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Daniel Mugnier : « L’enjeu pour la technologie photovoltaïque n’est plus celui des coûts de production, mais de la valeur d’un projet »

Interview de Daniel Mugnier

Portrait de Daniel Mugnier
Président du programme photovoltaïque de l'Agence Internationale de l'Énergie

Daniel Mugnier a travaillé avec passion dans le secteur de l’énergie solaire depuis la fin des années 1990, avec une activité d’ingénierie et de recherche-innovation au sein du bureau d’étude Tecsol, dont il a pris la responsabilité de l’agence lyonnaise en 2020. Il a ensuite rejoint le groupe Planair d’origine suisse en 2022, pour lequel il occupe aujourd’hui la responsabilité de l’activité solaire au niveau national.

Depuis le début des années 2000, il est également très actif au sein de l’Agence Internationale de l’Énergie, dont il a été président des activités solaires thermiques entre 2018 et 2021. Depuis 2021, il assure la présidence du programme photovoltaïque (PVPS) de l’agence, ce qui lui permet de suivre de près les enjeux stratégiques de la filière.  

Dans cet entretien, Daniel Mugnier revient sur la forte croissance du marché photovoltaïque au niveau mondial, ainsi que sur les principaux procédés – hétérojonction, couches minces  – susceptibles d’améliorer le rendement de cette source d’énergie.

Cet entretien est mené dans le cadre d’un travail plus général sur la prospective des matériaux.

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Date : 27/03/2023

Comment a évolué la filière photovoltaïque au cours des dernières années ?

Les perspectives sont donc énormes, avec un marché qui représentait il y a une quinzaine d’années quelques gigawatts (GW) par an, alors qu’aujourd’hui on parle de centaines de gigawatts par an !

Le photovoltaïque a connu une dynamique impressionnante au niveau mondial avec un marché qui a été multiplié par cinquante en une quinzaine d’années. Sur la même période, les prix ont été divisés par 6, avec une légère baisse de dynamique post-covid, puis suite à la guerre en Ukraine. Mais les prix repartent aujourd’hui à la baisse.

Les perspectives sont donc énormes, avec un marché qui représentait il y a une quinzaine d’années quelques gigawatts (GW) par an, alors qu’aujourd’hui on parle de centaines de gigawatts par an ! En 2022, le marché est estimé à environ 250 gigawatts-crête (GWc, la puissance maximale disponible) de puissance installée. Il s’agit de la première puissance ajoutée toutes filières confondues dans le monde, loin devant l’éolien, le nucléaire, le charbon ou encore le gaz.

La capacité aujourd’hui installée représente environ 1,3 térawatt-crête (TWc) dans le monde et, dans de nombreux pays, le kilowattheure (kWh) le moins cher est en train de devenir le photovoltaïque, parfois même devant l’éolien, et largement devant toutes les autres technologies.

Cela veut dire que les énergies renouvelables, dont le photovoltaïque, sont déjà devenues moins chères que les autres formes de production d’électricité ?

Quand on a la possibilité d’intégrer la production dans le réseau ce qui est de plus en plus facile, la technologie photovoltaïque est aujourd’hui la championne au niveau international, c’est indiscutable

Après une brève stabilisation, l’éolien et le solaire continuent de voir leurs prix de production baisser, alors que quasiment toutes les autres technologies voient leur prix augmenter. Dans certaines régions du monde, comme le Proche-Orient, le Moyen-Orient ou même le Sud de l’Europe, on parvient à produire de l’électricité solaire à 15 euros par mégawattheure (MWh). Plus communément, on est entre 30 et 50 euros par MWh, alors que l’éolien se situe entre 50 et 80 euros, tandis que le nucléaire de nouvelle génération et la plupart des autres technologies se situent environ à 100 euros du MWh. Quand on a la possibilité d’intégrer la production dans le réseau ce qui est de plus en plus facile, la technologie photovoltaïque est aujourd’hui la championne au niveau international, c’est indiscutable.

Cette dynamique ne correspond pas à celle que l’on semble constater en France, pourquoi un tel décalage ?

