La recherche aux Archives municipales de Lyon
Interview de Anne-Catherine Marin et Tristan Vuillet
Anne-Catherine Marin est directrice des Archives municipales de Lyon en 2010 et Tristan Vuillet est chargé des recherches
Dossier
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Le démarrage de la campagne de numérisation de masse du fonds ancien de la BmL, Bibliothèque municipale de Lyon, par Google, fin décembre 2009, a suscité une vive polémique, notamment de la part de ceux qui brandissent le spectre d’une « privatisation de la connaissance ». |
Précision sémantique : Le mot mémoire peut être pris dans diverses acceptions : neurobiologique (processus cognitif), collective (histoire), personnelle (souvenir). Il est employé ici dans son sens basique de « stockage d’informations et connaissances », tel qu’il est repris en informatique et électronique.
Evénement : La mémoire devient une question centrale au croisement de multiples disciplines : les derniers entretiens Serres/Coppens organisés par Doc Forum à Lyon étaient consacrés au thème « Révolution sur la mémoire » et ont réuni d’éminents spécialistes de diverses disciplines en sciences dures (mémoires de l’univers) et sciences humaines (mémoires de l’homme). La retransmission vidéo de ces entretiens est désormais visible sur le site internet des entretiens : Les entretiens Michel Serres/Yves Coppens
En juillet 2008, le conseil municipal de Lyon vote l’attribution du marché de numérisation d’une partie du fonds ancien de la BmL à Google après plusieurs années de discussions enflammées. Dès 2006, l’adjoint de Lyon aux marchés publics, le Vert Etienne Tête, dénonçait un dossier qu’il qualifiait de « Docteur Jekyll et Mister Hyde : il y a une face visible intéressante et derrière : l’horreur… (…) Le patrimoine de la bibliothèque deviendra de fait la propriété de Google ». Dans une tribune accordée au Monde en 2009, le p-dg de l’INA Emmanuel Hoog évoquait « un pacte faustien ». Faisant fi des « ces diabolisations purement idéologiques », Patrick Bazin, directeur de la BmL, défendait un accord pragmatique sur le modèle « gagnant-gagnant ».
Car d’un côté, en signant avec cette première bibliothèque française (la 2e par la richesse de ses fonds), Google accroît son attractivité auprès des internautes et des annonceurs en augmentant le nombre et la diversité des collections présentées sur son programme « Google recherche de livres ». Ce qui vaut bien un investissement évalué à 60 millions d’euros… De l’autre, la BmL se dote, en dix ans et gratuitement, d’une bibliothèque virtuelle qu’elle aurait mis près d’un siècle à réaliser en s’épuisant à quémander les maigres financements publics consacrés alors à la numérisation, et le plus souvent réservés à la BnF. « Il ne faut pas prendre de retard parce que c’est en ce moment que les nouveaux dispositifs d’appropriation de l’information et des connaissances se mettent en place à l’échelle planétaire. Dans un siècle, il y en aura d’autres qui prendront le relais et, en attendant, l’échiquier des cultures aura évolué. C’est comme si, à la fin du 15e ou 16e siècles, face à l’apparition de l’imprimerie, on avait dit « il est urgent d’attendre » ! » plaide Patrick Bazin.
Pour la bibliothèque de Lyon, l’intérêt est multiple : la numérisation assure la conservation de ses fonds en limitant leur maniement – principale source de dégradation. Elle accroît la démocratisation de l’accès à la connaissance, le partage de l’information, par la mise à disposition gratuite au plus grand nombre, des œuvres du patrimoine universel, ce qui est le cœur de la mission des bibliothèques. Elle assure enfin une visibilité des ouvrages de la BmL et, partant, favorise une plus grande présence des ouvrages francophones sur la toile.
Pourtant, ce partenariat public/privé n’a pas manqué de susciter une vive controverse en France. Car en contractant avec Google, la BmL, pragmatique et volontariste, créait un précédent dans un pays, la France, qui a longtemps affiché une doctrine plus « idéaliste », ouvertement hostile à Google et favorable à une alternative publique franco-européenne.
Jean-Noël Jeanney, directeur de la BnF de 2002 à 2007, a théorisé cette position dans un essai désormais célèbre : Quand Google défie l’Europe : plaidoyer pour un sursaut paru en 2005 (éditions Mille et une nuits). Il dénonçait le risque pour la diversité culturelle de laisser le monopole de la numérisation à une entreprise commerciale privée qui accorde un poids écrasant à la langue anglaise et dont l’organisation des documents via son moteur de recherche repose sur des algorythmes secrets et est influencé par la publicité. Il a donc lancé un appel à une contre-offensive européenne, sous la forme d’une Bibliothèque numérique européenne, multilingue, gratuite et organisée de façon plus transparente.
