La soierie lyonnaise, entre tradition et innovation (archives)
Comment l’activité de fabrication de la soie devint-elle un marqueur de révolutions techniques, industrielles et sociales ?
Interview de Roger MONNAMI
<< Lyon a vécu dix années « lumière » passionnantes qui ont métamorphosé sa silhouette... Actuellement je suis inquiet, il me semble que l’on cherche à vendre une image de la Lumière à Lyon pour remplir la ville pendant les 3 jours... >>.
Le projet Lumière à Lyon est né il y a 20 ans à partir de la valorisation de la fête du 8 décembre. Grâce à une opportunité il a été exporté dans un tout premier temps au musée de l’Ermitage Saint Petersbourg.
Entretien avec Roger MONNAMI, ancien Directeur général de SONEPAR1 Sud-Est, Administrateur de l’école d’éclairage d’Assomption Bellevue et de l’IAE de Lyon 3.
En sortant ainsi de ses frontières, le Plan Lumière de Lyon a apporté à la ville une autre image. La Ville a participé au tiers du financement du projet, EDF-GDF a contribué également à hauteur d’un tiers, et la dernière part a été prise en charge par les entreprises privées du secteur éclairage réunis dans le MAT Electrique.
Cette première expérience externalisée a eu un effet d’entraînement et d’autres plans Lumière se sont exportés et s’exportent encore : Castillo del Moro à Cuba (1997) et le Musée Hô Chi Minh dans la capitale du Vietnam (1998).
Malgré ce succès et constatant l’absence de compétences techniques locales en éclairage un projet d’école a vu le jour avec le lycée Bellevue, de conception architecturale et d’aménagement exemplaires. Celui-ci accueille aujourd’hui 200 élèves par an dont certains viennent de pays comme les Etats-Unis ou l’Algérie.
La ville de Lyon a vécu dix années « lumière » passionnantes mais aujourd’hui il semble, selon l’interviewé, qu’il y a peu de synergie et d’innovation dans ce domaine mais davantage de reprises d’idées...
Comment est né le projet Lumière à Lyon ?
Le projet est né il y a près de 30 ans, de la rencontre de trois personnes : Henry Chabert, adjoint à l’urbanisme, Alain Guilhot et moi-même. A l’époque, la ville de Lyon donnait une impression de tristesse, il fallait créer un « Lyon lumières ».
Petit à petit, nous avons assisté au rapprochement du monde politique, industriel et technique autour de la lumière. Il fallait trouver un style d’éclairage qui donne de la vie et les premières réalisations furent programmées sur la rue Emile Zola, puis sur le Cours Vitton.
Ensuite est née l’idée d’établir un plan pour ne pas se disperser et construire une vision cohérente, car les idées fusaient…
Concernant la fête du 8 décembre, nous trouvions dommage que les efforts et les dépenses engagés pour faire briller la ville ne durent qu’un seul jour. De ce constat est né le projet « Lyon festival des lumières ». Depuis ce temps, on parle de Lyon pendant 4 jours de fête. Et très vite, il a fallu imaginer comment aller plus loin et porter cette image à l’international.
Qui a décidé du choix de la première destination à l’international ?
Le hasard en quelques sortes : une délégation de la ville de St Petersbourg (à l’époque Léningrad et dont l’adjoint au Maire n’était autre que Vladimir Poutine) était en stage à la Ville de Lyon. Un pari fou est lancé en demandant s’il est possible d’éclairer les façades du musée de l’Ermitage, ancien palais d’hiver des tsars. Le projet est inauguré en mars 1994. Tout comme à Lyon, « ville de pierre et d’eau », l’Ermitage et son reflet dans la Néva, s’illuminent merveilleusement au service de la poésie.
Les trois cent mètres de façades du célèbre musée russe resplendissent dorénavant et ce grâce aux talents lyonnais. Lyon ne pouvait rêver plus belle vitrine ! En sortant ainsi de ses frontières, le Plan Lumière de Lyon a apporté à la ville une autre image. Cette expérience, « comme une signature flamboyante » illustre le poids des grandes villes dans ce genre de développement et la force des réseaux qu’elles peuvent tisser entre elles.
Qui a porté le financement de cette première expérience ?