Comparativement à nos voisins, la France n’est pas très dynamique en matière de photovoltaïque parce que nous avons des difficultés importantes à simplifier et stimuler la réalisation de projets et l’intégration de la production photovoltaïque autour et au-dessus de nous, pour des raisons majoritairement administratives et réglementaires

Le coût est une chose, reste ensuite à savoir comment on valorise cette énergie, notamment dans le contexte français. L’enjeu n’est plus vraiment celui des coûts de production, mais de la valeur d’un projet photovoltaïque. Comparativement à nos voisins, la France n’est pas très dynamique en matière de photovoltaïque parce que nous avons des difficultés importantes à simplifier et stimuler la réalisation de projets et l’intégration de la production photovoltaïque autour et au-dessus de nous, pour des raisons majoritairement administratives et réglementaires. Le potentiel français est donc mal couvert, avec environ 15 GW installés, ce qui est à peu près autant que les Pays-Bas. On pourrait avoir des perspectives d’environ 30 GW en 2030 et 100 GW à l’horizon 2050, mais pour l’instant on n’y est pas du tout avec un marché annuel qui est de l’ordre de 2 à 3 GW.

 

Photo de panneaux solaires sur le toit d'un immeuble au sein d'une ville

 

Quelles seraient les opportunités les plus fortes en France pour accélérer le mouvement ?

La grande interrogation pour les installations au sol réside dans la capacité à qualifier des sites adaptés, car en France on est très contraints par une multitude de critères liés par exemple à la biodiversité ou à la priorité donnée à l’agriculture, avec à la clé une grande complexité administrative

Comme dans beaucoup de pays développés, on prévoit que le développement se fasse environ pour moitié sur les toitures et pour moitié au sol. La grande interrogation pour les installations au sol réside dans la capacité à qualifier des sites adaptés, car en France on est très contraints par une multitude de critères liés par exemple à la biodiversité ou à la priorité donnée à l’agriculture, avec à la clé une grande complexité administrative. L’agri-voltaïsme, tel qu’il est aujourd’hui poussé et mis en avant par l’État risque également d’être compliqué à mettre en œuvre car très technique, avec des systèmes de tracking sur les cultures qui risquent de coûter très cher, alors qu’il serait peut-être judicieux aussi de mettre l’accent sur la coexistence de centrales au sol plus classiques avec l’agriculture existante, notamment via des approches utilisant du solaire vertical bifacial notamment.

Sur les toitures, l’avenir dépendra beaucoup de l’adaptabilité du secteur du bâtiment pour intégrer des solutions sur les toitures existantes. Il faut notamment un gros travail d’évolution du monde de l’assurance, mais aussi de celui du bâtiment, et enfin une énorme campagne de rénovation énergétique des bâtiments incluant l’obligation de rendre les toitures compatibles avec le solaire – ce qu’on appelle le concept du « PV ready » (travaux pour que la toiture devienne compatible avec le solaire, qu’il soit PV ou thermique).

Est-ce que la tendance va dans ce sens ?

On a notamment de grosses barrières du côté des assureurs, qui sont très prudents voire rétifs à autoriser la mise en place de solaire sur les toitures de leurs assurés

On va dans ce sens, oui, mais le monde de l’assurance ne suit pas suffisamment, il n’y a pas vraiment de bonification à rendre les toitures « PV ready », et pas d’obligation à le faire pour l’instant. On a donc environ 80 % du gisement qui n’est pas adressé, notamment sur les toitures industrielles et commerciales, qui malheureusement, ne sont la plupart du temps pas adaptées telles quelles aujourd’hui pour recevoir du photovoltaïque. En effet, il faudrait les rénover, en termes d’étanchéité et d’isolation. Pour le neuf, aujourd’hui, le pli est pris, mais pour l’existant on est encore loin du compte. On a notamment de grosses barrières du côté des assureurs, qui sont très prudents voire rétifs à autoriser la mise en place de solaire sur les toitures de leurs assurés. Nous rêvons du côté de la filière et notamment sur son segment toiture, à l’image du syndicat régional AURA Digital Solaire dont je suis administrateur, d’un Grenelle de l’assurance pour le solaire photovoltaïque…

 

Photo des panneaux photovoltaïques du toit de la nouvelle cité administrative d'état à Lyon
© LP

Du côté de la technologie, comment évoluent les rendements des panneaux photovoltaïques ?

Les choses avancent très vite, on continue de gagner de 0,3 à 0,5 % de rendement par an. La norme actuelle est de 21 à 23 %, alors qu’on était à peine à 12-13 % lorsque j’ai débuté ma carrière. On connaît déjà les pistes qui permettront de maintenir la dynamique actuelle jusqu’à environ 2030, avec d’énormes progrès en cours sur la fabrication et dans les technologies. Comme les cellules IBC ou TOPCon, qui sont une optimisation de la filière silicium.