Ayant obtenu le soutien des institutions européennes, la BnF a travaillé sur cette bibliothèque numérique européenne baptisée Europeana, dont une version définitive a été mise en ligne en novembre 2008. Mais d’emblée, le site a « buggé » et l’écart entre l’incurie technologique de cette initiative et ses buts assez présomptueux a inévitablement suscité des sarcasmes. « Quand c’est que de l’idéologie et qu’il n’y a aucune efficacité derrière, ça devient ridicule. On peut aussi envisager le pluralisme à travers le partenariat public/privé » estime Xavier de la Selle, directeur du Rize, centre Mémoires et société de Villeurbanne. Depuis cette première tentative, Européana, qui est davantage un portail de la culture européenne, qu’une véritable bibliothèque numérique, vogue de prototypes en prototypes…
Dans ce contexte, l’accord conclu entre Lyon et Google a suscité un fort électrochoc chez les acteurs du monde du savoir et de la mémoire en France. Il a grandement contribué à faire bouger les lignes. L’initiative lyonnaise n’est sans doute pas étrangère à l’annonce, par le président de la République, de l’octroi, sur l’enveloppe du Grand emprunt, de 750 000 € consacrés à la numérisation du patrimoine écrit – malheureusement largement voire totalement fléchés sur la BnF. Par ailleurs, le rapport Tessier commandé par le ministère de la Culture et rendu mi-janvier 2010 adopte une position plus mesurée. Il préconise une optimisation de Gallica , une évolution d’Européana mais aussi un partenariat avec des acteurs privés (dont Google !) mieux négocié, plus équilibré, fondé sur l’échange de fichiers numérisés.
Pour étayer son propos, la commission Tessier s’est livrée à une analyse critique de l’accord contracté entre la Ville de Lyon et Google. Sont principalement visées : les clauses d’exclusivité, dont les durées (25 ans) sont jugées « excessives » et les formulations « imprécises » et les « limitations explicites » qui peuvent « brider les initiatives des bibliothèques » dans le partage ou la fourniture des contenus numérisés à de tierces parties, notamment publiques. Devançant ces critiques, la Ville de Lyon avait rendu publique fin novembre un courrier de Google précisant et limitant les clauses d’exclusivité. La Ville de Lyon a également communiqué « le cahier des clauses techniques particulières pour la numérisation et la mise en ligne sur Internet du fonds ancien de la BmL », sur injonction de la CADA, Commission d’Accès aux Documents Administratifs, qui avait été saisie par un journaliste de Livres Hebdo.
Le changement de paradigme de la mémoire à la faveur du numérique – on passe d’une mémoire de stock à une mémoire de flux – entraîne une incroyable extension du domaine de la mémoire : tout fait mémoire, tout peut être conservé. Ce « tout mémoire » se conjugue, depuis 25 ans environ à une « commémorite aiguë » désormais chronique : « On assiste de plus en plus à de revendications mémorielles avec des conflits de mémoire importants. Les politiques répondent à cette demande en commémorant de plus en plus » souligne Valérie Haas, maître de conférence en psychologie sociale à Lyon 2, membre du GREPS, Groupe de recherche en psychologie sociale .
Dans un court pamphlet Oubliez-moi (2009, éditions La mauvaise graine), Franck Pavloff dénonce avec humour cette cavalcade de commémorations plus ou moins marquantes ou futiles. Dans son livre Mémoire année zéro, Emmanuel Hoog, p-dg de l’INA, Institut national de l’audiovisuel analyse très bien ce phénomène expansif. Il estime que nous sommes guettés par « une inflation mémorielle » qui crée une « bulle » et pourrait déboucher sur un véritable krach, donc un chaos, qui nous condamnerait à un éternel présent sans conscience historique.
Alors, que faire face à cette inflation mémorielle ? On garde tout ou bien on trie, et comment ?