Dans cette opération comme celles qui vont suivre, la Ville a participé au tiers du financement du projet, EDF-GDF a contribué également à hauteur d’un tiers, et la dernière part a été prise en charge par les entreprises privées du secteur éclairage réunis dans le MAT Electrique2.
L’équipe « de pionniers » de la Lumière a-t-elle souhaité poursuivre cette aventure ?
Nous nous définissons comme des « guerriers de la lumière ». Cela fait référence à toute ma philosophie de vie que l’on peut résumer au travers de quelques livres de chevet :
Le « Manuel du guerrier de la lumière » de Paulo Coelho qui parle de ceux qui « refusent la passivité et le fatalisme », le fameux «principe de Peter » sur les limites de compétences de chacun, et «Comment se faire des amis » de Dale Carnegie qui précise les règles sociales pour acquérir l’estime des autres et faire valoir ses idées.
Effectivement, à l’occasion de l’expérience « russe », un premier club des concepteurs lumières se crée à Lyon pour lancer l’école lyonnaise de la conception en éclairage dont : Laurent Fachard, Pierre Marcout, Alain Guilhot, Philippe Hutinet, Laurent Jeol.
Et quels furent les autres projets pour lesquels vous vous êtes enflammés comme les conquérants3 ?
Deux autres opérations d’envergure vont participer de la même façon au rayonnement de « Lyon, villes lumières » à l’international : l’illumination du Castillo del Moro à Cuba (1997) et le Musée Hô Chi Minh dans la capitale du Vietnam (1998).
« Nous leur avons montré comment jouer avec les ombres et les lumières et ils ont été très sensibles à cet art de la nuance », disent les Lyonnais qui ont participé à cette formidable aventure.
Toutes ces réalisations prestigieuses nous renvoient à une réalité : qu’en est-il de l’éclairage de la ville et combien cela coûte-t-il ?
L’important était de créer l’effet d’entraînement en insufflant de bonnes bases que l’on peut résumer par : « si je construis, j’éclaire, et j’éclaire bien car la lumière pollue »4. Je vais peut être vous étonner, mais le Plan Lumière coûte 1 € par habitant et par an.
Et la suite de l’histoire de « Lyon, ville lumières » ?
Le second constat qui a suivi était lié à l’absence de compétences techniques en éclairage. Il n’existait pas d’école de formation à la lumière.
Un projet d’école est alors conçu avec le lycée Bellevue (congrégation religieuse de l’Assomption), l’IAE de Lyon 3 et SONEPAR Sud-Est.
Un petit zoom sur la conception architecturale exemplaire de cette école : elle a été confiée à un jeune architecte Marc Favaro, avec comme impératif que tous les produits techniques soient au top de la qualité ! SONEPAR a offert tout l’équipement électrique. Le design des équipements a été conçu par Renzo Piano5. L’école bénéficie d’un système de gestion centralisée pour le chauffage, l’éclairage et les services domotiques. Trois sections techniques ont été créées : une section domotique, une section génie climatique et une section éclairage.
C’est la seule école au monde ainsi conçue et dédiée à l’éclairage.
Elle accueille aujourd’hui 200 élèves par an et certains viennent maintenant de pays comme les Etats Unis ou l’Algérie.
SONEPAR est présent dans tous les projets innovants de la Lumière. Quel est le rôle d’un distributeur comme SONEPAR, au sein de la filière électrique et éclairage ?
Une phrase résume ce rôle : « porter le plus largement et le plus précisément possible, la connaissance des produits et des techniques électriques sur le marché ». A la fois relais des nouveautés proposées par les constructeurs, correspondant des concepteurs lumière, fournisseur des installateurs. Son métier repose sur la satisfaction client et nous l’avons compris en mettant à sa disposition des moyens d’informations et de démonstration réservés jusqu’ici aux initiés. C’est ainsi qu’on cultive la lumière à destination des lyonnais.
Qu’est-ce que vous dites aux jeunes promotions que vous accueillez à l’école ?
La lumière est un métier de passion : les réglages se font de nuit et les 35 heures n’existent pas ! Travaillez, travaillez, travaillez.
Quelles autres initiatives avez-vous lancées au service de la lumière ?
