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Robotique et évolution des services urbains

Interview de Claude HORENKRYG

Direction de la propreté

<< La collecte des déchets avec des camions à bras robotisés necessite de l’espace car les bacs sont stockés sur les voies publiques >>.

Interview réalisée dans le cadre de la réflexion conduite par la DPDP sur l’introduction de la robotique dans les services urbains : état des lieux et questionnements
Propos recueillis par Catherine Panassier, le 29 novembre 2010

 

Dans cette interview, Claude Horenkryg présente sa vision de l’évolution des services urbains, expose son point de vue sur les actuels enjeux et sur les questionnements que soulève l’introduction de la robotique.

Date : 29/11/2010

Direction de la Propreté du Grand Lyon
Depuis sa création en 1969, la Communauté urbaine de Lyon exerce ses compétences en propreté sur le territoire qui compte désormais 57 communes. La direction de la propreté du Grand Lyon compte aujourd’hui plus de 2 000 agents. Elle se décline en deux divisions, gestion des déchets et nettoiement et en quatre missions : la collecte des ordures ménagères, le traitement et la valorisation des déchets, le nettoiement des voies et espaces communautaires et le déneigement des voies et espaces communautaires. Chaque année les cantonniers ramassent près de 900 tonnes de feuilles et balaient plus de 23 700 tonnes de  déchets divers. Ils ont en charge 2 500 km de voies, 180 000 m2 de voies piétonnes et 1 300 000 m2 de places publiques.
Le nettoyage de base d'une voie c'est :
- le lavage mécanique de la chaussée,
- le balayage et le lavage (manuel ou mécanisé) du caniveau.
La fréquence de nettoyage d'une voie est fonction de sa fréquentation et de ses caractéristiques.
Le nettoiement c'est aussi :
- Le traitement des déjections canines : il est assuré par le lavage des trottoirs et des caniveaux bien sûr. Le Grand Lyon dispose aussi de dix motos anti-déjections canines qui travaillent sur les secteurs particulièrement sensibles comme les places, les quais…
- Le nettoiement des marchés : chaque semaine, 222 marchés alimentaires sont nettoyés.
- Le vidage des corbeilles à papier : leur vidage et nettoyage est assuré par des micro-bennes ou par les agents d'entretien.
- Le nettoiement des trémies routières et des passages piétons souterrains : il a lieu la nuit afin de minimiser la gêne pour les usagers.

La division du nettoiement est composée de six subdivisions territoriales et d’une subdivision d’appui. Claude Horenkryg est responsable de la subdivision territoriale Nord/Ouest.

Claude Horenkryg, chef de la subdivision nettoiement Nord/Ouest du Grand Lyon, chef de projet système informatique embarquée des métiers de la Propreté : présentation
Lyonnais, né en 1948 à la Croix Rousse, Claude Horenkryg, a commencé ses études d’ingénieur à la Martinière Terreaux qu’il a poursuivies au CNAM puis à Toulouse. En complément, il a effectué un DESS « Développement territorial » à Saint-Etienne. Après des années « sportives » dans l’armée chez les parachutistes, il entre à la Communauté urbaine de Lyon en 1976 et intègre alors la subdivision inspection de la rive droite de Lyon du service des eaux, puis la cellule de gestion. Alors que le Président Francisque Collomb décide de la privatisation, il choisit de rester dans le service public. Il participera  notamment à l’informatisation du service des eaux. En 1990, il change de service et devient responsable d’études à la Direction de la Propreté. Il participe au lancement des collectes sélectives, au renouvellement du contrat de collecte du verre, à l’élaboration du programme de construction des déchetteries, à la construction du centre d’enfouissement des déchets à Rillieux, à la création de la subdivision logistique (réflexion sur l’amélioration des conditions de travail et l’harmonisation des pratiques) et de la cellule de veille technologique. On lui doit également la création des « brigades d’intervention nettoiement » composées d’équipes et de matériels spécifiques pour intervenir dans les secteurs difficiles. Syndicaliste (CFDT), grand sportif, profondément attaché aux valeurs humaines, Claude Horenkryg, est avant tout un ingénieur passionné par l’innovation technologique. Il dirige aujourd’hui la subdivision nettoiement Nord/Ouest (150 agents), mais il est également chef de projet système informatique embarqué des métiers de la Propreté. Il a notamment travaillé à la mise en œuvre du projet Galimède, un système d'informatique embarquée que le Grand Lyon utilise pour la collecte des ordures ménagères, ainsi que pour ses opérations de nettoiement et de viabilité hivernale.
Ainsi, outre sa fonction de responsable de subdivision, il est un interlocuteur privilégié au sein de la Direction de la Propreté sur les questions de mécanisation, de progrès technologiques et d’évolution des métiers des services urbains.