L’INA, Institut national de l’audiovisuel, en charge du dépôt légal de l’audiovisuel public français, a tranché. « Tout conserver coûte moins cher que de sélectionner » explique son p-dg Emmanuel Hoog. L’INA enregistre donc l’ensemble des « flux » de la télévision et de la radio publiques tout en poursuivant la numérisation de l’ensemble de la mémoire analogique de l’INA qui serait, sans cela, condamnée à disparaître. « Tout ce qui a été produit à la télé depuis 60 ans ne passera pas la prochaine génération. L’Unesco estime que 80% de la mémoire de la radio et de la télé va mourir dans les prochaines années » explique-t-il. Ce ne sera pas le cas de la mémoire audiovisuelle publique française qui devrait être entièrement numérisée d’ici 2015. Fin octobre 2009, ce sont 432 000 heures de télé, dont 18 000 heures pour le pôle sud-est de l’INA et 232 000 heures de radio (dont 104 000 heures pour le sud-est) qui étaient déjà numérisés et pour partie accessibles au grand public sur le sitede l'Ina.
Les services d’archives des documents administratifs, habitués de longue date à produire une « mémoire par élimination », procèdent autrement. « On élimine 90% de la production de documents ! D’abord sur la méthodologie statistique et ensuite, à partir des préconisations de commissions réunissant des professionnels, par exemple des magistrats qui identifient les affaires qui ont marqué leur temps » explique Xavier de la Selle, directeur du Rize. Pour lui, « les possibilités technologiques qui nous permettent de tout garder et nous donnent l’illusion que les coûts sont moindres constituent un leurre ». Avis que partage Anne-Catherine Marin, directrice des archives municipales de Lyon « L’ensilage dans les futures caves numériques représente en fait un grand risque de perte complète de mémoire, avec l’illusion d’avoir tout conservé ». Pour elle, les données électroniques, plus encore que le papier, obligent à une sélection anticipée « Avec les données numériques, il faut déterminer le sort du document dès sa création car une information non repérée dès l’origine est perdue. Notre rôle est donc de flécher très en amont la destination finale : conservation à des fins patrimoniales ou destruction à l’expiration des délais légaux. Faute de quoi, la mémoire est perdue ! ».
Les technologies numériques imposent donc aux services d’archives un travail de prospective et d’anticipation accru, déjà au cœur de leur projet. Car les Archives ont la double mission de « Transmettre aujourd’hui la mémoire d’hier et en même temps constituer ce qui sera la mémoire de demain » résume Anne-Catherine Marin.
Mais, justement, comment déterminer ce qui fera mémoire demain ? Pas facile, surtout que la mémoire, parce qu’elle a une évidente dimension politique, est « fluctuante, changeante : en fonction des temps, on porte son intérêt sur tel aspect ou tel autre. Des intérêts ou des revendications spécifiques feront que certaines mémoires seront mises en avant plus que d’autres » rappelle Valérie Haas, maître de conférence en psychologie sociale à Lyon 2, qui considère que le sujet est bien trop sensible et source de manipulations possibles pour ne pas être confié aux spécialistes, notamment en histoire et en sciences sociales.
Pour Xavier de la Selle, « C’est une réflexion qui doit être vraiment scientifique, anthropologique, sociologique, et aussi, et d’abord citoyenne. » Xavier de la Selle dirige en effet une structure originale, voulue par la Ville de Villeurbanne : le Rize, centre Mémoires et société, née de la « prise en compte de l’importance du phénomène mémoriel comme réalité sociale » mais aussi comme « enjeu politique de citoyenneté ».
Pour trancher dans le vif de cette mémoire exponentielle, la question du « droit à l’oubli » est remise à l’avant-scène. « Je suis absolument certain que la question de la création d’un habeas corpus numérique se posera, que la question du droit à l’oubli s’organisera. » assure Emmanuel Hoog, pdg de l'INA. L’auteur de Mémoire année zéro envisage principalement ce droit à l’oubli pour les données personnelles. Celles-ci sont en effet désormais largement diffusées sur la toile (via les Twitter et autres Facebook) et souvent exploitées à des fins commerciales (identification de cibles publicitaires par le type de requêtes effectuées sur les moteurs de recherche) voire sociales (consultation du profil Facebook avant un entretien d’embauche). « Demain, les citoyens diront stop ! L’idée qu’on puisse avoir des droits sur Internet, comme le droit à la gestion de sa mémoire et de sa propre histoire fera son chemin. » prévoit Emmanuel Hoog. Il constate d’ailleurs que « les grandes sociétés du Net comme Microsoft, Yahoo ou Amazon commencent déjà à proposer des rythmes plus serrés d’écrasement des données. »
Par ailleurs, la création d’un "droit à l’oubli numérique" est l’objet d’une proposition de loi sénatoriale portée par les sénateurs Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne. La question a également été débattue lors du récent vote à l’Assemblée nationale de Loopsi 2, loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Patrick Bazin, directeur de la BmL, se dit lui aussi « très réservé par rapport à cette traçabilité généralisée, qui mord sur le terrain privé ». Pourtant, il doute qu’on puisse ériger une règle en la matière, « décréter qu’on va oublier ça et pas ça ». Pour lui, selon le modèle de la mémoire biologique, tel qu’il est explicité par le neurophysiologiste Marc Jeannerod ou le neurologue Bernard Croisile, « c’est l’usage, c'est-à-dire l’effectuation de son parcours personnel, qui fait que certaines choses sont renforcées (mémorisées) et d’autres disparaissent (sont oubliées). »
Mais dès que l’on passe de l’individu au groupe, cette question de droit à l’oubli pose davantage de problèmes. « Je ne crois pas qu’il y ait une possibilité d’oubli volontaire, en tout cas pour les groupes. S’il y a oubli dans un groupe social, c’est qu’il y a, d’une certaine manière, un effacement des traces du passé, une non transmission par exemple. Ce n’est donc pas un droit, c’est davantage une imposition. Pour moi, ce droit à l’oubli est lié au danger de la manipulation : pour oblitérer, reconstruire ou valoriser une mémoire » estime Valérie Haas, chercheure en psychologie sociale.
