Vous êtes ici :

L'engagement des jeunes avec l'AFEV

Interview de Antoine SIMON

Délégué Territorial de l’Association pour la Fondation de la Vie Etudiante pour la Ville (AFEV)

<< Les jeunes sont animés par un fort besoin d’être utile >>.

La vocation de l'AFEV est de favoriser l'engagement d'étudiants dans des actions de solidarité dans les quartiers difficiles : insertion sociale et promotion de la santé.Antoine Simon  fait ici le bilan des activités de l'association.

C'est à partir de ce bilan qu'actuellement l'AFEV a engagé une grande réflexion sur l'engagement des jeunes. Il en ressort que malgré  les idées en cours les jeunes sont prêts à donner de leur temps mais sous d'autres formes et d'autres conditions  qu'auparavant.

Réalisée par :

Tag(s) :

Date : 29/09/2005

Vous êtes responsable de l’antenne lyonnaise de l’AFEV, pouvez-vous nous présenter l’association ?

L’Association pour la Fondation de la Vie Etudiante pour la Ville a été créée, au niveau national, en 1991. Dans notre région, l’AFEV se développe depuis 1999. Sa vocation est de favoriser l’implication d’étudiants bénévoles dans le cadre d’actions de solidarité dans les quartiers en difficulté. Il s’agit de nouer de nouveaux liens sociaux entre une jeunesse étudiante, en voie d’insertion sociale et professionnelle, et des enfants, adolescents ou jeunes rencontrant des difficultés pour se projeter dans l’avenir. Au fil du temps et fort de son expérience, l’AFEV a développé cet objectif et élargi son champ d’action aux domaines de la promotion de la santé et de l’insertion sociale et professionnelle.

 

Comment ces objectifs se concrétisent-ils sur le terrain ?

Les étudiants qui s’engagent mènent, à raison de deux heures par semaine, une action d’accompagnement dans les domaines de l’éducation, de la prévention, de l’action sociale, de l’insertion professionnelle, de la santé et de l’illettrisme. En France, ils sont plus de 5000. En Rhône-Alpes, alors qu’ils n’étaient que 277 en 2002/2003, ils seront, en 2005/2006, près de 650 qui s’impliqueront dans différentes villes de la métropole lyonnaise : Lyon, Villeurbanne, Bron, Vaulx-en-Velin, Mions, Vénissieux, Saint-Genis-Laval, Saint Etienne, La Ricamarie, Saint Chamond, Fontaine et Chambéry. Sur l’agglomération lyonnaise, ils seront 450 à conduire différents type d’action : accompagnement scolaire, insertion, santé…

 

Pouvez-vous nous citer quelques exemples d’intervention ?

Elles sont nombreuses et variées. Pour illustrer sa diversité, j’en citerais trois. Tout d’abord nous menons depuis 2003 des actions d’accompagnement à la scolarité et de promotion de la santé dans deux Centres d’Accueil de Demandeurs d’Asile (CADA) de l’association Forum Réfugiés, à Lyon 8ème et à Vaulx-en-Velin. Ces actions mobilisent près de 50 étudiants. Elles sont devenues importantes dans la vie de ces centres. En effet, peu ou pas d’enfants font des choses dans le temps périscolaire. Le fait, que de nombreux étudiants interviennent chaque soir, a apporté une dynamique très intéressante auprès des enfants, mais également auprès des familles qui trouvent là des interlocuteurs privilégiés. Nous menons également depuis 2002, une action avec l’ASET (Aide à la Scolarisation d’Enfants Tziganes) auprès d’enfants du voyage. L’ASET est une association d’instituteurs qui ont créé des camions-écoles qui se déplacent sur la plupart des terrains de l’agglomération lyonnaise. En effet, l’assiduité de ces enfants à l’école étant très aléatoire, il est apparu de manière urgente que l’école devait venir à eux. Chaque après-midi, des étudiants partent avec les instituteurs dans ces camions-écoles pour seconder les instituteurs.

Enfin, je citerais l’action de lutte contre l’illettrisme que nous menons avec la Régie de Quartier de La Duchère. Cette action s’adresse à des adultes résidant à La Duchère. Ce sont quinze étudiants qui, chaque année, interviennent de manière individuelle auprès d’un adulte. L’idée est de venir en appui du formateur d’alphabétisation. De plus, les étudiants et les adultes mènent un projet collectif durant l’année. Pour exemple, l’an passé ce groupe s’est rendu chaque semaine dans un des musées de Lyon. Ces nombreuses visites vont faire l’objet d’un guide qui sera prochainement édité. L’objectif de ce projet était d’aider ces personnes à se repérer dans Lyon, notamment avec les transports en commun. De plus il est apparu intéressant de comprendre les difficultés qu’elles pouvaient rencontrer devant des œuvres d’art.

 

Comment entrez-vous en contact avec les étudiants ?

Chaque année nous menons une campagne de mobilisation. Nous disposons de plusieurs outils de communication : des tracts bien sûr, mais également des journaux, des affiches et un site internet attractif. Nous constatons que la majorité de nos étudiants découvrent l’AFEV sur Internet et s’inscrivent par ce biais là. Durant la campagne, nous intervenons dans de nombreux amphithéâtres d’université et participons à de multiples forums associatifs. Nous avons également un partenariat fort avec l’IUFM depuis cette année.

