L’amour au temps du coronavirus je ne sais pas, mais la situation inédite du confinement a fait que de très nombreux couples se sont retrouvés, pour la première fois, à passer tout leur temps ensemble. Alors qu’au quotidien, chacun·e a ses journées organisées et rythmées par son emploi du temps personnel, son travail, ses loisirs, ses engagements divers, et par la vie familiale qui se déroule pour partie à l’extérieur du foyer (accompagner les enfants à leurs activités, faire des courses, aller rendre visite à la famille, aux amis, partir en week-end…). Au moment du confinement, les couples ont dû, pendant une longue période, vivre et partager un même espace, c’est pourquoi la taille et la configuration du logement ont été un critère si déterminant : un nombre élevé de pièces et l’accès à un espace extérieur ont indubitablement offert de meilleures conditions de vie.
Les couples n’avaient pas (ou très partiellement, le temps des courses, ou de la sortie autorisée d’une heure), la possibilité de s’extraire de ce face-à-face. Il leur a fallu mettre au point de nouvelles modalités de fonctionnement : la répartition des espaces pour s’isoler, travailler au calme, négocier le temps passé sur les écrans, etc.
Ce qui habituellement était compliqué au quotidien, pouvant susciter des tensions, voire des conflits au sein du couple, pouvait être « compensé » par la vie que chacun·e avait à l’extérieur. Cela procurait un équilibre que les personnes n’ont plus eu le temps du confinement.
Il y avait aussi un côté positif : enfin chacun·e avait du temps ! Ils/elles n’avaient plus besoin de « courir » pour accomplir tout ce qui doit être fait dans une journée, pour arriver à tout concilier. Ces couples ont eu la possibilité de « se réapproprier leur vie », de se questionner dessus, sur ce qu’ils aimeraient retrouver après le confinement, mais aussi ce qu’ils aimeraient changer, etc. Pour que cela puisse se vivre ainsi, le couple devait disposer d’une bonne qualité relationnelle, c’est-à-dire savoir dialoguer, être écouté·e, pouvoir se livrer… Cela implique aussi (et surtout) de ne pas avoir d’autres problèmes plus immédiats : comment faire à la fin du mois pour payer ses factures ? Auront-ils toujours un emploi ? Quelle sera l’ampleur de leur perte de revenus ? Et avoir un logement suffisamment confortable pour que chacun·e puisse aussi « se ressourcer », s’isoler, pour lui donner envie de retrouver son partenaire dans la pièce d’à-côté. Quand on partage toute la journée le même canapé, c’est plus dur... Il faut aussi préciser que les femmes semblent s’être plus préoccupées des méfaits du confinement sur leur couple ou, dans une version plus positive, comment parvenir à « enchanter le quotidien » dans ces conditions (se faire des surprises, éviter la routine…). Irène Jonas a montré que la prise en charge du « care conjugal » repose surtout sur les femmes : ces dernières sont les garantes de la bonne santé affective et relationnelle du couple. Une charge mentale supplémentaire, même en temps de confinement !
Cependant, il ne faudrait pas oublier, même si je ne connais pas d’estimations de leurs proportions, que dans de nombreux couples, au moins l’un des conjoints a continué de travailler : les soignants, bien entendu, mais aussi les caissières, les agents d’entretiens, les livreurs, les éboueurs, les policiers…
Le confinement n’a fait qu’exacerber et révéler des problèmes, ou des disparités, déjà existantes au sein du couple. Même pour les individus qui étaient déjà dans cette démarche réflexive et féministe, qui promeut une égalité entre les femmes et les hommes, le confinement a pu être une épreuve…