Pour l’instant, la mémoire est encore largement hybride. Elle continue évidemment à se fixer sur support physique tout en se déployant sans cesse davantage sur support numérique. Cette coexistence des types de supports de la mémoire devrait perdurer encore longtemps. 20, 30, 50 ans ? Plusieurs générations en tout cas, tant les usages traditionnels sont profondément ancrés.
Les archives seront sans doute les premières à basculer dans une mémoire intégralement sans papier. En 2008, le Rize de Villeurbanne et les Archives municipales de Lyon avaient d’ailleurs organisé conjointement une exposition invitant des artistes contemporains à « imaginer une mémoire sans papier ».
« Pour ce qui concerne les archives, je crois volontiers à une mémoire sans papier, d’ici au moins 10 ou 15 ans » prévoit Xavier de la Selle, directeur du Rize. Car les documents administratifs sont avant tout des données indépendantes du support ; les archives sont d’ailleurs multi supports. Elles sont, d’ores et déjà, largement dématérialisées, comme l’explique Anne-Catherine Marin, directrice des Archives municipales de Lyon. « Avec la dématérialisation galopante, la modernisation de l’Etat et des collectivités territoriales, beaucoup de documents sont produits à l’heure actuelle sous forme numérique, aussi bien dans l’administration publique que dans la sphère personnelle et privée. (…) La loi de 2000 sur les documents électroniques et la signature électronique confère la même valeur de preuve à l’écrit sur support électronique qu’à l’écrit sur support papier. C’est une évolution fondamentale du droit de la preuve qui a créé les conditions du développement de la dématérialisation. Il faut donc nous mettre en situation de conserver de manière électronique les documents produits de manière électronique car c’est le sens actuel de l’évolution de l’administration et de toute la société. » Seul frein à cette évolution : le problème de la signature numérique. Parce qu’elle est cryptée, on n’a pas encore trouvé le moyen technique de la faire migrer – la migration assurant la conservation du document. Mais des chercheurs y travaillent activement !
Lire entretien avec Anne-Catherine Marin, directrice des Archives municipales de Lyon : « C’est le moment de s’interroger sur les relations entre conservation de la mémoire et territoire »
Pour les bibliothèques et les librairies, ce processus de dématérialisation sera certainement beaucoup plus long et sans doute qu’il restera partiel. Car le livre est un objet : il se définit par son support. Comme le rappelle Xavier de la Selle, directeur du Rize, « Avec le codex, au 1er siècle, on a inventé la possibilité de plier les feuilles et de les relier. Ça a complètement changé la pensée occidentale car on pouvait dès lors feuilleter le livre alors qu’avant c’était des rouleaux (volumen). La forme livre n’a donc aucune raison de disparaître » prévoit-il. C’est aussi un habitus. « Nos générations – et cela va perdurer quelques décennies ! – ont appris à lire, à apprendre, à s’informer sous forme papier ; or, ce sont des habitudes qui ne changent pas si vite » souligne Anne-Marie Bertrand, directrice de l’ENSSIB, Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, à Villeurbanne.