Ensuite il y a eu le projet du MAT Electrique. L’idée est venue d’une visite de MAT aux Etats Unis.
Ce « market center » est un immeuble de business. Les professionnels viennent chercher une solution à leurs difficultés. Tous les fournisseurs de matériels et de solutions techniques sont réunis dans un même espace, sans idée de concurrence mais plutôt dans un esprit d’offre complète de service.
Le MAT électrique accompagne depuis plus d’un décennie, l’information et la formation portant sur les meilleures solutions en matière de confort électrique de qualité… notamment en éclairage mais aussi en chauffage - climatisation - domotique.
Avec votre recul sur cet historique du développement des compétences « lumières » sur Lyon, quelles perspectives entrevoyez-vous en matière de développement économique et de rayonnement pour ce secteur et pour la ville ?
La ville de Lyon a vécu dix années « lumière » passionnantes qui ont métamorphosé sa silhouette et projeté sous les feux son éclat jusqu’alors dissimulé. Vigilance toutefois pour les acteurs du nouveau Plan Lumière : il faut se garder de la surenchère, préserver cette délicate harmonie qui émane de la ville, une fois la clarté du jour enfouie.
Aujourd’hui il me semble qu’il y a peu de synergie et de fédération dans l’équipe actuelle et je vois aussi peu d’innovation mais davantage de reprises d’idées.
Actuellement je suis inquiet parce qu’il me semble que l’on cherche à vendre une image de la Lumière à Lyon faite pour remplir la ville pendant les 3 jours de la fête des lumières. Mais je crois en l’avenir de la lumière, et pour cela il faut travailler sur un plan à long terme.
Je milite pour la stratégie «du banc de sardines6 plutôt que de la baleine» en matière de réactivité et d’évolution de ce secteur. La baleine est un animal en voie de disparition alors que les sardines continuent à nourrir beaucoup de monde.
1 Groupe privé indépendant, SONEPAR est le leader mondial de la distribution de matériel électrique spécialisé dans les câbles, les conduits, l’appareillage, les gros oeuvres industriels, le génie climatique et l’éclairage. Le groupe est implanté dans 29 pays répartis sur 4 continents, il réalise un chiffre d’affaires de plus de 6,6 milliards d’euros avec le concours de ses 19700 collaborateurs et de ses 1150 agences. Le siège de SONEPAR sud-est dont Roger Monnami a été directeur général est situé à Lyon.
2 Mat électrique : infrastructure professionnelle de 3600 m2 d’exposition, au service de la filière électrique (éclairage, domotique…), située au cœur de Gerland à Lyon.
3 Cf. Les conquérants de José-María de Heredia « …routiers et capitaines partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal… Ou,penchés à l'avant de blanches caravelles, Ils regardaient monter en un ciel ignoré, du fond de l'Océan des étoiles nouvelles ».
4 NDLR : la pollution de la lumière peut être liée à un éclairage inadapté qui fausse ou dégrade la visibilité (confort et sécurité) ou à la permanence de lumière qui constitue en soi une nuisance des villes, notamment pour l’observation astronomique. De façon indirecte, la lumière consomme de l’énergie qu’il faut fabriquer, selon des procédés plus ou moins polluants ou dégradant les ressources naturelles.
5 Renzo Piano est l'un des architectes les plus ingénieux de sa génération. Il a dédié sa vie à la protection et à la restauration des sites historiques de grande importance pour le patrimoine mondial. Il est également l'auteur de structures d'avant-garde telles que le Centre Georges Pompidou à Paris, l'aéroport d'Osaka au Japon et la cité internationale de Lyon.
6 Cf. La parabole de la baleine et du banc de sardines issue de Job choc de H.Dent.: « Imaginez deux ensembles de nature complètement différentes dans la mer. D’un côté, la baleine : une large masse dotée d’énormes systèmes d’auto-régulation. De l’autre côté, un banc de nombreuses sardines, représentant la même masse. Imaginons que chacun de ces ensembles soit soudain contraint de changer de route rapidement […]. Le banc de sardines tourne instantanément, comme si chacune des composantes était branchée sur un système nerveux en réseau. Nous pouvons nous représenter l’entreprise du futur comme un énormes banc de sardines… ».
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