 
Evolution des moyens technologiques
 

Comment décririez-vous l’évolution générale des services urbains depuis la création de la Communauté urbaine ?

Ces services ont toujours été animés par un souci d’amélioration de la qualité du travail et dans une recherche permanente d’évolution des modes de faire. Toutefois, deux grands moments ont été particulièrement importants. Le premier est l’informatisation qui a représenté une véritable révolution. Le deuxième est plus spécifique au Grand Lyon. Il est lié à l’arrivée de Michel Noir et surtout de Pierre Ducret qui ont introduit une nouvelle culture managériale qui a donné envie aux fonctionnaires de s’investir, et non plus seulement de fonctionner. Ce fut un changement radical de mentalité qui a généré de nouvelles façons d’appréhender les métiers, modifié les comportements et les modes de faire. Nous sommes alors entrés dans une dynamique de projet (définition d’objectifs, des métiers et des organisations) et dans un processus de conceptualisation des règles de travail entre les différents services du Grand Lyon. La transversalité s’est révélée être le maître mot de cette profonde évolution.

 

Quelles ont été les évolutions techniques ou technologiques les plus marquantes au cours de ces mêmes années ?

Je le redis, l’introduction de l’informatique a été une révolution. Le service des eaux a été particulièrement précurseur avec l’informatisation des fichiers d’abonnés ou les SIG (service d’information géographique). La mise en place de la chloration de l’eau par un système automatisé représente un premier pas vers la robotisation. Plus globalement, nous sommes un peu à la remorque de ce que peuvent proposer les constructeurs. Dans les systèmes de collectes des
ordures ménagères, nous travaillons àla mise en place de silos enterrés. Pour le ramassage des feuilles, nous utilisons désormais des camions dotés d’un système pour les aspirer et les broyer en vue d’en faire du compost. Dans le nettoiement, de nouveaux matériels plus efficaces sont apparus et je pense notamment aux balayeuses de grande capacité, aux petites balayeuses de trottoirs ou encore aux dernières laveuses haute pression. Par contre, nous ne savons pas encore par quel produit seront remplacées les fameuses « motos crottes » que nous avons définitivement abandonnées. Les réactions des agents nous poussent à innover. Bien qu’ils soient d’abord des motards en charge de l’entretien des rues, les conducteurs de ces motos avaient du mal à rester dessus tant la stigmatisation était grande.
Plus globalement, nous sommes contraints d’évoluer sans cesse pour adapter nos prestations aux évolutions urbanistiques, comme la mise en place des zones de fortes affluences, commerciales, festives  (zones 20) ou les nouveaux espaces type berges du Rhône.

 

Quels critères retenez-vous pour évaluer des propositions d’innovation : le prix, l’amélioration des conditions de travail des agents ou l’impact sur le nombre d’emplois ?

