Les incidents qui ont conduit à une première prise de conscience des problèmes liés à l’habitat sont ceux de la Grappinière à la fin des années 1970. On a alors découvert des problèmes auxquels on ne savait pas répondre. L’Etat a lancé les opérations HVS (Habitat Vie Sociale), la Communauté urbaine de Lyon n’était alors pas vraiment partie prenante. En 1981, après « l’été chaud » des Minguettes, la Communauté urbaine n’était toujours pas directement impliquée. C’était l’Agence d’urbanisme qui était chargée de porter la procédure HVS de Vénissieux. En fait, à cette époque, ce sont surtout les organismes HLM qui se sont mobilisés et notamment Logirel sous l’impulsion de son directeur, Jean François Rajon. La Ville de Vénissieux, consciente de l’importance des difficultés, en appelait à la responsabilité de l’Etat. Ce qui était alors en question était l’arrêt des ZUP et des concessions d’aménagement qui avaient été confiées à la SERL, à Vénissieux et à Vaulx-en-Velin. L’Etat avait laissé à la Communauté urbaine la responsabilité des ZUP et la nécessité de « solder » les ZUP et de fait, de payer le déficit. Ce qu’elle a fait. En contrepartie, elle devenait propriétaire d’une partie du foncier non aménagé. Cependant, les équipements prévus par l’Etat n’ont pas tous été financés par ce dernier. Les villes réclamaient leurs réalisations. Et, avant même l’achèvement des ZUP, on mesurait déjà une partie des problèmes avec plus de 2000 logements vacants aux Minguettes en 1984, et donc l’indispensable besoin de requalification de ces dernières.
C’est en 1985 que la Communauté urbaine s’est vraiment impliquée dans la requalification des grands quartiers d’habitat social, d’abord à Lyon où elle charge un de ses cadres, Christine Servillat, d’élaborer, avec le concours de l’Agence d’urbanisme et notamment de Bruno Voisin et de son assistante stagiaire, un projet de remise en valeur et de développement des quartiers Mermoz et Etats Unis dans le huitième et de la Duchère dans le neuvième arrondissement. Aux Minguettes, la chargée de mission du Vice Président de la Communauté urbaine est détachée à mi-temps sur les Minguettes avant d’être remplacée par un chef de projet, Jean-Pierre Charbonneau. C’est à cette même époque que je suis recruté comme chef de projet à Vaulx-en-Velin. Les premières opérations de réhabilitation sont alors lancées.
C’est à partir de 1989 et l’arrivée d’un nouvel exécutif autour de Michel Noir que la question des quartiers d’habitat social devient vraiment un enjeu d’agglomération. Le Grand Lyon propose alors aux communes d’investir en priorité sur ces secteurs alors que la plupart des maires étaient plus préoccupés par la prise en charge de la requalification de leur centre ville. Ce ne sont plus cinq quartiers qui sont concernés, mais une douzaine. Outre les premiers quartiers de Vaulx-en-Velin, Vénissieux et de Lyon, auxquels se rajoutent les Pentes de la Croix-Rousse, on compte désormais aussi ceux de Villeurbanne, Décines, Meyzieu, Bron, Saint-Priest, Rillieux-la-Pape, où d’Oullins. C’est à ce moment là que le service est créé, et que, dans chaque grand quartier, est mis en place une équipe opérationnelle avec un chef de projet unique sous l’autorité de la Communauté urbaine, de la commune et de l’Etat. Cependant, pour des raisons politiques, certaines communes préfèreront avoir aussi un chef de projet municipal et de fait, des binômes se mettent en place, notamment à Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Villeurbanne et à Rillieux. Il faut dire que les tensions pouvaient être fortes entre ces communes et le Grand Lyon, c’était notamment le cas avec Vénissieux au moment du concours pour le quartier Démocratie. Les dix tours du quartier (664 logements) étaient vides depuis 1984. Devant l’absence d’initiatives, la ville avait lancé un concours d’économie urbaine sur ce quartier excentré des Minguettes en intégrant des éléments forts de programme comme l’installation de deux écoles de chimie, de bureaux, de logements de diversification et d’un laboratoire de recherche sur les grands ensembles de vocation nationale. Était prévue également une intervention de l’artiste Jean-Pierre Raynaud qui avait imaginé le projet d’une tour blanche, une tour murée et entièrement carrelée en blanc, une tour comme témoin d’un renouvellement, une tour fantôme à garder, une œuvre d’art imposée aux habitants. La ville avait donc lancé un concours, mais sur des compétences juridiques qu’elle n’avait pas. La procédure a été cassée par l’Etat et, après de vives négociations, la Communauté urbaine a relancé le projet. Toutefois le marché immobilier français s’effondre au début des années 1990 et certains éléments de programmes s’avérant non réalistes, le projet a été abandonné et les tours ont été démolies. En 1992, le Grand Lyon est l’une des premières agglomérations à s’engager dans la signature d’un contrat de ville d’agglomération. C’est un moment fort où l’on passe du développement social des quartiers (DSQ) au développement social urbain (DSU). Dés 1993, Vénissieux et Vaulx-en-Velin bénéficient d’une procédure GPU, Grands Projets Urbains. En 2003, ces deux villes, ainsi que celles de Rillieux et de Lyon pour la Duchère, signent une convention avec l’Etat pour devenir GPV, Grand Projet de Ville.