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EMERGENCES CULTURELLES

Regroupement d'individus dont les visages ont été remplacés par des smiley aux expressions diversifiées

Dossier

La notion d'émergence est plus complexe qu'elle en a l'air. S'agit-il de nouvelles disciplines, de propositions artistiques innovantes ou encore de nouveaux modes de « consommation » du public ?

C'est véritablement tout le secteur culturel qu'elle interroge : du rôle de l'artiste aux pratiques du public, des nouveaux opérateurs de la culture aux acteurs traditionnels...

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Date : 20/09/2010

Les multiples facettes de l'émergence culturelle

  • Comment repérer les émergences culturelles ?

Cette démarche est complexe pour plusieurs raisons. D'une part, le champ culturel est par nature un univers en recomposition et en expansion permanentes. Il ne produit que des prototypes et propose sans cesse des expériences inédites. D'autre part, il veille tout particulièrement à protéger ses arts déjà identifiés et la veille en matière d'émergences n'est pas très développée.
Si la démarche d'identification des émergences culturelles semble difficile à mener à bien, plusieurs approches peuvent être utilisées afin de poser un regard renouvelé sur le champ de l'art et de la culture. Celles-ci montrent que l'émergence est partout et en particulier...

  • Dans la constitution de nouvelles disciplines ou pour des artistes ou collectifs nouveaux

La constitution de nouvelles disciplines est plutôt rare, mais semble s'accélérer depuis les années 1980. Un des exemples les plus marquants est la danse hip-hop. Quant aux artistes ou collectifs nouveaux, on les qualifie d'émergents lorsqu'ils sont « dans une phase d'insertion professionnelle et d'amorce de reconnaissance » (Pierre-Alain Four).

Dans les propositions artistiques de disciplines bien identifiées

Lorsque des propositions artistiques renouvellent une discipline, on parle aussi d'émergence. Cela a été le cas pour la danse contemporaine, ou encore le cirque actuel ou cirque contemporain, où l'écriture poétique et les émotions ont davantage de place, où les numéros animaliers sont rares, où les espaces scéniques ne se résument pas à la piste, etc.

  • Dans les attitudes et pratiques du public

Le public culturel se montre de plus en plus actif, participatif, créatif et ce, aussi bien sur les volets production/création et diffusion que sur les volets « consommation » et conservation/archivage. Ainsi, la participation à une œuvre (ex. le Défilé de la Biennale), la réalisation d'objets créatifs (ex. vidéos, photos, musiques...), leurs mises en ligne sur des sites de partage s'affirment aujourd'hui comme des pratiques émergentes.

Dans les courants renouvelant la relation au public

On peut évoquer la gratuité, l'art dans la rue, les portes d'entrée numériques aux œuvres et spectacles (ex. visite virtuelle de musée, concert en ligne).

 

  • Comment s'y retrouver et trouver ce qui en vaut la peine ?

« La notion d'émergence est employée aujourd'hui pour désigner une nouveauté, mais aussi une nouveauté « qui en vaut la peine » (Pierre-Alain Four). Toutes les dimensions de l'émergence posent donc la question de l'évaluation. Les publics semblent faire leurs propres chemins dans le champ de la culture, butinant d'une proposition à une autre, zappant d'une pratique à une autre... Mais dans un champ particulièrement foisonnant où les repères se brouillent et les propositions se multiplient, l'acteur public doit déterminer ce qu'il doit et peut soutenir. Pour pouvoir faire des choix, le développement des moyens de veille et d'analyse s'impose. Il convient aussi de relier les émergences à soutenir en fonction des objectifs de la collectivité : favoriser la sociabilité, faire rayonner les propositions locales, stimuler la créativité...

Disciplines émergentes ou effets de mode ?

Comment une nouvelle discipline se constitue-t-elle ?
Il n'existe pas de règles en la matière. En outre, il est rare qu'une discipline se développe ex nihilo. Le plus souvent une discipline émergente s'inscrit dans une filiation. Voici trois cas de figures ayant pour point commun la production de propositions qui ne se conforment pas aux normes du champ culturel et qui sont reconnues comme disciplines culturelles, ou peut-être en voie de l'être.

  • Le hip-hop, une culture urbaine aujourd'hui reconnue... et demain, le slam ?