Une innovation ne s’examine pas à partir d’un de ces critères, mais à travers la prise en compte de trois éléments fondamentaux : l’économique, le social et l’environnemental. Bien sûr, nous examinons les aspects financiers : le coût de l’investissement et celui du fonctionnement. Par exemple, une proposition raisonnable ne peut pas dépasser un retour sur investissement de plus de cinq ans. Nous analysons aussi les aspects plus sociaux, le confort et la sécurité des agents, mais aussi l’impact sur les métiers et l’emploi. Enfin, nous veillons à ce que les innovations répondent aux enjeux écologiques. C’est dans cet état d’esprit que nous avons mis en place le fauchage raisonné. Nous coupons l’herbe des talus (hors zone de sécurité), non plus à ras, mais à quinze centimètres pour respecter la biodiversité, et nous ne la coupons qu’une seule fois par an. Bien sûr, cela suppose un changement de perception et que les gens admettent une nouvelle esthétique des talus. D’ailleurs, dans les espaces les plus ruraux de l’agglomération, et lorsque cela est possible, nous confions cette mission d’entretien des talus aux paysans locaux. Nous limitons, voire éliminons, dans certains espaces l’utilisation de désherbants chimiques et laissons l’herbe pousser de façon naturelle. Et, c’est dans ce même objectif écologique que nous recyclons l’eau que nous pulvérisons pour le lavage des trottoirs. Dans nos opérations de salage quand les grands froids arrivent, nous utilisons moins de sel que nous avons remplacé par un mélange de saumure et de chlorure de sodium (bouillie de sel) moins polluante et plus efficace.
Convaincu que les éléments interagissent, que les uns impactent les autres, je suis un adepte de l’analyse systémique. L’analyse des démarches écologiques est, de ce point de vue particulièrement intéressante : quelles sont les conséquences de nos actes, de nos modes de faire ? Parfois, de bonnes volontés conduisent à de véritables désastres. L’analyse systémique permet de limiter les erreurs, elle est une aide précieuse de la décision.

 

L’enjeu écologique est désormais pris en compte dans les évolutions technologiques, et notamment dans la consommation énergétique des moteurs ou dans leur impact sur l’environnement. Quel bilan faites-vous du camion bennes hybride de Renault Trucks que le Grand Lyon expérimente depuis 2008 ?

L’évaluation est encore en cours. Je pense que le bilan est à ce jour encore mitigé. Certes c’est un progrès, mais des améliorations sont encore souhaitables car il n’est aujourd’hui pas possible de l’utiliser partout. Ce camion nécessite des points de rechargement des batteries et il ne fonctionne pas dans les montées. De fait, il n’est pas adapté à tous les secteurs. Par exemple sur notre territoire des monts du lyonnais au relief marqué, nous ne pouvons pas l’utiliser.

 

Pourquoi ne pas avoir choisi d’utiliser des camions, peut-être hybrides, mais également dotés d’un bras de collecte robotisé comme dans nombres d’autres grandes villes à travers le monde ?

Il est certain que ces camions dotés d’un tel équipement sont intéressants. J’ai vu cette expérimentation à Rome qui semble donner satisfaction. Cependant, ce mode de collecte nécessite de l’espace car les bacs sont stockés sur la voie publique. Pour mettre en place un tel système dans l’agglomération lyonnaise, il nous faudrait changer de logique car ici les bacs sont stockés dans les espaces privatifs. Il faudrait aussi prendre en compte ces exigences dans l’aménagement des voiries en travaillant en amont sur l’urbanisme avec les différents partenaires concernés. Toutefois, des expérimentations sont probablement envisageables dans certains secteurs à l’exemple des zones d’activités là où les bacs sont regroupés et les voiries larges. Il est difficile d’imaginer un système qui réponde aux multiples particularités des territoires. La solution est probablement dans la mise en œuvre de systèmes spécifiques à chaque secteur.

 

Vous aviez étudié la mise en place d’un système de collecte des déchets ménagers par aspiration à travers des réseaux souterrains dans le cadre de l’aménagement du nouveau quartier Confluence. Pourquoi avoir renoncé à le mettre en place ?

Ce système est également intéressant, mais là encore tout dépend du territoire sur lequel on souhaite le faire fonctionner. Le système de collecte des déchets ménagers par aspiration à travers des réseaux souterrains peut se révéler pertinent dans certains grands espaces en construction, ou lorsque l’on est contraint de revoir un système devenu obsolète et de s’engager dans l’élaboration d’un système complètement nouveau. Pour le quartier Confluence, le système s’est révélé trop cher. Sur d’autres territoires et par rapport aux enjeux écologiques ou d’emplois qu’il peut représenter, il peut être souhaitable de le retenir.

