Vous êtes ici :

La mondialisation centrifuge

Article

Conférence de Saskia Sassen dans le cadre du cycle Mondialisation : le temps des villes - réseaux, risques, responsabilités...
Saskia Sassen est professeur à l'Université new-yorkaise de Columbia. Elle a forgé le concept de ville globale ainsi que celui d'Etat dénationalisé, développé dans son livre Critique de l'Etat, paru aux éditions Demopolis en 2009.

Tag(s) :

Date : 15/01/2009

Le cycle de conférences
Poursuivant leur enquête sur les polarités du monde en devenir « entre cité et métropole » (2006-2007), puis entre « individualisme et dynamiques collectives » (2007-2008), le Conseil de développement du Grand Lyon et l'ENS LSH abordent cette année les territoires de la mondialisation que sont les villes. Celles-ci concentrent les tensions contemporaines qui s'accroissent entre augmentation de leur pouvoir et vulnérabilité de leurs ressources et de leurs modèles. Longtemps tributaires des industries, les villes le sont aujourd'hui des réseaux. Quelles transformations en cours affectent l'usage et le partage des lieux ?
Les migrations humaines et les échanges commerciaux déterminent de profondes transformations culturelles et économiques. Ces bouleversements interrogent la robustesse des modèles de développement : nos vies sont aujourd'hui liées aux réseaux spatialisés, qui relient entre elles les grandes agglomérations. La mondialisation est bien le temps des villes, entre risques et responsabilités.

La conférence
(extrait) L'opposition du global et du local est trop simple. Une troisième sphère est plus difficile à théoriser que les grandes organisations mondiales. Nous manquons de mots pour parler des petites transformations qui introduisent de réelles innovations politiques. Deux institutions sont proprement « mondiales » : la Cour internationale de Justice (encore à peine fonctionnelle) et les règles de la propriété intellectuelle de l'OMC. La Cour pénale internationale peut être saisie par les citoyens de n'importe quel Etat, et l'OMC s'applique directement aux firmes sans passer par des transpositions juridiques. Des lois globales peuvent parfois être transposées localement sans passer par le niveau national. L'action politique contemporaine s'appuie sur ces changements de niveau juridique, autant que les firmes s'en inspirent pour déployer leur intérêt....La ville globale a une fonction de production économique, on le sait. Mais tout autant une production politique : dans les quelques 70 villes globales, des activistes non représentés dans l'espace public institutionnel se donnent des moyens d'actions. Les entrepreneurs font du lobbying, mais les pauvres, les queer....

Écho des débats
(extrait) Dépasser l'opposition de la formalité de la loi à l'informel de la société : l'action de l'Etat est étonnamment liées à des prescriptions informelles. Les droits évoluent au gré d'ajustements quasi informels : un jour il devient impossible de mener des « class actions » contre des entreprises américaines opérant à l'étranger. Un autre, les sociétés émettrices de cartes de crédit obtiennent des garanties assises sur la totalité des biens de ceux à qui elles les ont délivrées. Pourquoi l'Etat-nation se laisse-t-il dé-nationaliser au profit de multinationales privées dont les intérêts sont clairement partiaux ? Il en va de même pour les catégories d'autorité et de pouvoir. Les « droits de l'Homme » peuvent être pensés comme source d'autorité : ces ouvertures font apercevoir la formation des autorités à partir du peuple et la constitution de l'Etat-nation comme source de légitimité. Le rôle de l'Etat comme acteur de légitimation est capital pour constituer les catégories juridiques liées à la pauvreté : le pauvre ne devient sujet de droit que sous l'action de l'Etat...Il y a un débat pour penser la période actuelle. On nous parle d'un retour aux féodalités...