Nous attendons près de soixante étudiants issus des IUFM de Lyon et Villeurbanne. Enfin notre partenariat privilégié avec le CNOUS et le CROUS nous permet de diffuser nos publications directement dans les résidences et restaurants universitaires. Ce mode de mobilisation fonctionne très bien car nous touchons des étudiants non-lyonnais pour la plupart et qui ont envie de faire des choses dans leur ville, leur quartier.

 

L’AFEV intervient dans les quartiers dits sensibles, relevant de la « politique de la ville ». Comment identifiez-vous les besoins des différents quartiers ?

L’approche est évidemment différente en fonction des projets et du territoire. Globalement le diagnostic est partagé avec les institutions. Suite à cela, une politique générale d’intervention est mise en place. C’est à ce moment-là que l’AFEV intervient sur un des points repéré lors du diagnostic. Pour exemple, sur la ville de Lyon, nous intervenons dans 3 arrondissements : (Lyon 7ème, Lyon 8ème et Lyon 9ème) classés «quartiers politique de la ville». Les écoles, collèges, missions locales … partenaires sont donc issus de ces quartiers. Le public suivi est alors différent : chaque structure a ses propres besoins.

 

Vous êtes délégué à l’AFEV depuis plus de quatre ans. Quels principaux éléments d’évolution de l’AFEV et de son action retirez-vous ?

Mon premier étonnement à l’issu de ces quatre années porte sur la constante progression du nombre d’étudiants mobilisés. Leurs regards et leurs interrogations sur le monde qui nous entourent ont également changé, mûri. Ils sont peut-être moins utopistes, un peu plus réalistes mais tout autant, si ce n’est plus, optimistes. Un autre élément de bilan positif de l’action de l’AFEV porte sur l’étendue géographique prise par nos actions. Nos différents partenaires semblent satisfaits de nos interventions et ce développement constant en est un signe fort. Quand je suis arrivé à l’AFEV, l’action principale était l’accompagnement à la scolarité. Dorénavant, et notamment à Lyon, la diversité de nos actions s’est étoffée. Nos actions dites d’insertion sont en plein essor (Protection Judiciaire de la Jeunesse, Missions Locales, Centre Médicaux Pédagogiques, Illettrisme … ), et nos actions santé semblent vouées à un bel avenir.

Nos actions « historiques » d’accompagnement à la scolarité ont elles aussi évolué. Nous intervenons maintenant auprès d’enfants demandeurs d’asile, primos-arrivants et du voyage. Notre « difficulté » actuelle est sur la gestion d’un nombre important d’étudiants au niveau de l’aspect collectif de notre activité. En effet, les étudiants sont plus sensibles à des projets montés avec une vingtaine de personnes qu’avec cinq cent. Ils ne se retrouvent pas forcément dans les engagements collectifs plus classiques et sont plus à l’aise quand ils sont dans le « faire ». Je dirais pour simplifier que les jeunes sont animés par un fort besoin d’être utile. C’est pourquoi nous avons mis en place cette année des ateliers (création d’un livre, organisation d’un café-citoyen … ) portés par les étudiants qui se réunissent en petits groupes de 20-25 personnes.

 

En 2004, vous avez engagé une large réflexion sur les nouveaux modes d’engagement des jeunes. Pourquoi ?

Nous voulions mieux cerner les aspirations et les attentes des étudiants animés à la fois par une volonté d’individualisation et une recherche d’engagement solidaire. Les temps changent, les formes d’engagement aussi. Les associations sont amenées à prendre en compte les nouveaux comportements sociaux. C’est pourquoi, nous avons décidé d’en faire le thème principal de nos universités d’été. C’est aussi la raison qui nous a conduit à lancer une étude en associant des experts.

 

Quels sont les principaux enseignements de cette étude ?

Cela nous permet de valider certaines certitudes mais aussi de mieux appréhender les étudiants, leurs questionnements et leurs attentes. Ces étudiants sont jeunes, pour la plupart issus du 1er cycle universitaire ; pour la majorité d’entre eux, c’est un premier engagement et majoritairement, ce sont des filles. Cela nous permet de mieux comprendre notre jeunesse estudiantine et de « casser » certaines idées préconçues comme quoi ils se désintéresseraient de tout. Cette étude et l’AFEV sont la preuve que le postulat ne peut pas, ne doit pas, se poser en ces termes. Les étudiants ne se retrouvent pas dans les engagements collectifs historiques (syndicats, partis politiques) mais ne se désintéressent pas de la chose publique. Bien au contraire !

 

Pourquoi les jeunes choisissent-ils l’AFEV ?

Car l’association porte leurs idées et leurs valeurs. Parce qu’elle leur permet d’être utile et reconnu et leur offre un cadre structuré pour réaliser leur volonté d’agir.

 

Diriez-vous que nous sommes à un tournant de l’histoire du bénévolat en général et de l’engagement en particulier ?

Ne sommes-nous pas à un tournant de l’histoire plus globalement ? De nombreuses politiques publiques à destination de la jeunesse en général sont à repenser, à retravailler. Cette jeunesse mue très vite. Plus vite que le simple rythme d’une génération à une autre. Nous ne pouvons plus nous contenter d’une réévaluation de nos dispositifs éducatifs à moyen terme. Pour le bénévolat je dirais que le tournant est sémantique. En effet, ce terme ne semble plus forcément convenir à nos étudiants. Ils se sentent d’abord engagés, plus volontaires que bénévoles. Curieusement ce mot leur apparaît comme dévalorisant. Pourquoi ? Peut-être que leur démarche initiale n’est pas uniquement altruiste mais motivée par un souci de co- éducation. Ils donnent autant qu’ils prennent et ils en sont tout à fait conscients.