Le livre résiste d’ailleurs mordicus à Internet et à la dématérialisation. « Presque 20 ans après l’arrivée d’Internet, il n’y a que 8% des livres en France qui sont vendus en ligne » rappelle Guillaume Decitre, p-dg de l’enseigne Decitre, 3e cyber-libraire français. Quant au livre numérique, il a le plus grand mal à s’imposer (peut-être le dernier i-pad d’Apple changera-t-il la donne ?) et va probablement se surajouter pour certains usages spécifiques. « Il y a tout un tas de catégories de livres, notamment dans les domaines scientifiques et techniques, pour lesquels disposer d’un fichier numérique présente vraiment un intérêt, pour les mises à jour, les recherches dans le texte. Il commence à y avoir de la demande. » poursuit le patron de Decitre, qui annonce qu’ « en 2010, Decitre pourra commercialiser des fichiers numériques ».
Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche sont indéniablement les plus en avance dans la réalisation et l’utilisation de bibliothèques numériques. La qualité du réseau de bibliothèques numériques dans l’agglomération lyonnaise (ENS, ENSSIB, Ecole centrale, INRP, les Universités, etc.) en atteste.
Les lieux de culture, y compris dans le spectacle vivant pourtant par essence éphémère, gardent aussi de plus en plus la trace de leurs « produits » culturels sur supports numériques. C’est le cas notamment de la Maison de la danse avec une vidéothèque de danse en ligne pionnière en la matière , mais aussi du Théâtre Les Célestins, ou encore de La Maison du Fleuve Rhône. La création d’un fonds audiovisuel commun aux boîtes de production de l’agglomération lyonnaise est également dans les cartons.
La dématérialisation pose de nombreuses questions :
- La conservation. La numérisation assure la conservation des documents originaux dans le sens où elle limite leur manipulation, source principale d’altération des originaux. Mais l’obsolescence technologique et la volatilité des contenus dans le domaine numérique n’assure qu’une conservation limitée (à quelques années, maximum dix). La clé de la conservation des documents numériques réside donc dans l’organisation de la migration des données sur de nouveaux supports. La migration a toujours été le lot des écrits (depuis les moines copistes !), mais le rythme devra s’accélérer – et les documents audio et vidéo posent le problème de façon plus prégnante encore. L’INA qui a entamé un ambitieux travail de numérisation en 2000 prépare actuellement la 2e migration de supports. De nouveaux métiers apparaîtront donc sans doute dans l’ordre de l’ingénierie de la migration.
- La disparition de traces tangibles. Cette virtualisation peut modifier notre lien à l’histoire, le rendre moins prégnant, moins tangible. Valérie Haas, maître de conférence en psychologie sociale à Lyon 2 s’interroge : « Sans le lien direct avec les traces tangibles de l’histoire, on risque de tomber dans une espèce d’histoire virtuelle. Il y a une force du témoignage de l’archive marquée par la patine du temps. Est-ce qu’elle sera la même si je découvre ces documents sur mon ordinateur ? ».
- L’authentification. Des chercheurs travaillent à des processus d’authentification et de protection des documents numériques. Mais la dématérialisation avive le fantasme de la manipulation de la mémoire (par transformation des textes ou des images, par création de documents de toutes pièces – divers logiciels le permettent facilement). Elle réactive aussi la peur de l’effacement : un coup de clic et on fait table rase du passé ! En quelques années, le support numérique devient obsolète et si l’on oublie de programmer la migration des données, elles deviennent alors illisibles… La peur de la perte des données a toujours existé (dans l’histoire, des incendies de bibliothèques ont supprimé des pans entiers du patrimoine culturel mondial), mais le risque peut être accru à la faveur du numérique. Or on sait bien qu’un domaine aussi politique et sensible que la mémoire peut faire l’objet d’incessantes tentatives de révisionnisme ou négationnisme.
- Le retour au réel. Pour la plupart des acteurs de la mémoire, la dématérialisation (ou le déracinement) s’accompagne assez paradoxalement d’un retour aux lieux physiques. C’était d’une certaine façon la thèse de Pierre Nora dans sa somme Les lieux de mémoire (Gallimard) : le lieu permet de « décharger » ou confier sa mémoire. L’idée de bibliothèques numériques sans mur, envisagée il y a une 15aine d’années, s’est heurtée à un besoin manifeste des usagers à fréquenter et à partager des lieux de vie, d’animation et de socialisation. C’est l’avis d’Anne-Marie Bertrand, directrice de l’ENSSIB : « Toutes les enquêtes sociologiques de public montrent que c’est très important que les bibliothèques soient aussi des lieux de vie, où les gens se rencontrent, se retrouvent, peuvent travailler ensemble, discuter, se donner rendez-vous. Les gens ont envie de se retrouver dans un lieu socialement assez neutre, gratuit, ouvert à tous, quels que soient l’âge, le diplôme et le statut social. Je crois que c’est important de préserver la possibilité d’accéder à des lieux socialement neutres et non marchands dans la ville ».