D’ici à 2030 et dans la décennie suivante, on ira probablement sur de l’hybridation entre du silicium et d’autres matériaux, comme le Pérovskite, dont les cellules seront constituées de plusieurs couches étant chacune capable d’absorber une part différente du spectre lumineux.

Quelles évolutions de la production ont permis de réduire les coûts de manière aussi forte tout en augmentant les performances ?

Comme dans l’industrie du semi-conducteur, les prix ont considérablement baissé du fait des volumes produits : il y a un effet direct entre volume et prix

Comme dans l’industrie du semi-conducteur, les prix ont considérablement baissé du fait des volumes produits : il y a un effet direct entre volume et prix. La part de main d’œuvre dans la production d’un panneau photovoltaïque est très faible, de l’ordre de 1 à 2 % maximum, et il y a eu de gros investissements dans l’innovation qui ont permis d’optimiser tous les procédés : la quantité de matière, la quantité de silicium, la façon dont il est dopé, coupé, assemblé, tout est drastiquement optimisé. Dans le même temps, à chaque fois qu’on atteignait certaines limites d’optimisation, de nouvelles solutions technologiques ont permis d’augmenter la performance de l’effet photovoltaïque, notamment concernant la chimie du dopage.

Il faut rappeler qu’une cellule photovoltaïque, c’est un vecteur qui permet de transformer des photons en mouvements d’électrons. Au début de la filière photovoltaïque, il y avait beaucoup d’obstacles dans le transfert de l’électron au sein du module vers le circuit électrique. Petit à petit, la recherche menée en Australie, aux Etats-Unis et en Europe a permis de mieux comprendre ces mécanismes afin d’empêcher au maximum les obstacles, grâce à l’arrivée de nouveaux procédés comme l’IBC et le TOPCon qui permettent d’améliorer ce transfert entre énergie photonique et électrons.

Aujourd’hui, on arrive dans une ère où la filière silicium est extrêmement compétitive et, à moyen et long terme, on sait que la suite va passer par des technologies comme l’hétérojonction ou les cellules hybrides.

En quoi consistent exactement ces nouvelles technologies, en particulier l’hétérojonction ?

Je ne suis pas un spécialiste de la physique des cellules photovoltaïques, mais en gros on sait de mieux en mieux faciliter le transfert d’électrons que j’évoquais précédemment, en améliorant la pureté du silicium ou en ayant des dopants qui facilitent ce transfert. Cela permet une réduction de la masse de silicium et une superposition de couches qui, dans les cellules du futur, permettront d’utiliser un plus grand spectre de lumière.

Le Pérovskite est parfois cité parmi les matériaux d’avenir, pouvez-vous nous en dire davantage ? Est-ce qu’il y a un lien avec l’hétérojonction ?

L’hétérojonction est une complexification de la technologie à base de silicium, alors que le Pérovskite constitue une filière en tant que telle, une voie de recherche menée en parallèle. Elle est considérée depuis une dizaine d’années comme très prometteuse parce que cela ne coûte pas grand-chose à produire et, lorsqu’elle est couplée avec un substrat de silicium, cela permet d’augmenter le rendement des cellules.

La seule difficulté, c’est qu’il s’agit d’un semi-conducteur qui n’est pas stable : on ne sait pas encore faire du Pérovskite qui dure 10 ou 20 ans. Lorsqu’on parviendra à maîtriser la stabilisation du Pérovskite, en le couplant au silicium on obtiendra alors des cellules avec des rendements de l’ordre de 30 %.    

On parle également de « couches minces », de quoi s’agit-il et quel est leur avenir ?

La filière silicium actuelle ne fait pas appel à des minéraux rares ou posant des problèmes potentiels de pollution – comme le cadmium par exemple

C’est un nom générique utilisé pour toute une famille de matériaux dont fait partie le Pérovskite. Ce sont des technologies alternatives au silicium qui permettent de générer l’effet photovoltaïque de manière différente, on parle par exemple des « cellules CIGS » ou celles dites de tellurure de cadmium (CdTe), etc. Ces technologies ont certaines propriétés intéressantes, mais aussi certains défauts. Elles restent à explorer, mais elles n’ont pas aujourd’hui la même universalité que le silicium, dont l’une des qualités est la grande abondance de la matière première. La filière silicium actuelle ne fait pas appel à des minéraux rares ou posant des problèmes potentiels de pollution – comme le cadmium par exemple, qui intervient dans l’approche particulière (dite CdTe). Ces filières de couche mince ont toujours été très prometteuses, mais sans atteindre du tout pour l’instant le niveau de maturité du silicium.