Depuis les années 1980, le hip-hop s'est peu à peu imposé comme un exemple emblématique d'émergence. « A l'origine, la danse hip-hop propose une esthétique nouvelle, hybride, qui tient à la fois de la démonstration gymnastique et de la création d'un vocabulaire corporel original. Par ailleurs, elle est le fait d'amateurs, qui ne prétendent pas d'emblée appartenir au champ artistique, mais qui ont trouvé une forme d'exercice très spécifique qu'on peut décrire comme une compétition d'habileté (« battle »). Autre spécificité, le hip-hop est pratiqué essentiellement par des garçons, très souvent issus de l'immigration et habitants dans les banlieues des villes ». Mais ces caractéristiques ont évolué quand un certain nombre d'acteurs, animateurs de quartiers et centres sociaux en tête, ont mis en contact hip-hopeurs et danseurs contemporains : « très vite la greffe a pris, les valeurs de la danse contemporaine venant nourrir celles du hip-hop et inversement » (Pierre-Alain Four). Peu à peu, et non sans heurts, les institutions culturelles ont reconnu le hip-hop comme une discipline culturelle. Aujourd'hui, dans l'agglomération lyonnaise, cette reconnaissance passe notamment par la programmation du hip-hop à la Maison de la Danse et le Défilé de la Biennale de la Danse.
Autre culture urbaine, le slam consiste à écrire des textes et à les déclamer, mi-parlé mi-chanté, avec un accompagnement musical minimum, devant un public. Il prend réellement son envol dans les années 2000 en France, mais n'a pas encore atteint une forte notoriété auprès du grand public. Cette « poésie urbaine » ou encore « tribune de libre expression » est-elle une nouvelle émergence ?

  • Les cultures électroniques : quand le numérique renouvelle les propositions artistiques

Si musique et technologie sont liées depuis longtemps, les innovations technologiques liées au numérique  ont permis au grand public toutes sortes de traitements des sons : remixage, transformation, échantillonnage, etc. La notion d'émergence paraît indiscutable pour les musiques électroniques. « Ces processus retravaillent la notion d'auteur, de compositeur, de musicien même (…) Les musiques électroniques reformulent la notion de spectacle vivant, puisque le concert « en direct », utilise aussi des musiques enregistrées, où les effets sonores peuvent être réalisées sur des boucles pré-enregistrées, etc. Enfin, ces musiques s'affranchissent des codes d'écoute du concert ordinaire : le fait que le public soit rassemblé pour écouter, mais aussi discuter et boire est un profond renouvellement des modalités d'écoute » (Pierre-Alain Four). Dans l'agglomération lyonnaise, le festival des Nuits sonores montre chaque année combien les musiques électroniques ont su s'imposer et déjà s'ouvrir, se renouveler en s'hybridant à d'autres genres musicaux.
Quant aux jeux vidéo, il serait réducteur de les cantonner dans le champ des loisirs et de la distraction. Il est probable que leur reconnaissance naissante dans le champ des arts visuels s'affirme à l'avenir, comme la photographie et le cinéma l'ont connu. Certains jeux vidéo ont clairement une ambition artistique. Les constantes évolutions technologiques permettent de renouvellements créatifs sur chaque aspect : dessins, animations, « jouabilité », scénarios. Des événements, des artistes et quelques sociologues et historiens de l'art s'attachent à décortiquer la culture du jeu vidéo. Enfin, la reconnaissance médiatique est également en marche (quotidiens tout public, magazines spécialisés).

  • Les « mariages » inattendus et féconds : art et industrie, art et sciences

D'autres modes d'expression culturelle voient le jour dans l'hybridation de disciplines. Les relations entre art et industrie sont historiques et caractéristiques des agglomérations de Lyon et Saint-Étienne. Mais elles ont su se renouveler notamment grâce à la « puissance d'expérimentation de la région » (Philippe Dujardin), comme le prouve notamment la biennale du design hybridant production industrielle, objets grand public et dimension créative.
Quant au dialogue arts et sciences, il semble particulièrement prometteur et pour l'instant, largement sous-exploité. Pour Pascal Michalon, il ne s'agit pas de « regarder la science » mais de faire en sorte que ces deux univers très différents se confrontent et proposent « une véritable réflexion, un questionnement d'ordre scientifique, sociétal, esthétique au travers d'une expérience artistique ». Allant plus loin, Pierre-Alain Four rapprochent raisonnement scientifique et raisonnement artistique : « artistes et chercheurs produisent des mises en garde, interpellent, ou encore élaborent des réflexions éthiques. De fait, de nombreux artistes jouent sur un terrain autrefois dévolus aux intellectuels, en utilisant des formes plutôt que des mots ». Comment bénéficier de ce dialogue fécond entre arts et sciences ? La réponse relève du changement de mentalités : « il faut arriver à arrimer l’idée que notre développement, que la pérennité de notre société, passe par une croissance qui repose sur l’intelligence et que celle-ci se trouve dans de très nombreuses productions humaines… ».