 

Vous avez récemment travaillé sur le projet Galimède, un système d'informatique embarquée que le Grand Lyon utilise pour la collecte des ordures ménagères, ainsi que pour ses opérations de nettoiement et de viabilité hivernale. Pouvez-vous nous présenter ce système et nous décrire les conditions de sa mise en œuvre ?

Galimède est d’abord un système de géo-localisation vocal et visuel, une assistance à la navigation. C’est également un outil de communication par liaison téléphonique pour améliorer la gestion des pannes et des incidents, des urgences et des  accidents, qui facilite les déroutements. Il permet aussi de transmettre des informations sur le trafic. Enfin, c’est un moyen de saisie des anomalies du terrain et de rapports d’exploitation.
Le système d’informatique embarquée Galimède répond à trois principaux objectifs. Tout d’abord, il vise à améliorer les conditions de travail des agents par une assistance à la navigation, une modification plus aisée des circuits et des tournées, un renforcement de la sécurité des équipages et des usagers, un positionnement précis des anomalies et une analyse globale d’une situation pour permettre une réponse adaptée. Le deuxième objectif auquel il répond est celui de la traçabilité des prestations auprès des bénéficiaires, des usagers et des élus à travers l’édition de tableaux de bord sur la quantité et la qualité des services. Enfin, il permet de développer la coproduction du service entre l’encadrement et les équipages grâce à la transparence par rapport au travail effectué, aux délais rapides, à une remontée des informations du terrain facilitée pour le traitement d’actions ciblées et l’amélioration des circuits. De plus, il représente une base de réflexions et de propositions communes.

 

Pouvez-vous nous décrire les conditions de sa mise en œuvre ?

L’introduction de toute innovation et de tout changement suscite des appréhensions. Ainsi, il est indispensable de les accompagner et de préciser le sens du projet et les convictions qui animent la volonté de changement. Galimède a vraiment été élaboré dans l’intention d’apporter plus de confort aux agents et d’améliorer la qualité du service. Un tel outil pourrait être utilisé à des fins de surveillance. Ce n’est pas le choix que nous avons fait. Pour en convaincre les agents, nous avons élaboré une charte que nous leur avons envoyée avec un courrier précisant bien les objectifs et l’engagement de l’encadrement à ne pas détourner le système de sa fonction. De plus, j’ai mis en place un comité de suivi pour s’assurer de la bonne mise en œuvre du système, évaluer son fonctionnement et apporter des propositions de corrections et d’améliorations, et garantir sa maintenance.
L’élaboration du projet a duré quatre ans et l’installation dans les véhicules s’est terminée fin 2009. Après une année de plein fonctionnement, le bilan est bon. Galimède répond bien aux objectifs qui lui ont été donnés.

 

La collecte robotisée peut permettre une identification des particuliers grâce aux puces informatiques intégrées aux bacs. On peut ainsi constituer des fichiers et identifier des comportements : est-ce une première étape avant la redevance incitative ou vers des mesures coercitives ?

Nous n’avons pas encore vraiment travaillé sur ces orientations. Cependant, Galimède peut effectivement représenter un premier pas vers un calcul de redevance. En effet, il peut tout à fait être doté d’un capteur qui transmette des informations sur les bacs collectés sachant que derrière chaque bac il y a un propriétaire.

 

Pensez-vous que la robotique sera une nouvelle révolution ; que nous allons connaître une « Robolution » comme l’annonce Bruno Bonnell ?

Les progrès sont déjà mesurables dans ce domaine, je pense par exemple aux robots caristes, et je ne doute pas  que nous ne soyons, effectivement, qu’au commencement d’une nouvelle grande évolution. Elle aura sans nul doute des effets positifs, et pourtant les robots génèrent une certaine peur, notamment celle de modifier les relations humaines et de s’accompagner de systèmes de gouvernance plus durs. Pour moi, une part de rêve s’en va, mais probablement que pour les nouvelles générations, ces évolutions ne sont pas aussi « révolutionnaires » !