Il existe deux modèles principaux de régulation de la mémoire participative :
Le wiki (rapide en hawaïen) est un site web dont les pages sont modifiables par tout ou partie des visiteurs du site ; il permet ainsi l’écriture collaborative de documents. Le plus connu des wikis est Wikipédia, l’encyclopédie collective libre qui compte 40 000 adeptes (wikipédiens) en France. Il propose des articles de synthèse conçus par un contributeur anonyme, qui sont régulés collectivement a posteriori.
Le knol (mot valise issu de la contraction de knowledge, connaissance, et mol, abréviation de mole, unité de mesure) est une plate-forme d’échange d’informations sur Internet créée par Google en juillet 2008 autour du concept initial de mise en valeur des auteurs. Knol compte environ 1000 knolauteurs en France. Le knol est un article de synthèse réalisé par un auteur en visibilité, et régulé a priori (par filtrage éditorial des modifications proposées par les lecteurs).
Patrick Serrafero, professeur associé à l’Ecole centrale de Lyon et chef d’entreprise dans le domaine du knowledge management, est un wikipédien et un knolauteur de la première heure. Pour lui, « par rapport à wiki, le knol ou « blog de connaissance » est une invention majeure. De la même manière que les biologistes ont distingué les virus et les bactéries ! Les applications pédagogiques de ces knols sont évidentes. »
Ces deux procédés de constitution de la connaissance sont portés par des philosophies assez différentes qui révèlent une vision constructiviste et horizontale du savoir (la plus répandue) ou plus «positiviste » et verticale.
Patrick Bazin se tient résolument dans le camp des constructivistes. « La vie des contenus (leur création, leur transformation, etc.) doit s’exprimer, à mon avis, pour l’essentiel horizontalement. » estime-t-il, tout en précisant qu’ « il est très important que les procédures d’accès et de partage soient largement et équitablement diffusées ». Car pour le directeur de la BmL, « le dispositif du savoir qui, depuis des siècles, fonctionne verticalement, basé sur le contrôle des modes de production de la connaissance par le haut, à partir de corps constitués surplombants » est « un système aujourd’hui en bout de course ». « Pas seulement à cause des nouvelles technologies, mais tout simplement du fait de la démocratisaton croissante » des savoirs précise-t-il.
L’ingénieur Patrick Serrafero, professeur associé à l’Ecole centrale de Lyon et chef d’entreprise dans le domaine du knowledge management, a un point de vue très différent. « Il faut une hiérarchie cognitive, des gens respectés dans l’entreprise, comme des gens qui savent (experts, spécialistes), qui peuvent se mettre en position d’arbitre pour évaluer des propositions cognitives de la part de jeunes ou moins sachant. » Pour lui, « la démocratie, ça ne marche pas dans le domaine de la connaissance industrielle » car l’erreur peut y être fatale.
Ces visions de la connaissance sont plus ou moins porteuses d’optimisme. Quand un Emmanuel Hoog nourrit les plus vives inquiétudes pour les « digital natives » (personnes nées avec le numérique) qui ne sauront plus « distinguer le vrai du faux, le réel du virtuel » et baigneront dans « un éternel présent dénué de conscience historique », un Patrick Bazin croit fermement en leur capacité d’adaptation. « Je pense que l’être humain est capable de distinguer d’une façon naturelle, car il est fait comme ça, le réel du virtuel, le présent du passé. Je ne pense pas que les jeunes ne soient plus capables de se situer dans le temps. Au contraire ! Avec Internet, on a une capacité à rappeler le passé qui est bien supérieure à celle qu’on pouvait avoir auparavant. (…) Je crois, au contraire, que nous entrons dans l’âge de la mémoire, d’une mémoire de plus en plus riche, complexe et en relation active avec le présent ».
Entre ces deux visions tranchées, Anne-Marie Bertrand (ENSSIB) est plus nuancée : « Le côté collaboratif est évidemment une nouveauté importante dont il faut tenir compte. Car de plus en plus, la science et le savoir peuvent s’élaborer de cette façon, comme le montrent, dans le champ universitaire, les HAL. C’est une nouveauté tout à fait assise et acquise. Mais sur les wikis, je serais beaucoup plus réservée. Wikipédia pose le problème de la disparition du travail éditorial et des repères de validation de l’information. (…) Je ne pense pas que le rassemblement de 300 ignorants produise du savoir ! » Elle ne prône pas pour autant un modèle vertical (de type purement universitaire) de validation des savoirs. Car selon elle, « Les expertises sont partout ; elles sont diffuses. Je crois à une régulation au sein de communautés assez réduites d’historiens, de physiciens, de cuisiniers, qui eux-mêmes créent de la compétence ».
