Adaptation au changement climatique : quels principes clés ?
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En quoi consiste l’adaptation et pourquoi prend-elle une forte dimension territoriale ?
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Le moins que l’on puisse dire à propos du nouveau Plan national d’Adaptation au Changement climatique (PNACC-3), c’est qu’il était attendu. Et même… très attendu !
L’impatience à son égard tenait d’abord à l’urgence du sujet. En France, comme ailleurs en Europe, on ne compte plus les rapports et autres études qui ont abordé cet enjeu au cours des dernières années. Preuve de cette montée en puissance, la surprise est venue en 2024 de la Cour des comptes, qui a consacré son très attendu (et très commenté) rapport public annuel à la question de l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique.
Après avoir sévèrement jugé en début d’année les politiques publiques d’adaptation dans le secteur du tourisme de montagne, le rapport annuel publié au printemps par la Cour n’était guère plus tendre à l’égard des autres secteurs — et plus généralement à l’encontre de la politique de la France. Décrivant un défi « colossal », le premier Président de la Cour des comptes estime que « la prise de conscience de l’urgence de l’adaptation est bien réelle, mais [qu’] elle est hétérogène selon les secteurs ». Avant de constater que, malheureusement, « l’État ne joue pas correctement son rôle de stratège, qui consiste à fixer des objectifs clairs et à définir une trajectoire pour les atteindre. » La critique avait de quoi ajouter une pression supplémentaire sur les épaules du gouvernement de l’époque, qui avait déjà repoussé à plusieurs reprises l’annonce du nouveau PNACC.
D’abord prévue pour la fin de l’année 2023, puis repoussée à avril, puis mai, puis juin 2024, la présentation officielle du plan a finalement subi un nouveau report suite à la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, au mois de juin. Christophe Béchu, ministre démissionnaire qui avait jusque-là piloté la démarche, affirmait dans une lettre en date du 17 juillet que, « à cette heure, les conditions politiques [n’étaient] plus réunies pour que ce gouvernement endosse la responsabilité d’une stratégie qui engage l’avenir du pays sur plusieurs décennies ».
Mise en ligne par le site d’information politique Contexte, la dernière version du document de présentation de la PNACC-3 nous permettait toutefois d’avoir une idée assez précise de ce à quoi pouvait ressembler le document final. Finalement, c’est le 25 octobre que le Plan a enfin révélé ses orientations définitives, très proches de celles révélées cet été.
En comparaison des deux versions qui l’ont précédé, le PNACC-3 présente une première plus-value importante : il a été construit sur la base d’une trajectoire de réchauffement qui a fait l’objet d’un travail scientifique approfondi et largement partagé — puisque soumis à consultation dans le courant de l’année 2023. Fondée sur les travaux du GIEC, cette trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC) fait le choix d’un scénario de réchauffement climatique global d’environ +3 °C d’ici à la fin du siècle.
S’il ne correspond pas aux objectifs de l’Accord de Paris, ce scénario de référence est en revanche jugé plus réaliste, car davantage conforme aux engagements actuels des différentes nations. Prenant en compte le fait que la France métropolitaine se réchauffe davantage que la moyenne du globe terrestre, la TRACC retient donc à cette échelle un scénario de réchauffement de +4 °C à l’horizon 2100.
La première partie du PNACC-3 brosse donc un rapide portrait du « visage de la France à +4 °C ». Le plan insiste notamment sur la dimension plurielle et hétérogène du réchauffement climatique, dont les effets ne se limitent pas à l’augmentation de la température, mais concernent également d’autres dimensions du climat, en premier lieu le cycle de l’eau.
Le plan rappelle les menaces qui, pour la plupart, ont d’ores et déjà commencé à faire sentir leurs effets : l’érosion du littoral accélérée par la montée du niveau de la mer, les problématiques de retrait et de gonflement des sols argileux, l’augmentation de la fréquence des feux de végétation, ou encore l’intensité des inondations.