 

Pensez-vous que nous verrons demain dans l’agglomération lyonnaise des robots à l’exemple de Dustclean ou de Yuki Taro déambuler dans les rues pour les nettoyer ou les déneiger ?

En fonction des territoires, c’est éventuellement envisageable. Les programmations liées aux critères de détections atmosphériques ou la géo localisation sont déjà capables de réaliser de véritables prouesses, à l’exemple des robots de la NASA. Il y aura aussi un apprentissage à faire de la part de la population. En référence à Star Wars, la compagnie d’un robot comme support providentiel est une perspective, plus pragmatique. Des moyens robotisés apportent de véritables améliorations pour les personnes handicapées ou âgées et dépendantes restant à domicile. Aussi une application dans les espaces urbains sera sans doute une prochaine étape.  

 

Quelle perception pensez-vous qu’en auront les agents et les usagers de la ville ?

Tout se reconstruit en permanence y compris les changements de comportement et de représentation, je ne suis pas inquiet, les appropriations se feront avec les nouvelles générations.

 

Pensez-vous que le recours à de tels robots pourrait favoriser une co-responsabilité en matière de propreté entre services et usagers ?

Bonne question, cette coresponsabilité passe aussi par une implication politique affirmée et répétée. Etre éco citoyen ou citoyen est la clé d’un pas en avant important pour les métiers de la propreté urbaine. C’est une condition indispensable pour mieux vivre ensemble dans un même espace

 

Evolution des métiers et conséquences sur l’emploi
 

La mécanisation s’accompagne souvent d’une réduction de la pénibilité des métiers, mais aussi du nombre d’emplois. Comment percevez-vous cette évolution aux effets contradictoires ?

Les services urbains regroupent des métiers difficiles, très physiques et exposés aux aléas climatiques. De fait, la réduction de la pénibilité des métiers est un objectif permanent. L’innovation technique est indispensable pour qualifier les métiers et améliorer nos capacités d’adaptation aux évolutions. Nous sommes condamnés à développer une approche innovante de tous les métiers. Les progrès effectués grâce aux évolutions techniques et informatiques ont permis d’améliorer considérablement le confort et la sécurité des métiers.
Cependant, il est vrai que ces progrès impactent l’emploi et il m’est impossible de défendre une position qui consisterait à générer des suppressions de postes. Il est de la responsabilité de l’encadrement d’accompagner les changements qui demandent aux agents de se mettre dans de nouvelles situations, dans de nouveaux modes de travail, dans des systèmes relationnels différents. Cette adaptation aux changements ne peut se faire sans une prise en compte de la réaction naturelle des gens. Elle nécessite une analyse partagée, une appropriation progressive des projets. Nous utilisons des grilles analytiques, où l’on positionne les aspects positifs et négatifs. Ainsi, ces grilles mettent en évidence les points de blocage qu’ils soient financiers, organisationnels ou autres. Ces analyses multifactorielles nous permettent de mettre en place des démarches de travail collectif constructif si toutefois le sens du projet et la conviction qui l’anime sont explicites. Car la réussite de tout projet de changement dépend surtout des relations de confiance entre les agents et la direction. Or souvent, les agents se sentent peu considérés et peu pris en compte. Ce manque de reconnaissance et de dialogue conjugué aux incessants nouveaux projets de services, définis sans réelle concertation avec les agents de terrain et qui peuvent aboutir à des orientations qui contraignent les agents à accomplir des tâches inutiles ou peu efficaces, génèrent un malaise social qui porte préjudice aux processus d’évolution.

 

Quelle est l’évolution « classique » de la carrière d’un agent de la propreté entré au Grand Lyon sans qualification ?