Quand les disciplines culturelles reconnues suscitent des émergences....

 

Qu'il s'agisse de renouvellement ou d'innovation, toutes les disciplines culturelles reconnues suscitent des émergences à des degrés divers. Voici quelques exemples montrant cette hétérogénéité.

  • Théâtre et arts de la rue, deux « cousins » qui s'ignorent

Dans le théâtre, il semble que les émergences soient peu valorisées. On y parle peu d'innovation ou même de rupture. Dans le champ des arts vivants, « au début des années 1980, on assiste à une remise en cause du théâtre traditionnel par les arts de la rue sur plusieurs de ses fondamentaux comme la frontalité, la place du public, le répertoire... » (Pierre-Alain Four). Les arts de la rue cherchent en particulier à rendre le spectateur plus actif en optant pour un lieu de représentation inhabituel, en le prenant à partie, en improvisant avec lui... Face aux résistances du théâtre reconnu, les arts de la rue ont très vite été considérés comme une discipline nouvelle avec ses propres festivals, revues, sites, etc. et des financements publics spécifiques. Pour Philippe Chaudoir, « les arts de la rue se sont constitués comme un secteur à part entière, parce que leurs propos conduisaient à un dialogue nécessaire avec la puissance publique et les politiques publiques ».

  • Musiques mises en scène, une piste sérieuse d'émergence

Dans le vaste champ de la musique, les musiques mises en scène repensent le cadre traditionnel du concert. Elles se distinguent de l'opéra « en ce qu'il propose des scénarios originaux, mêlant la musique au texte (ou à la danse, aux arts plastiques), pour dégager une dramaturgie spécifique, où la musique a une place centrale » (Pierre-Alain Four). Là encore, la volonté d'élargir le public est présente. Quelques pionniers de la musique classique empruntent également ce chemin, comme le quatuor Debussy formé à Lyon : « les concerts « traditionnels » représentent tout de même les deux tiers de notre activité, mais les productions scéniques nous donnent un espace nouveau, un renouvellement artistique que nous n’obtiendrions pas en restant en formation à quatre. Et puis il est vrai aussi que cela contribue à nous identifier, cela nous distingue ».

  • Renouvellement de l'écrit et nouvelles diffusions

Avec le numérique, l'écrit se transforme : les sms et mails, tant à usage personnel que professionnel, ne cessent de se développer, le succès des blogs ne se dément pas, l'écriture collaborative est facilitée...  Même si les écrits produits sont très divers, tous ces nouveaux usages ont le mérite de décomplexer, de montrer que chacun peut être auteur... même s'il ne s'agit que d'un simple commentaire sur un fait d'actualité ou d'un billet sur sa passion du moment.
En outre, la numérisation de l'écrit facilite grandement son stockage, son accès et sa diffusion. Bien sûr, cette tendance fait débat : certains mettent en avant « l'extension du domaine de la connaissance » (Patrick Bazin, Guillaume Decitre), d'autres réclament d'urgence une régulation d'internet (Emmanuel Hoog)... Tous prônent l'éducation et la formation des usagers, en particulier des « digital natives » (la génération ayant toujours connu un environnement numérique, riche en ordinateurs, connexions Internet, téléphones mobiles...), aux usages d'internet, à la recherche critique d'informations et à la confrontation des savoirs.

  • L'art contemporain, bon élève de l'émergence

L'art contemporain porte une attention toute particulière, excessive pour certains, aux émergences. « Ainsi, les arts plastiques contemporains sont aujourd'hui reconnus pour leur pratique constante de la novation et de l'émergence, attitude qui leur est d'ailleurs parfois reprochée, car elle serait un nouveau conformisme » (Pierre-Alain Four). Un aspect mérite d'être souligné : ces propositions esthétiques émergentes ne donnent pas lieu à des disciplines autonomes, mais s'inscrivent dans des courants, ou écoles, acceptés dans le vaste champ de l'art contemporain.

Création, diffusion, "consommation" culturelle...les pratiques du public bouleversent tout !

Quand on parle d'émergence culturelle, il est désormais incontournable de se pencher sur les nouvelles pratiques des  « consommateurs » tant celles-ci évoluent et se diversifient. C'est le rapport même à « l'objet culturel » qui se modifie.

  • Tous artistes ?