Le nord et le sud de la France connaîtront à ce titre des évolutions très contrastées, marquées notamment par davantage de précipitations au nord et moins au sud, ce qui aggravera encore les écarts de pluviométrie entre ces régions. Le document de présentation du PNACC rappelle à ce propos que « le début d’année 2024 a puissamment illustré ces paradoxes territoriaux appelés à se multiplier : au moment où le Pas-de-Calais était frappé par des inondations exceptionnelles, les Pyrénées-Orientales entamaient leur deuxième année de sécheresse et de restrictions d’eau ».
Ce diagnostic est donc l’occasion de rappeler que les effets du changement climatique sont très contrastés selon les régions et qu’ils nécessitent un traitement adapté, qui va bien au-delà de la stratégie nationale : « leur dimension profondément territoriale appelle (…) des réponses adaptées, dans leur objet et dans leur rythme de mise en œuvre, à chaque réalité locale. »
Une fois ce constat opéré, le PNACC-3 consacre son second chapitre aux réponses apportées par la France. Les principes qui ont guidé l’élaboration du plan d’action sont rapidement rappelés, puis l’architecture du plan est présentée avec ses cinq objectifs prioritaires (les cinq « axes » du plan d’action). Dans ce second chapitre du document de présentation, 14 actions phares sont particulièrement mises en avant, sur les 51 actions que comporte le plan — qui sont présentées quant à elles dans le troisième chapitre.
La révélation du contenu du rapport qui devait être présenté à l’Assemblée a généré de nombreuses réactions au cours de l’été. Gageons que celles qui devraient suivre la publication officielle du plan, cet automne, seront du même ordre. Le média en ligne Contexte, qui avait publié la dernière version préparatoire du document cet été, en faisait déjà une analyse assez critique. Il remarquait par exemple que le PNACC-3 restait assez évasif sur la question du financement, et que certaines mesures avaient même disparu — comme la piste de prêts garantis par l’État de 2 milliards d’euros pour les projets d’adaptation d’entreprises.
Contexte constatait également que la seule mesure explicitement financée concerne « la prévention du risque de retrait-gonflement des argiles, affectant 10 millions de logements en France, à hauteur de 150 millions d’euros supplémentaires en 2025, via une partie de la hausse de la surprime CatNat payée par tous les assurés ». Avec un ratio de 15 euros par logement potentiellement concerné, on comprend en effet que les financements risquent de ne pas être à la hauteur, même en y ajoutant les 650 millions d’euros d’abondement du fonds Barnier, dédié à réduire la vulnérabilité des bâtiments des particuliers et des entreprises face aux risques naturels.
La version finale, rendue publique le 25 octobre, n’a de ce point de vue pas réglé le problème : la mesure a certes été mise en tête de liste, et la référence aux 150 millions a disparu du titre de la mesure, pour être remplacée par un beaucoup plus vague « Renforcer le fonds Barnier ». Affaire à suivre, donc.
Autre critique récurrente, le PNACC-3 comporte très peu de mesures contraignantes. Dans la version publiée cet été, seules les grandes entreprises gérant des infrastructures de transport et d’énergie, ainsi que les opérateurs d’importance vitale (OIV), se voyaient dans l’obligation d’élaborer un plan d’adaptation au changement climatique avant 2026.
Mais même cette injonction s’est vue (fortement) allégée dans la version finalement rendue publique en octobre : le PNACC précise juste que les OIV réaliseront une simple étude de vulnérabilité : plus de plan d’action, ni de date butoir, ni encore moins d’obligations. Quant aux grandes entreprises gérant des infrastructures de transport et d’énergie, elles ne sont même plus mentionnées. Sans surprise, le reste du PNACC-3 s’aligne sur cette tendance et mise essentiellement sur l’information, le volontariat et l’accompagnement des acteurs.
C’est le cas par exemple des agriculteurs, qui pourront se faire accompagner pour réaliser un diagnostic de vulnérabilité au changement climatique de leur exploitation. Même logique pour les collectivités locales, pour qui l’intégration de l’enjeu d’adaptation pourra se faire au fur et à mesure du renouvellement de leurs documents d’urbanisme, comme nous l’évoquerons plus loin.