Les métiers de la propreté et particulièrement celui de ripeur sont difficiles. Certains restent à la direction de la propreté toute leur vie et peuvent évoluer en devenant conducteurs par exemple. Cependant, après quelques années de travail, certains ripeurs peuvent avoir de sérieux problèmes de santé qui les empêchent de poursuivre, et il faut alors envisager une autre évolution de carrière lorsque c’est possible. Je participe à la commission de réforme et m’attache à ce que l’on trouve des solutions pour que chacun puisse rester au Grand Lyon à un poste qui lui convienne et où il peut servir l’institution.

 

L’évolution des métiers n’induit-elle un moindre recrutement d’agents sans qualification ?

La qualification ou le niveau de diplôme ne représente pas un critère lorsque nous recrutons des agents. Au contraire, nous privilégions ceux qui n’ont pas le baccalauréat. Les critères importants pour les fonctions qu’ils vont devoir assurer sont leur état d’esprit (comment ils perçoivent le service public), leur capacité d’anticipation des métiers, et bien-sûr leur comportement.
Il me semble que c’est le rôle des institutions publiques de permettre aux personnes sans qualification de pouvoir avoir un emploi, un salaire et des perspectives. Je ne connais pas précisément les chiffres, mais je ne pense pas qu’à ce jour, nos politiques de recrutement aient changé, et nos personnels non qualifiés restent à effectif constant. Il est certain toutefois, que si des moyens techniques, informatiques automatisés ou robotisés se généralisaient, nos métiers évolueraient. Nous n’en sommes pas là.

 

Si, dans un futur peut-être pas si lointain, la robotique venait compléter la mise en place des systèmes informatiques et automatisés, de nombreux métiers disparaitraient : avec cette disparation, ne serait-ce pas aussi un peu le Grand-Lyon qui perdrait son âme ?

La mécanisation ou les processus de robotisation touche tous les métiers des services urbains, ceux de la propreté comme ceux de l’eau. Déjà les robots remplacent les égoutiers pour certaines tâches. Or, les agents des services urbains sont non seulement les plus nombreux (2/3 des agents communautaires), mais ils portent l’image du Grand-Lyon, celle d’une institution au service des communes qui la composent pour la création et l’entretien des voiries, la propreté, la collecte et la gestion des déchets, l’eau et l’assainissement. D’ailleurs les Grands Lyonnais connaissent peu ou pas les autres compétences du Grand Lyon. Aussi, l’image du Grand Lyon est-elle d’abord portée par ces hommes de terrain travaillant dans des conditions difficiles. Si ces emplois sont amenés à disparaître, il est probable que l’image du Grand Lyon évoluera de fait.

 

Quels nouveaux métiers sont-ils envisageables compte tenu des évolutions actuellement repérées ?

A l’évidence, les métiers seront probablement plus confortables et sécurisés. Cependant, il faudra faciliter l’apprentissage aux nouveaux outils utilisés, et aux nouvelles utilisations du téléphone portable, probablement promis à un grand avenir. Outre cette évolution liée à la mécanisation et aux évolutions technologiques, je pense que nous verrons émerger des métiers de proximité où les agents seront amenés à renseigner les gens (si les robots ne le font pas aussi à leur place !) et d’autres liés à l’introduction de nouvelles pratiques écologiques. Par exemple, pour réduire les déchets, on favorise aujourd’hui le compost dans les immeubles et on introduit la lombriculture dans la gestion des composts. C’est un vrai progrès, une véritable piste d’évolution. Dans le même esprit, l’étude des cafards qui survivent dans des conditions insalubres pourrait nous apporter de grands enseignements, voire des services. Il y a là tout un champ d’exploration qui sera probablement créateur d’emplois.

 

Evolution des partenariats publics-privés
 

Les missions des services urbains sont soit réalisées en régie directe, soit confiées à des entreprises privées dans le cadre de marchés publics. Comment cette répartition s’effectue-t-elle au sein de votre subdivision ?