Peut-être pas... mais nombre de dispositifs cherchent à faire participer le public à la réalisation d'un « objet culturel » depuis une quinzaine d'années. On peut citer notamment les ateliers de pratiques artistiques, comme celui emblématique du Défilé de la Biennale de la Danse, les « Créations civiles » faisant danser en ville néophytes et professionnels, ou encore les animations pédagogiques de la Biennale d'Art Contemporain de Lyon. Évoquant le Défilé, Margot Carrière (chorégraphe) le souligne « les amateurs, ça ne veut rien dire. Il y a des professionnels qui agissent en amateurs et des amateurs dont l'état d'esprit est très professionnel. Ce qui compte, c’est l’implication, le sens que l'on met dans ses gestes, son action, l'éthique ».

Et le développement des équipements et des usages du numérique viennent renforcer un peu plus cette tendance, puisque la création ou l'intervention sur une œuvre est facilitée :
•    des objets réalisés en coopération, comme la reconstitution en ligne d'un concert du groupe Daft Punk à partir de vidéos amateurs ou encore les flashmobs qui consistent à rassembler dans un lieu public sur un temps et un thème donné des volontaires (le 26 juin 2010, un flashmob a eu lieu sur la place Bellecour devant l'enseigne Only Lyon récemment inaugurée)
•    des plateformes, sites et blogs aux contenus artistiques, tel DailyMotion qui reçoit chaque mois 30000 vidéos
•    les diverses appropriations et ré-interprétations des œuvres, telles Human Clock qui indique l'heure à partir de photos postées à travers le monde (la photo change chaque minute), la version grandeur nature -dans les rues du Lyon- du jeu vidéo Pac Man, les « défilés de zombies » inspirés des films d'horreur...
•    les usages artistiques des nouveaux médias, comme par exemple le Google Maps Typography cherchant à reconstituer un alphabet à partir de photos aériennes de bâtiments ou paysages, le Secret Message Service, partageant des secrets envoyés par sms, Twitterfountain qui prend du texte (Twitter) et des images (Flickr) et les mixe ensemble pour créer une œuvre d'art continuelle...

 

  • Tous diffuseurs, prescripteurs, critiques et producteurs ?

 

Avec les outils numériques, les échanges sont facilités. Se produire soi-même, sans l'aide de professionnels des industries culturelles, est possible : les plateformes de partage, profils Facebook, etc. regorgent de propositions culturelles de toutes sortes. Dans le même temps, l'illusion de la gratuité des produits culturels -demande croissante des consommateurs- est entretenue.
Par ailleurs, tout un chacun peut s'improviser critique, recommander tel ou tel artiste ou au contraire le « descendre en flammes  »... Il est même désormais possible de produire « son » artiste via des plateformes (comme my major compagny) mettant en relation jeunes artistes et internautes-producteurs.

 

  • De nouveaux consommateurs plus éclairés ou zappeurs ?

 

Il est difficile de trancher tant la révolution des modes de consommation est importante. La diversification des pratiques s'affirme : il est de plus en plus difficile de corréler des pratiques culturelles à une catégorie socio-professionnelle. Les consommateurs veulent vivre des expériences « enrichies » via la personnalisation, leur participation, au travers de propositions numériques faisant écho aux expériences « réelles », etc. Cela peut se traduire par exemple par la visite virtuelle d'un musée, ou encore une visite en nocturne équipée d'une lampe de poche comme l'a proposé le Musée des Beaux-Arts récemment, ou encore un festival comme les Nuits sonores multipliant les lieux inédits, proposant des manifestations payantes, d'autres gratuites, équilibrant les artistes emblématiques et émergents...
 Dans le contexte actuel, un paradoxe s'affirme entre le désir d'« omniscience » (tout ou presque est accessible et peut s'apprendre, s'expérimenter) et la nécessaire « amnésie » (une œuvre chasse l'autre, il n'y a pas d'approfondissement possible...).

Et demain, vers quelle culture allons-nous ?

Revisiter le champ culturel sous l'angle des émergences montre combien des changements de fond sont survenus au cours des dernières décennies. Qu'annoncent-ils pour les années à venir ?

