Retrouvez l'étude complète, à télécharger ici, sur l'attractivité des métiers par le prisme du management et d'organisation des structures.
Aides-soignantes, en établissement ou à domicile ; éducatrices spécialisées en établissement pour enfants porteurs de handicap, assistantes de vie à domicile, infirmières… Ces métiers, largement féminins (cet article sera donc accordé ainsi), sont indispensables au bon fonctionnement de notre système de gestion de la dépendance, et pourtant fort peu attractifs. Les structures qui les emploient ont du mal à les recruter, du mal à les fidéliser, et en conséquence du mal à assurer leurs missions.
Toutefois, les structures concernées ne sont pas toutes dans la même situation. Par ailleurs, toutes en ont conscience et cherchent des solutions et expérimentent des réponses au problème.
Nous avons ainsi interrogés des directrices de structures, des responsables de service ou des cadres de proximité et des responsables de ressources humaines pour connaître les conséquences du manque d’attractivité des métiers de la dépendance dans leurs structures. Nous les avons aussi interrogé sur les solutions qu’ils et elles tentent de mettre en place face à cette situation. Notre échantillon de huit structures différentes n’est pas suffisant pour pouvoir mesurer les phénomènes précisément, mais la diversité des structures interrogées, à la fois dans le privé et dans le public, à domicile et d’accueil, permet déjà d’identifier quelques éléments qui semblent structurels et importants.
Des effets décalés de la crise du Covid
Tout d’abord, les structures ont indiqué que les difficultés liées à l’attractivité se sont aggravées depuis deux ans. Il y a eu de nombreuses démissions en 2021 et moins de candidatures depuis. L’ensemble des personnes interrogées pointent un « effet décalé » de la crise Covid, période qui a particulièrement usé les équipes en place. À ce sous-effectif sectoriel et structurel, s’ajoute un contexte d’absentéisme parfois significatif, en lien avec la pénibilité du métier. Lorsque cela se combine à des implantations loin des transports en commun, ou dans des zones gentrifiées où le logement n’est plus abordable aux petits salaires, certaines structures peuvent même être en manque critique de candidatures et de personnel.
En effet, le nombre de candidates semble avoir drastiquement diminué pour l’ensemble du secteur. Face à cela, les structures cherchent à diversifier leurs sources de recrutement, en s’associant par exemple à des associations d’insertion ou en allant « chercher » des publics spécifiques (réfugiées, personnes « dys », etc.). La plupart des personnes interrogées expliquent ainsi consacrer une énergie importante au recrutement. Certaines ont cependant identifié des leviers qui pourraient sembler contre-intuitifs et qui, pourtant, semblent être efficaces. Plusieurs structures expliquent en effet apporter beaucoup plus de soin au recrutement qu’auparavant (explication dès l’amont des difficultés du métier, visite, etc.) et à l’intégration (tutorat, accompagnement) pour éviter les départs rapides.
Construire la procédure de recrutement sur les difficultés du métier, la pénibilité ou encore l’engagement nécessaire pourrait sembler une mauvaise idée : si on manque de candidature, on ne va pas en plus « dégoûter » les personnes qui candidatent, non ?
Pourtant, il semble que cette démarche permette de faire de meilleurs recrutements et donc de mieux fidéliser les personnes. Investir du temps et des efforts dans les procédures d’intégration permettrait aussi de diminuer les départs après seulement quelques jours. Ce double levier (transparence et intégration) permettrait donc en réalité « d’optimiser » le faible nombre de candidatures et de préserver du temps et de l’énergie pour les équipes d’encadrements.
L’organisation du travail et le management comme problématique centrale
Toutefois, cette question ne fait pas disparaître celle, centrale, de la pénibilité du métier, qui est réelle et importante. C’est une des principales raisons de démission. La pénibilité physique peut être particulièrement marquée à domicile, car les établissements d’accueil ont la possibilité d’avoir du matériel « lourd » qui la diminue (rail, lève malade, etc.). Le recours massif à l’intérim en établissement pour compenser le manque de personnel permanent entraîne une difficulté accrue de par la nécessité d’accompagner et d’encadrer les intérimaires. Les horaires et les trajets pour les structures d’aide à domicile sont aussi une usure à part entière. Dans les structures d’accueil de handicap mental, c’est les interactions avec les résidents qui sont la principale source de pénibilité, puisqu’on peut parler d’environnement de travail « violent » : a minima des cris et hurlements, parfois de la violence physique (coups, morsures, etc.).
Les entretiens indiquent que les structures disposent de leviers pour agir face à ces situations. Un de nos résultats surprenants est l’importance relative donnée à la question du management par rapport à celle de la rémunération. Changer l’organisation du travail pour plus « d’horizontalité » semble en effet permettre de retenir le personnel et, dans une certaine mesure, de diminuer la pénibilité. Par « horizontalité », il faut entendre toutes les décisions d’organisation du travail permettant aux salariées d’agir sans avoir à dépendre, référer ou répondre à un niveau hiérarchique supérieur : équipes autonomes, processus sans validation préalable, indépendance dans l’organisation du temps et des activités réalisées, etc.
Même des démarches moins engagées et moins engageantes d’amélioration de la « qualité » du lien managérial semblent avoir cet effet : par exemple mettre en place un management « bienveillant », ou simplement souple et compréhensif. Ainsi, il semblerait intéressant d’accompagner les structures et leur encadrement non pas uniquement sur des questions de recrutement ou de formation, et encore moins uniquement de rémunération, mais aussi d’organisation du travail et de pratiques managériales.
Rémunérations et autres enjeux
Bien entendu, la question des rémunérations mises en regard de la pénibilité perdure. Toutefois, il semble que sur cet angle les structures manquent de marges de manœuvre, même si un nombre significatif de celles de l’échantillon indiquent avoir malgré tout revalorisé certaines catégories de salariées et souvent dépassé les salaires minimaux associés aux différents métiers.
Notre rapport détaille l’ensemble de ces éléments ainsi que d’autres questions plus précises, comme les enjeux de formation du secteur. Il en ressort le panorama d’une situation tendue pour le secteur, difficile pour les structures, mais dans laquelle les organisations disposent malgré tout de leviers qu’elles mobilisent de leur mieux pour faire face au manque d’attractivité, réel et problématique, des métiers de la dépendance.