Le modèle collaboratif fonctionne déjà bien dans le milieu universitaire ou dans des communautés relativement homogènes.
Cette dimension collaborative change le rapport entre les institutions de la mémoire et leurs usagers. Moins passifs et captifs, ils peuvent eux aussi participer à l’enrichissement ou l’indexation des documents mémoriels. Les Archives municipales de Lyon s’apprêtent ainsi à ouvrir l’indexation collaborative de leurs documents en ligne, notamment l’état civil. « C’est la magie des TIC de permettre de capitaliser toutes ces informations produites individuellement pour l’usage de tous » estime Anne-Catherine Marin (Archives de Lyon).
Internet étant également un formidable outil de mise en réseau, la mémoire numérique peut être davantage mutualisée, capitalisée et partagée que la mémoire culturelle classique.
C’est déjà le cas pour les bibliothèques universitaires et interuniversitaires qui ont développé des portails et bases bibliographiques communs, comme la bibliothèque Cujas (sciences juridiques et économiques) et la BIUM, bibliothèque interuniversitaire de médecine.
Diverses institutions de la mémoire peuvent ainsi alimenter un portail commun qui valorise les richesses de l’ensemble et renvoie aux trésors des unes et des autres via leur site propre. L’un des cas les plus aboutis est celui de la banque numérique du savoir d’Aquitaine. La Directrice de l’Inventaire général en Rhône-Alpes (dont les missions sont de recenser, étudier et faire connaître les lieux du patrimoine), Françoise Lapeyre-Uzu appelle de ses vœux la réalisation d’un portail ou d’une base de données similaire en Rhône-Alpes.
Dans l’agglomération lyonnaise, des collaborations existent notamment entre les Archives de Lyon, la Maison du fleuve Rhône, le théâtre des Célestins, etc. Par ailleurs, les bibliothèques des villes centre de Rhône-Alpes ont un portail commun : lectura.fr, et la Ville de Lyon a son portail culture qui fédère l’ensemble des structures culturelles de la ville
Mais une question demeure : faut-il privilégier une mémoire globale, universelle – ce que permet aisément Internet - ou une mémoire territoriale, et de quel territoire ? A rebours du discours qui assure que la mondialisation appelle à une territorialisation accrue, Anne-Marie Bertrand (ENSSIB) se dit « réservée car l’un des intérêts d’Internet est de franchir les territoires ; donc est-ce bien intéressant de s’y renfermer ? Je ne suis pas sûre… Je sais que le ministère de Culture pousse un peu à la roue, pour la constitution de bibliothèques numériques régionales. Et Patrick Bazin comme moi-même sommes plutôt réservés. Je ne vois pas quel est l’intérêt de faire une bibliothèque numérique régionale à partir du moment où les informations sont disponibles nationalement voire internationalement. Qu’est-ce que ça apporterait de plus que ce soit fédéré dans une instance régionale ? ».
En revanche, pour Anne-Catherine Marin (Archives de Lyon), la réponse est évidemment territoriale : « La logique pousse à la mutualisation en matière de collecte et de conservation d’archives mais aussi de leur diffusion ; je crois que cela implique de faire évoluer l’organisation des archives d’une logique verticale d’archives d’administration vers une logique transversale d’archives de territoire ». Elle aimerait à cet égard développer un travail collaboratif avec les archives du Grand Lyon car « avec les transferts de compétences, à la création des communautés urbaines, dans certains domaines, les documents de décision ne sont plus produits au niveau lyonnais mais à celui du Grand Lyon ». Pour elle, « c’est donc bien le moment de s’interroger sur les relations entre conservation de la mémoire et territoire et ce d’autant plus que les chercheurs qui travaillent sur l’époque contemporaine, définissent majoritairement leurs problématiques dans un espace plus large que celui de la commune, celui de la métropole, voire de la région urbaine. » Quand on constate une demande locale ou régionale forte, ne faut-il pas s’adapter à ces usages ?
Mémoire de flux, mouvante, interactive, la mémoire à l’ère du numérique agrège sans cesse de nouveaux contenus et génère une diversité et une quantité d’informations sans précédent. Comment se repérer dans ce flot où le pire côtoie le meilleur et où règnent également faussaires, vandales et marchands du temple ?
EN
dehors des sites qualifiés, émanant d’inn’adjoignent pas un critère de popularité comme c’est le cas de Google - qui ne permettent pas une hiérarchie fiable de l’information.
