante, il est possible de fragmenter et de délocaliser la chaîne de valeur, avec par exemple la recherche sur un ou plusieurs sites en fonction du type de recherche et des technologies disponibles, et la production ailleurs. En matière de recherche clinique, la logique est la même. Il est difficile de trouver le nombre de patients voulu en un seul lieu.

 

Vous identifiez dans votre étude une faiblesse en matière d’études cliniques dans la région. C’est une activité à renforcer ?

Effectivement. Lyon compte de nombreux hôpitaux, mais on n’y réalise pas ou quasiment pas d’essai clinique sur les vaccins. Les responsables de Genopoïétic et de Sanofi Pasteur ont une analyse convergente en la matière. C’est un problème structurel du fonctionnement des hôpitaux. De manière générale en France, les essais cliniques sont une partie du travail des médecins, alors qu’aux Etats-Unis c’est une activité à part entière. Il y a davantage de disponibilité et de réactivité. Autre exemple, Sanofi Pasteur réalise de la recherche sur le cancer, mais ses essais cliniques se font essentiellement aux Etats-Unis, et très peu en France. Il serait opportun de créer des centres dédiés à la recherche clinique.