En ce qui concerne la subdivision nettoiement Nord/Ouest dont j’ai la responsabilité, il convient de rajouter aux 150 agents du Grand Lyon une trentaine de salariés des entreprises. Ces derniers prennent en charge la collecte des corbeilles à papiers, l’entretien et le lavage de certains espaces publics et participent aux opérations de déneigement, notamment avec les douze véhicules de salage.

 

Quelle différence percevez-vous dans les métiers lorsqu’ils sont portés par les services publics et par les entreprises privées ?

Nous sommes un service public. Comme les entreprises privées, nous avons le souci de la qualité de nos prestations, de l’adaptation permanente aux évolutions des territoires et des modes de vie, et de la gestion des personnels et des métiers. Cependant, en tant qu’institution publique, nous sommes peut-être plus attachés au travail partenarial avec les communes et aux relations avec les bénéficiaires. Par exemple, nous avons travaillé avec la commune de Rilleux dans une étroite collaboration. Lors du mandat précédent, le maire nous a clairement fait part de ses attentes, défini une feuille de route et invités à participer à une démarche de mutualisation des moyens pour être plus efficaces. Nous travaillons ainsi dans le cadre du dispositif GSUP (Gestion Sociale et Urbaine de Proximité) de Rillieux, et dans le même état d’esprit à Fontaines sur Saône. Peut-être que l’entreprise privée se sent moins légitime ou moins intéressée par de telles formes de travail. Par ailleurs, nos agents ont en charge le nettoiement et l’entretien des voies et de certains espaces publics. Cependant, ils sont aussi des observateurs de territoires et des correspondants de proximité. Ils renseignent les personnes sur place, et l’institution sur les évolutions des territoires. Je ne suis pas sûr que les agents d’entreprises puissent tenir le même rôle.

 
 

Quel est l’impact de ce double portage des missions de services urbains sur l’évolution des moyens techniques et informatiques, automatisés ou robotiques ? Les entreprises privées ne sont-elles pas plus contraintes par des retours sur investissement très courts et, de fait, dommageables à l’expérimentation ?

Les règles de fonctionnement entre entreprises et services publics visent des objectifs nettement différents. Les finalités du service ne sont pas perceptibles directement sauf si l’on mesure le coût du service pour le public. Les modes de faire et la proximité sont des caractéristiques du service public à défendre autant pour le personnel que pour les bénéficiaires. Il s’agit d’un jeu d’équilibre que de conjuguer les objectifs, les attentes, les concurrences, pour mettre en harmonie les meilleurs recherches et développer les outils et les pratiques à partager, public /privé, tout en gardant les règles du public et le rôle du donneur d’ordre.  

 

L’élaboration de systèmes robotisés nécessite des compétences multiples et des investissements particulièrement lourds. Face à de telles réalités un partenariat public/privé vous semble-t-il indispensable et, selon vous, quelle forme devrait-il prendre ?

Le partenariat public/privé est nécessaire. Nous l’avons d’ailleurs déjà expérimenté pour GALIMEDE. Le service public définit le cahier des charges, l’entreprise réalise, les deux s’accompagnent mutuellement dans un partenariat où les règles du jeu sont connues et écrites. Les prestataires agissent aussi pour montrer leurs capacités innovantes, qui est un des atouts et un gage de dynamisme. Le chef de projet est aussi un chef d’orchestre pluridisciplinaire dont le challenge est l’harmonie des trois U : utile, utilisable, utilisé.
En résumé, le chef de projet public est une clé partenariale, il a en charge de se poser les bonnes questions, la mesure des investissements, leurs sens et de veiller aux conditions de mise en œuvre. Un bon acteur, public ou privé, se doit d’être à l’écoute et de ne pas s’arrêter a une destination figée, de savoir rechercher des expériences pour enrichir la réflexion et de s’investir dans les réseaux d’échanges d’idées et d’expériences, d’apprendre aussi du terrain et d’avoir toujours un coup d’avance.
Si l’on se dirige vers une robotisation, le partenariat public/privé est quasi indispensable. Il nécessitera une sérieuse étude préliminaire des définitions des cahiers des charges en tenant compte des aspects systémiques (approche globale), et en associant les agents.