En attendant le Web 3.0, qui sera sémantique – et donc relativement « intelligent » -, les usagers se perdent parfois dans les dédales de la mémoire numérique.
Pour éveiller le sens critique et aiguiser la capacité de choix des citoyens, la plupart des acteurs de la mémoire plaident pour un redoublement des efforts éducatifs et de formation. « Plus l’information se déploie dans le monde du virtuel ou du numérique et plus les dispositifs réels d’acquisition du savoir sont capitaux » assure Emmanuel Hoog. Mais le pd-g de l’INA va plus loin encore en préconisant la mise en place de « drapeaux », « labels » voire l’octroi du logo « Education nationale » aux sites qualifiés et validés
A l’opposé, Patrick Bazin (BmL) se refuse à toute idée de prescription sur Internet. « Fondamentalement, on doit, d’abord, faire confiance en la capacité de chacun à trouver ce qui convient plutôt que d’imposer d’emblée des cadres prescripteurs. (…) D’autant plus que sur Internet, à côté des contenus, il y a aussi toute une ingénierie de la connaissance (outils linguistiques, environnements collaboratifs, etc.) qui se développe et facilite l’usage de ces contenus. » A la prescription, il préfère l’accompagnement. « Face à cette extension du domaine de la connaissance, le rôle des médiateurs, des passeurs (il les appelle aussi « coachs du savoir ») sera, sans doute très important. Il ne s’agira pas pour eux de prescrire mais d’accompagner, d’acquérir un savoir faire dans la recherche d’information tout en faisant un bout de chemin avec l’usager ». C’est ce que fait déjà la BmL de Lyon avec le Guichet du savoir, service de renseignements à distance.
Lire entretien avec Patrick Bazin : « Nous entrons à présent dans l’âge de la mémoire »
De son côté, Anne-Marie Bertrand (ENSSIB) évoque « une nouvelle politique de médiation ». « Des bibliothèques ou d’autres entités peuvent créer des dossiers, des fiches techniques, des répertoires, des sources qui aident les gens à se débrouiller dans cet océan d’informations, à trouver quelques balises, quelques repères ». Elle insiste : « C’est important si on ne veut pas tomber dans la fracture numérique : les infos riches et les infos pauvres, ceux qui savent se servir de l’information numérique et ceux qui ne savent pas, ou moins bien ».
Face à toutes ces évolutions en cours, les acteurs de la mémoire appellent tous à la mise en place d’une « politique de la mémoire ». Mais celle-ci est plus ou moins interventionniste selon les modèles de connaissance qu’ils privilégient, et qui dessinent, nous l’avons vu, des visions du monde très différentes.
E. Hoog est sans doute le plus énergique, réclamant une régulation forte par l’Etat : « Il paraît inimaginable que la puissance publique ne se saisisse pas tôt ou tard de la question de la régulation d’Internet » affirme-t-il. Il appelle aussi les collectivités locales à la vigilance : « Pour toutes les collectivités locales dont les budgets autour de l’éducation (lycées, collèges…) sont importants, qui disposent de réseaux Internet et qui investissent beaucoup sur les contenus, ce sont des éléments absolument capitaux et stratégiques. C’est la question de la production de données, de leur authentification, de leur labellisation, puis de leur référencement. (…) C’est un vrai sujet : il ne suffit pas de développer sur Internet des espaces de savoir, encore faut-il que les conditions d’accès soient faciles, simples et transparentes. »
est plus libéral – ou plus libertaire… Pour lui, les collectivités publiques « ne doivent pas, bien sûr, régenter la pensée », mais simplement « favoriser les conditions d’existence d’un espace public de la connaissance ».
De manière générale, tous insistent sur trois aspects principaux :
- garantir une accessibilité des données dans les conditions les plus transparentes qui soient, et leur pérennité.
- faciliter la mise en synergie des compétences, le partage des connaissances et la mise en réseau – en essayant de « susciter la diversité et de favoriser la recomposition et l’ouverture des réseaux » insiste Patrick Bazin (BmL). Le pluralisme s’envisage aussi dans des partenariats public/privé et la compétitivité économique dans des transferts de connaissance accrus universités, organismes de recherche / entreprises.
- favoriser les dispositifs de formation, et d’acquisition des technicités et des compétences permettant de se repérer sur Internet, et de valider les informations. Contribuer à la mise en place d’une nouvelle offre de médiation permettant aux usagers le plein exercice d’une pensée libre et critique.
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Interview de Emmanuel Hoog
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