  • De nouveaux opérateurs de la culture

 

Il faut déjà, et il le faudra certainement davantage à l'avenir, compter sur les nouveaux médias culturels. Et ils sont nombreux ! Les plateformes permettent de partager des vidéos, des sons, des photos et de les commenter. Les réseaux sociaux présentent et véhiculent nombre d'informations et « d'objets » culturels et interconnectent les internautes. Avec les sites et blogs personnels, ces outils changent radicalement le rapport aux médias classiques.
Tout d'abord, ils sont basés sur la libre contribution des internautes, à la fois diffuseurs et premiers spectateurs. Les propositions culturelles y sont donc nombreuses, se renouvellent sans cesse et excèdent l'offre proposé par des médias plus classiques. Chacun peut composer son programme en fonction de ses centres d'intérêt, de la popularité de telle ou telle proposition, des rubriques proposées par ces outils... Les possibilités de parcours et de découvertes sont infinies et la jeune génération y semble particulièrement sensible. Les 16-25 ans consacrent aujourd'hui plus de temps à internet qu'à la télévision. Les moins de 35 ans sont les principaux responsables de la baisse de la durée d'écoute de la radio et de la télévision au cours de la dernière décennie. Quand on sait qu'on conserve en grande partie les habitudes culturelles acquises pendant la jeunesse, on peut imaginer l'ampleur des changements à venir dans le champ culturel.
D'ores et déjà, les passerelles entre les nouveaux médias et les médias traditionnels existent Ceux-ci vont chercher de nouveaux artistes ou des informations sur le net. Nombreux se déclinent en sites internet. Mais il est aujourd'hui possible pour un artiste ou une proposition culturelle d'émerger sans passer par les médias traditionnels. Ceux-ci perdront-ils totalement leur rôle de prescripteur et leur fonction d'évaluation à l'avenir ?

  • Le rôle de l'artiste revisité

Les représentations romantiques de l'artiste sont encore répandues dans notre société : il s'agirait « d'un être à part, de préférence tourmenté, pauvre, entièrement dédié à son art et souvent victime de sa passion artistique » (Pierre-Alain Four). Pourtant, l'artiste a changé et semble bien ancré dans les réalités du monde. « Il pose des questions à son environnement, élabore des problématiques et des hypothèses, repère, construit et utilise des outils pour y répondre et propose le résultat de ses réflexions via des œuvres ». Bien sûr, son langage est spécifique et son travail produit des émotions autant que des questions. En ce début de 21e siècle, les apports de l’artiste à la société sont très variés : produire des esthétiques, être créatif, servir les sociabilités, mais aussi nourrir les processus de construction et d'affirmation identitaires, expérimenter et produire des idées, alerter et faire vivre la pensée...

  • La culture de l'expérimentation prend le pas sur la culture de répertoire

La croissance exponentielle des propositions impulsées, relayées, modifiées par les individus modifie notre rapport à l'objet culturel. Comment s'y retrouver ? Les démarches artistiques, militantes, humoristiques et provocatrices se mélangent. Nous nous éloignons vraisemblablement d'une culture de répertoire, où les objets culturels identifiés étaient portés à la connaissance de tous, pour aller vers une culture de l'expérimentation de tous et en tout lieu.

  • Le temps des paradoxes ?

Aujourd'hui, le champ culturel est plus que jamais fragmenté en raison de la multiplication des médias culturels, de l'interpénétration des pratiques professionnelles et amateurs, de la croissance exponentielle des propositions culturelles... La variété des pratiques culturelles s'en ressent et les paradoxes ne manquent pas !
•    Les modes personnalisés de consommation culturelle (on choisit son moment, son support, son lieu...) ont la côte et les pratiques collectives et collaboratives se multiplient également.
•    Les attentes vis-à-vis de l'artiste travaillant sur la ville sont énormes (donner la parole aux habitants, toucher autrement d'autres publics, contribuer à la démocratie culturelle, participer à l'acceptation des politiques de rénovation urbaine...) mais le « relevé » des effets est très contrasté. D'après l'équipe de la revue Beaux-Arts Magazine, l'artiste sera de plus en plus prestataire de services, répondant aux demandes les plus diversifées (dossier consacré aux changements à venir dans le champ de l'art et de la culture, mars 2010),
•    Ce même dossier envisage pour les années à venir la persistance de propositions monumentales et spectaculaires (la 1ère triennale de l'art en France « la Force de l'art » en 2006, la 1ère édition de la Nuit Blanche en 2002, l'exposition « Monumenta » et ses 13500 m2 d'exposition au Grand Palais..) et la redécouverte des vertus du credo minimaliste (amorcées avec l'exposition « Unmonumental » à New-York en 2008, la « Zero Budget Biennal » à Paris...).
•    Les logiques d'ouverture, d'interdisciplinarité et de co-création sont appréciées et largement plébiscitées par les publics comme les acteurs culturels, mais les demandes de médiation et de formation pour évoluer dans le paysage culturel s'amplifient...