Ces critiques sont peut-être à pondérer, car finalement, dans le courant de l’été 2024, la plus grande déception était sans doute liée au report sine die de la présentation du plan. Dans Reporterre, Quentin Ghesquière, membre de l’ONG Oxfam, le disait alors sans détour : « Ce plan est loin d’être parfait (…) mais il a le mérite d’exister et d’être meilleur que les précédents. »
De nombreuses actions étaient d’ores et déjà saluées et méritaient d’être mises en œuvre sans plus attendre. C’est le cas, par exemple, de l’expérimentation auprès de 50 sites précurseurs, qui a pour objet de créer de véritables laboratoires de l’adaptation, susceptibles d’être copiés et démultipliés par la suite. Idem concernant les nombreuses études évoquées dans le Plan, qui visent à préparer les différents secteurs à s’adapter au changement climatique : logements, assurances, risques inondation, etc.
Sans préjuger là encore d’une reculade, on notera toutefois que, dans sa version finale, l’expérimentation auprès de 50 sites précurseurs a non seulement disparu des mesures principales (anciennement nommées « actions phares »), mais elle a carrément disparu du PNACC-3.
Tel qu’il a été finalement rendu, le projet de PNACC-3 a d’ores et déjà quelques conséquences pour les collectivités locales.
À juste titre, le diagnostic du PNACC insiste sur la nécessité d’adapter les solutions aux réalités des territoires. Il est notamment écrit que le plan national devra « être décliné localement à travers des stratégies d’adaptation adaptées aux caractéristiques environnementales et socio-économiques des territoires. » Mais les modalités et les moyens de cette déclinaison ne sont pas encore clairement précisés. Comme l’écrivait déjà Vincent Lucchese cet été dans Reporterre, « le risque, c’est que l’État se dédouane de ses responsabilités sur les collectivités territoriales, au moment de passer à l’action ».
En attendant, le PNACC-3 prévoit peu de contraintes à l’égard des collectivités locales. Il promet des concertations territoriales de type « CNR territoriaux de l’adaptation » dans le cadre de COP régionales, originellement dédiées au volet atténuation. Le plan précise que « les COP régionales pourraient être réorientées sur un travail de diagnostic et d’actions dédié à l’adaptation pendant l’année 2025 ».
À court terme, un autre chantier attend les collectivités : il s’agira d’intégrer la TRACC dans les documents d’urbanisme et les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET). Le document de présentation du PNACC-3 annonce que les collectivités pourront progressivement mettre à jour ces documents au fur et à mesure de leur révision, avec pour objectif que 100 % des documents renouvelés intègrent la TRACC en 2030.
Pour les accompagner, l’État a déjà mis en œuvre des outils qui permettent de dresser le profil des territoires à différents horizons temporels, comme le portail « Drias les futurs du climat », ou l’application Climadiag de MétéoFrance. Fondés sur la TRACC, ces deux outils permettent d’accéder à des données relatives aux principales évolutions à attendre à l’échelle des communes ou intercommunalités.
Les acteurs publics locaux pourront également s’appuyer sur les moyens d’ingénierie de l’État, en particulier l’Ademe et le Cerema, qui mettront à disposition leurs compétences au sein d’une « mission adaptation » dont le principal rôle consistera à accompagner les acteurs sur les territoires.
Les effets du PNACC-3 sur les collectivités ne s’arrêtent bien entendu pas là. En fonction de leurs compétences respectives — par exemple dans les domaines de l’eau, des risques d’inondation ou encore des infrastructures de transports — elles seront plus ou moins directement impliquées dans les actions du plan national.
Dans la plupart des cas, il faudra toutefois attendre que les déclinaisons régionales du plan soient discutées pour que les implications les plus concrètes apparaissent. En attendant, c’est une consultation de deux mois qui est à présent ouverte. L’occasion d’inscrire démocratiquement ces questions dans le débat public, puisque cette phase de dialogue sera suivie d’une « concertation préalable du public sur la 3e Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la 3e Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ».
En espérant que ces différentes périodes de négociation n’amènent pas à repousser une nouvelle fois la mise en œuvre de la stratégie adoptée, et que celle-ci ne finisse pas par disparaître derrière des priorités politiques de court terme…
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