Est-ce que le problème de la filière silicium ne tient pas aujourd’hui à sa forte dépendance à l’égard de l’Asie, et en particulier de la Chine ?

La production mondiale de cellules photovoltaïques est concentrée à 90 % environ en Asie, notamment en Chine, essentiellement parce qu’au milieu des années 2000, l’Europe, qui était alors très compétitive, a refusé d’investir dans l’outil industriel – et ce essentiellement pour des raisons de politique anti-trust [...] il y a donc peu de chance pour que l’Europe devienne l’unique championne du photovoltaïque, la bataille sera rude mais à l’inverse ce serait une grossière erreur de sombrer dans l’immobilisme industriel et ne rien faire

C’est un sujet très intéressant, mais avec beaucoup d’idées reçues. La production mondiale de cellules photovoltaïques est concentrée à 90 % environ en Asie, notamment en Chine, essentiellement parce qu’au milieu des années 2000, l’Europe, qui était alors très compétitive, a refusé d’investir dans l’outil industriel – et ce essentiellement pour des raisons de politique anti-trust : on a refusé d’allouer de budgets au photovoltaïque à la hauteur des enjeux stratégiques, ce pour éviter que des monopoles se constituent. Dans le même temps, la Chine a considérablement investi en réalisant moult transferts de technologie et en créant d’abord des usines dédiées au marché européen, puis par la suite au marché mondial. Le résultat est qu’actuellement, les producteurs chinois sont très largement plus compétitifs que ceux du reste du monde. Cela n’est surtout pas immuable mais la course en avant est loin d’être finie : tandis qu’en Europe on évoque des initiatives qui pourraient produire autour de 10 GW de production annuelle, un fabricant chinois possède une usine qui, à elle seule, produit 50 GW de modules. Et les plus gros fabricants asiatiques prévoient des usines de 100 GW dans les années à venir.

L’Europe a donc un très gros déficit. Mais cela ne veut pas dire que l’Europe doit s’empêcher d’être ambitieuse et ne doit pas investir pour avoir ses propres usines, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité d’approvisionnement et de sécurité énergétique. Il y a donc peu de chance pour que l’Europe devienne l’unique championne du photovoltaïque, la bataille sera rude mais à l’inverse ce serait une grossière erreur de sombrer dans l’immobilisme industriel et ne rien faire.

Cette relocalisation partielle devrait se faire sur les filières traditionnelles, selon vous ? Ou est-ce trop tard pour être compétitif, et vaut-il mieux miser sur de nouvelles technologies ?

Le moteur principal de la relocalisation consistera à viser le marché européen, qui atteindra assez rapidement de l’ordre de 100 GW, puisqu’il était de 50 GW en 2022

Il faut faire les deux : investir sur la filière silicium classique, tout en misant sur des technologies sur lesquelles l’Europe a une petite avance, notamment la technologie IBC (cellules à contact arrière interdigité), qui permet d’optimiser la technologie silicium. Ceci étant dit, les usines chinoises comment à intégrer ces technologies, elles aussi, cela ne sera donc pas forcément très différenciant. Le moteur principal de la relocalisation consistera à viser le marché européen, qui atteindra assez rapidement de l’ordre de 100 GW, puisqu’il était de 50 GW en 2022. Avec un peu de mise en avant du contenu local de manière bien dosée (sans parler de protectionnisme), ce marché local pourrait être non pas la chasse gardée des usines européennes mais flécher une bonne partie de cette production locale. À ce titre, je tiens à saluer l’initiative impulsée par des acteurs régionaux, Carbon, qui vise à développer une activité industrielle pérenne et ambitieuse de fabrication française du solaire photovoltaïque.

 

On parle d’Airbus des batteries, est-ce qu’on peut imaginer un équivalent avec une sorte d’Airbus du photovoltaïque ?

Non, c’est une mauvaise comparaison car Airbus avait la capacité de devenir le leader mondial, alors que pour le photovoltaïque c’est trop tard, on ne pourra pas redevenir l’unique leader mondial, on est trop en retard. À moins de faire comme la Chine il y a quelques années et qu’on investisse a minima des centaines de milliards d’euros dans notre filière. Mais en réalité ce n’est même pas possible parce qu’on dispose de règles d’investissement à l’échelle européenne qui l’empêcheraient. Mais ce n’est pas un drame, le solaire est une question mondiale et les forces doivent s’additionner.

