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Métiers du prendre soin et du lien : Regards croisés de jeunes en formation et de formateurs

Cahier Attractivité des métiers du prendre soin et du lien Regards croisés de jeunes en formation et de formateurs

Étude

Les jeunes en formation dans les écoles de travail social témoignent de convictions et de valeurs fortes sans être dupes de la dégradation de l’image des professions auxquelles ils se destinent (des métiers qui nourrissent l’assistanat, des maltraitances provoquées par les manques d’effectifs, etc.).

Comment et pourquoi être solidaires, auprès de qui et sur quels sujets, ces questionnements nourrissent des débats au sein des écoles, faisant apparaître un renouvellement des causes et des approches portées par la jeunesse.

Par rapport à leurs ainés les jeunes se disent bien plus soucieux de trouver un juste équilibre entre engagement professionnel et vie privée, familiale et amicale. Aussi, le travail en soirée ou le week-end (en internat par exemple) se révèle moins attractif, même avec des dispositifs de récupération horaires.

Entrant en école plus souvent qu’auparavant directement après le bac (une évolution liée à Parcoursup) et donc arrivant avec moins de maturité sur les terrains professionnels, il leur faut réussir le difficile passage des idéaux à l’épreuve du réel.

Une enquête conduite par Camille Duthy et Caroline Januel
Date : 09/04/2024

Retrouvez l'étude complète, à télécharger ici :

 

L'essentiel

 

Comment expliquer le manque d’attractivité du travail social et médico-social et de ses formations, alors que les métiers concernés recrutent ? C’est à cette question que notre étude s’efforce d’apporter des éléments de réponse en s’intéressant plus particulièrement à l’entrée en formation, à son déroulement et à sa sortie. Elle repose sur les propos de jeunes en formation, de responsables et directeurs d’établissement de formation et questionne six grands ressorts de l’attractivité.

Le travail social et médico-social : un secteur méconnu et déprécié

Le travail social et médico-social fait l’objet de représentations dégradées ou erronées qui portent atteinte aux aspirations de jeunes pour ce secteur d’activité. Cas de maltraitances, débats autour du sens du travail (assistanat vs « injonction à l’autonomie »), mauvaises conditions de travail ou encore manque d’informations sont autant de raisons expliquant le déficit d’intérêt des jeunes. Si les difficultés propres au secteur sont en cause, l’accès aux formations via Parcoursup aurait aussi sa part de responsabilité en conduisant les établissements de formation à recruter des candidats plus jeunes, moins renseignés sur la réalité des métiers et exigeant finalement plus d’accompagnement.

L’entrée en formation, jamais un hasard

Les jeunes qui entrent en formation ont souvent une proximité avec ce secteur, que celle-ci soit personnelle (avoir rencontré/partagé le quotidien de personnes qui vivent des difficultés) ou professionnelle (avoir un proche qui exerce un métier du social) : il s’agit d’une socialisation familiale et professionnelle. Certains étudiants s’engageant dans des formations ont déjà eu une première expérience dans le secteur social, l’encadrement ou l’animation. Le service civique est, par exemple, particulièrement formateur. Ces expériences permettent aux étudiants d’éprouver et de confirmer leur intérêt, ou découragent ceux qui ne se sont pas engagés dans la bonne voie. Les encadrants saluent ces parcours, qui favorisent la réussite des étudiants et leur intégration professionnelle.

Des étudiants plus jeunes, moins matures et plus précaires

L’évolution du profil des étudiants ces dernières années vient complexifier, voire mettre en péril, leur formation et leur entrée dans le monde du travail. Les étudiants sont en effet plus nombreux à solliciter des aides financières, à rencontrer des difficultés à se loger ou à développer des problèmes de santé, notamment psychique. Ils sont aussi en moyenne plus jeunes qu’auparavant à leur entrée en formation. Or, si un âge plus avancé ne présage pas la réussite, il va souvent de pair avec une première expérience professionnelle et une certaine maturité, deux éléments importants pour faire face à des formations et des métiers exigeants. Les dernières promotions semblent aussi éprouvées par la pandémie (problèmes de concentration, fatigue). In fine, les étudiants d’aujourd’hui ont besoin de davantage d’accompagnement pour suivre leur formation théorique et pratique, un accompagnement que les écoles ont du mal à assurer en raison de la baisse des dotations.

Une rencontre souvent difficile avec le métier : la formation pratique

Malgré l’accompagnement des établissements de formation, trouver un stage ne va pas de soi. Les structures en difficulté réduisent l’accueil de stagiaires car elles ne peuvent assumer les gratifications devenues obligatoires. Certains jeunes sont réduits à renoncer à leur gratification pour obtenir le stage souhaité. Des professionnels en place refusent d’encadrer des stagiaires par manque de disponibilité ou parce qu’ils souhaitent quitter la structure. Une fois en stage, des jeunes, sans doute accueillis dans des conditions peu optimales, sont ébranlés dans leurs représentations et dans leur posture de professionnels. La confrontation au manque de moyens, à des conflits avec les professionnels ou aux relations avec les usagers vient mettre à l’épreuve leur motivation, peut les faire douter de leur choix d’orientation, ou semer en eux la certitude de ne pas exercer longtemps le métier vers lequel ils se destinent.

Les jeunes et le travail… social

Dans les enquêtes sur le travail, il apparaît que la volonté de préserver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle est plus important pour les jeunes générations. Cela peut expliquer une tension avec certaines fonctions du social et médico-social qui impliquent des horaires de travail en dehors de la journée et/ou de la semaine. Par ailleurs, les parcours professionnels semblent plus découpés, sous l’effet d’une plus grande mobilité soumise aux aspirations qui évoluent au cours de la vie. C’est un avantage pour certains secteurs moins attractifs dans lesquels on peut entrer « pour un temps ». Mais une autre explication réside aussi dans le fait que l’instabilité du marché du travail a été intégrée par les travailleurs qui s’adaptent plus à une réalité structurelle qu’à des envies de changer d’emploi. Quoi qu’il en soit, le travail social reste un secteur qui attire parce qu’il rassemble des métiers qui « ont du sens », malgré le fait que les niveaux de rémunérations soient assez peu motivants.

Focus. S’engager dans le travail social

Au sein des établissements de formation, il existe des rapports au travail social très différents entre les étudiants. Certains s’associent au profil des étudiants très critiques à l’égard du système social dans son ensemble, producteur d’inégalités qu’ils ont pour mission de prendre en charge et de réguler ; d’autres, à l’inverse, se disent plutôt satisfaits de pouvoir accompagner des personnes à l’échelle individuelle, même si cela suppose de renoncer à changer le système dans son ensemble. De leur point de vue, les responsables de formation semblent déplorer la moindre appétence des étudiants pour les questions de société, constat qui pourrait tenir surtout à un renouvellement générationnel des formes d’engagement et des thèmes de mobilisation.. Mais finalement, étudiants et formateurs se retrouvent sur l’idée que le fait d’être engagé dans son travail et d’avoir « un minimum de goût pour les autres » est indispensable aux métiers du social, même si ce que recouvre cette notion « d’engagement » est, on l’a vu, assez variable en fonction des étudiants.