Est-ce qu’une solution pourrait venir de procédés innovants qui procèdent par impression sur des supports souples, comme on commence à en voir ?

Le silicium n’a surtout pas dit son dernier mot car il a encore des perspectives d’amélioration devant lui, notamment en matière de recyclage et de réemploi

Aujourd’hui on est encore loin du compte, on n’a pas trouvé de stabilité suffisante des matériaux. La recherche piétine un peu, notamment parce que le silicium continue lui aussi de s’améliorer. La recherche se poursuit, mais pour l’instant on n’a pas suffisamment de visibilité sur ces procédés, soit à cause des coûts de fabrication, soit à cause de la tenue dans le temps des matériaux. On n’a pas encore trouvé de solution miracle de ce côté-là.

Dans le même temps, le silicium n’a surtout pas dit son dernier mot car il a encore des perspectives d’amélioration devant lui, notamment en matière de recyclage et de réemploi. C’est le début d’une grande Histoire... En plus de sa durabilité, il a également des atouts en termes de circularité : les premières générations de panneaux photovoltaïques vont servir à produire de la matière pour les seconde et troisième générations. 

Est-ce que ce n’est pas du côté de la circularité que l’Europe devrait penser une partie de son avenir ?

Oui, tout à fait. Actuellement, avec Planair nous réfléchissons à des projets de développement de filières de réemploi. Ceci s’inscrit dans le cadre d’un programme national porté par Soren, l’éco-organisme chargé du réemploi en France. La première génération de centrales photovoltaïques des années 2000 peut être recyclable à plus de 95 %, et même pour une partie réemployable, constituant un gisement unique de panneaux et asseyant l’indépendance énergétique vis-à-vis notamment de l’Asie.

Recyclage, réemploi, quelle est la différence ?

Le réemploi signifie qu’on réutilise les panneaux : au bout d’une quinzaine d’années les panneaux peuvent être changés, sachant qu’au bout de vingt on perd 10 à 15 % de rendement. Dans ce cas, on les teste, on vérifie qu’ils sont sûrs et qu’ils ont encore un bon rendement et on peut les remettre sur le marché. Parfois, de manière plus précoce, à l’occasion de démantèlements, certains modules plus jeunes sont démontés et constituent des candidats idéaux au ré-emploi.

Les panneaux non réutilisables sont recyclés, c’est-à-dire qu’ils sont détruits pour pouvoir récupérer le verre, l’aluminium ou encore le silicium, pour faire d’autres panneaux. On parvient à 95 % de la masse des panneaux potentiellement recyclable.

 

Photo de panneaux solaires sur le toit d'un immeuble dans le quartier Part-Dieu à Lyon
© Thierry Fournier // Métropole de Lyon

Où se trouve selon vous le plus gros potentiel de développement de la filière sur les territoires ?

Il y a donc au moins 70 % de la valeur qui est potentiellement localisable, et c’est bien entendu sur cette partie qu’il y a aussi beaucoup d’espoir : les filières d’installation, de maintenance, de composantes systèmes (onduleurs, câbles, etc.), l’ingénierie, la circularité

Le paysage que j’ai dépeint jusque-là pour la France apparaît un peu comme mitigé, parce qu’il s’agit de la partie industrielle uniquement en amont des panneaux photovoltaïques. Mais il faut savoir que cette partie ne représente en France que 20 à 30 % de la valeur d’un projet photovoltaïque. Il y a donc au moins 70 % de la valeur qui est potentiellement localisable, et c’est bien entendu sur cette partie qu’il y a aussi beaucoup d’espoir : les filières d’installation, de maintenance, de composantes systèmes (onduleurs, câbles, etc.), l’ingénierie, la circularité. Il faut vraiment insister sur l’importance pour l’économie locale de toute cette partie de la filière, et ne pas forcément se focaliser uniquement sur la production des panneaux. On peut prendre l’exemple de l’industrie de l’habillement qui, en France, est un secteur très important de l’économie, alors que sans doute plus de 90 % des vêtements ne sont pas produits en France. Cela ne veut pas dire également qu’il ne faut pas essayer de relocaliser cette production. En conclusion, il faut que les modules photovoltaïques à l’avenir soient peut-être davantage fabriqués en France ou en Europe, certes, mais même lorsque ce n’est pas le cas qu’une partie importante de l’économie des projets bénéficient à l’économie localement.